ON SAIT OU PASSE LE POGNON !
31 mars 2022
Macron est un saint ! Circulez, il n’y a rien à voir et si vous osez lui demander quelques comptes sur ses agissements ou sur ses décisions, c’est que vous avez un très mauvais esprit et que vous sombrez dans les plus sordides arguties politiciennes. Et pourtant, après Alstom, Benalla, voici McKinsey. Désolé de décevoir les macronistes outragés, mais cette affaire contient tous les ingrédients d’un scandale d’Etat : collusion d’intérêts, dilapidation de l’argent public, communication de données stratégiques à un cabinet privé étranger, et cerise sur le gâteau optimisation fiscale complaisante.
Le Sénat a encore fait des siennes.
Selon la macronie, le voilà transformé en officine chargée de discréditer le président de la République par la fabrication d’allégations mensongères. Et voici Gérard Larcher devenu le diable animé par la panique … Tragique inversion des rôles à la manière poutinienne. La Haute Assemblée ne fait que son travail de contrôle parlementaire et heureusement qu’elle est là, puisque l’Assemblée Nationale est transformée en paillasson par la grâce de son groupe majoritaire. Ceux qui connaissent le président du Sénat savent quelle haute idée il se fait de sa fonction et de la séparation des pouvoirs. Le premier souci qui ressort de ce rapport sénatorial, rendu public le 17 mars, concerne la place qu'ont pris les cabinets de conseil dans la fabrique des politiques publiques. Ainsi, les sénateurs expliquent que « le recours aux consultants constitue aujourd'hui un réflexe », ces cabinets étant pour les sages « au cœur des politiques publiques ». À tel point que les parlementaires évoquent une situation de « dépendance » de l'Etat envers ces cabinets. Dans leur rapport, les sénateurs mettent également en avant l'explosion des dépenses liées au conseil dans les différents ministères. En 2021, le gouvernement Castex a ainsi dépensé la somme de 893,9 millions d'euros contre 379,1 millions en 2018, plus du double. Ce qui pose question : mais à quoi sert donc notre haute fonction publique si elle n’a pas en son sein les compétences pour mener à bien toutes ces études ? A quoi sert-il d’avoir un million de fonctionnaires en trop par rapport à nos voisins européens, en proportion de leur population ?
Mckinsey dans le collimateur.
Parmi ces cabinets figure McKinsey, une entreprise américaine qui possède plusieurs filiales en France, dont les deux principales « McKinsey & Company Inc. France et McKinsey & Company SAS ». Ces dernières ont été sollicitées par l’Etat pour différentes missions de conseil, notamment sur la réforme des APL, la réforme des retraites ou plus récemment sur la gestion du coronavirus. Pendant la crise sanitaire, le gouvernement aurait dépensé plus de 12 millions d’euros pour s’offrir les conseils de McKinsey sur la campagne de vaccination, affirment les sénateurs.
On peut déjà voir dans ce choix une collusion d’intérêts.
En effet, ce même cabinet aurait participé « gracieusement » à l’élaboration du programme d’Emmanuel Macron en 2017, en collaboration avec l’institut Montaigne. De là à voir dans les nombreux dossiers qui lui ont été confiés, un possible « renvoi d’ascenseur »… Ce qui expliquerait aussi la myopie du fisc, habituellement plus sourcilleux sur le paiement des impôts. Le cabinet McKinsey est bien assujetti à l'impôt sur les sociétés en France mais ses versements s'établissent à zéro euro depuis au moins dix ans, alors que son chiffre d'affaires sur le territoire national atteint 329 millions d'euros en 2020, dont environ 5% dans le secteur public, et qu'il y emploie environ 600 salariés. D'autant que la maison mère se trouve au Delawere, considéré par l'OCDE et l'article 238-A de notre Code des impôts comme disposant d'un « régime fiscal privilégié »propre à focaliser l'attention française. « Toute société transférant de l'argent » dans ces lieux doit « prouver que sa transaction n'est ni anormale ni exagérée » et qu'à défaut, « elle est passible d'une retenue à la source en France de 33% ». Les « redevances très élevées que McKinsey France verse à la maison mère » auraient dû alerter la Direction générale des finances publiques (DGFiP). Ces redevances, également appelées « prix de transfert » sont en principe, strictement contrôlées par la DGFiP. Or ici, ni « accord préalable de la DGFiP », ni « document de synthèse de quatre pages » expliquant comment la société effectue ses calculs, comme c'est pourtant exigé. Rien de tout ça n'a été fait.
Certaines études ont utilisé des données stratégiques.
Les thématiques sur lesquelles le gouvernement a fait appel à McKinsey sont extrêmement variées. Des contrats posent question sur leur pertinence et leur utilité peut être contestée. Celle sur la gestion de la campagne vaccinale contre le Covid pour 12,33 millions d'euros a forcément entraîné la communication de nos données de santé qui ont un intérêt stratégique. C’est d’autant plus choquant que le cabinet est un organisme privé à but lucratif et que ces données peuvent être revendues, si elles ne l’ont pas déjà été. On peut facilement imaginer l’usage qui peut en être fait. Quant à la gestion de la campagne vaccinale, les Français peuvent juger de l’efficacité des conseils qui ont pu être donnés au gouvernement. Cela fait cher payé la pagaille qu’on a vécu. C’est surtout une grave faute politique.
L’étude la plus immorale et la plus choquante.
La réforme du mode de calcul des APL a coût 3,88 millions d'euros pour aboutir à ce résultat que je qualifierai de débile : la baisse de 5€ pour les étudiants. Pendant qu’on serre la vis à ceux qui n’ont pas beaucoup d’argent, d’autres se gavent à 2 000 ou 3 000€ par jour ! Immoral et choquant.
On oubliera de parler de l'organisation d'un colloque international commandé par l'Education nationale (496 800 euros) qui a finalement été annulé à cause du Covid. Mais qui a été payé, évidemment. Et puis ce rapport en vue de préparer la réforme des retraites qui avait également été réalisé, pour 950 000 euros, alors que cette dernière a été reportée. On sait pourquoi, maintenant, personne n’y comprenait rien !
Emmanuel Macron a répondu vivement aux accusations selon lesquelles son gouvernement a utilisé trop souvent des cabinets conseils à un prix élevé. Il a affirmé que la contribution de ces cabinets, tous triés sur appels d’offres, donc en concurrence, était moins fréquente que lors des mandats précédents. On comprend qu’il soit agacé, mais les faits disent le contraire et les documents sont là qui le prouvent. Oui, l’affaire McKinsey est un scandale qui intéresse les Français, car c’est d’argent public qu’il s’agit ! Et on voit bien de quel côté est le mensonge.
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