LES MIRAGES DE NOS GOUVERNANTS
14 décembre 2022
Nous vivons une époque fantastique.
Nos gouvernants et leurs propagandistes vivent dans un monde parallèle dont de trop nombreux médias font la promotion. C’est un monde fait de croyances parfois fort naïves, reposant sur un socle désormais bien planté : la facilité partout pour éviter l’effort. On s’étonnera ensuite que ce monde ne coïncide pas avec la réalité d’un pays endetté jusqu’au cou, dont la désindustrialisation se paie au prix fort, incapable de réduire ses dépenses et donc ses déficits, s’entêtant dans la politique de la planche à billets à l’abri, peut-être de plus en plus précaire, du parapluie de l’Euro.
Le premier mirage est celui de la dette inoffensive.
Ainsi, d’aucuns continuent d’affirmer qu’une dette élevée ne posera jamais de problème. D’autres qu’on ne la remboursera jamais. Aussi, le gouvernement s’apprête-t-il à lever encore 270 milliards d’euros d’emprunts en 2023, alors que nous sommes à 3 000 milliards d’en cours, tout en tenant un discours opposé de retour à la rigueur. La vérité c’est que la dette, nous la remboursons en permanence, elle « roule » comme on dit, et pèse toujours plus sur nos marges de manœuvres économiques et financières, d’autant plus que la remontée des taux est là et risque de s’accentuer, nous étranglant encore un peu plus. Le risque est « minime » puisque c’est la banqueroute qui nous guette comme au temps des assignats.
Le deuxième mirage, c’est celui d'une désindustrialisation anodine.
Merci Strauss Kahn, mais pas que. Mais c’est bien lui qui en décrétant les 35 heures sur un coin de table du café du commerce a engagé le mouvement du grand déménagement des « délocalisations » de nos industries vers l’Asie, au début des années 80, pronostiquant le grand remplacement par le « super tertiaire ». La désindustrialisation ne devait pas être un drame puisque les services faisaient l’affaire. La France a perdu ainsi un bon tiers de son industrie qui nous manque cruellement aujourd’hui. Et réindustrialiser ne sera pas simple quand le manque de capitaux pour investir est patent, anémiés qu’ils sont par les charges qui pèsent sur la création de richesse : conf. La dette et ce qui suit…
Le troisième mirage est celui d'un déficit commercial bénin.
Il ne faut pas être grand clerc pour comprendre d’où il vient : on ne produit plus grand-chose et nos entreprises ont perdu en compétitivité malgré les béquilles fiscales laborieusement mises en place par Hollande et Macron. Résultat, notre balance commerciale n’a cessé de se creuser depuis dix ans, atteignant ces temps derniers des records. Mais il paraît que c’est normal et que nous regagnons du terrain. Tu parles !
Le quatrième mirage est celui de déficits publics habituels .
Avoir des dépenses publiques représentant 60% du PIB n’est pas inquiétant, d’après nos technocrates, aussi compétents en la matière que pour le nucléaire. Cette situation explique pourtant largement la perte de compétitivité de nos entreprises. Les crédits d’impôts qu’on leur octroie ne sont que cautères sur jambes de bois. Le goût prononcé de nos gouvernants pour « l’Etat nounou », grand dispensateur de pouvoir d’achat à crédit aux ménages et « stratège » en matière d’investissements, nous a conduits là où nous en sommes : des entreprises incapables d’augmenter les salaires, qui investissent insuffisamment dans l’innovation, avec pour résultat une chute vertigineuse de la richesse par habitant (PIB) qui nous classe en 2022 au 28ème rang des pays développés avec 44 770 $ (Allemagne 58 150, R.U. 48 693). Et la gabegie continue. Le FMI vient de mettre en garde la France sur la dérive dangereuse de sa dette alors que nous ne sommes pas encore sortis de la folie dépensière, comme en témoigne les « chèques » annoncés pour le début de l’année à certaines catégories de Français. Pourtant, nos pilotes ont tous les indicateurs souhaitables à leur disposition avec les Chambres régionales des comptes, la Cour des Comptes et les rapports de la Banque de France.
Le cinquième mirage est celui de la planche à billets facile .
Combler la panne d’investissement et de production par la création monétaire était sage, soi-disant, alors qu’elle est à l’origine de l’inflation et crée des bulles. La fin du « quantitative easing » avec le resserrement des rachats par la BCE va probablement permettre de mettre un terme à la glissade expansive de la monnaie. Mais ce sera moins de facilité pour le gouvernement qui va devoir faire sans… Le programme pour 2023 est relativement simple : ce sera récession et décrue de l’inflation.
La réalité finit toujours par s’imposer. On aimerait un réveil en douceur et des gouvernants qui prennent les problèmes à bras-le-corps. Les solutions existent. S’ils manquent d’idées ils peuvent toujours lire la double interview de Philippe Aghion et de Jean Tirole aujourd’hui dans le Figaro, qui traitent justement de ces sujets !
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