INCURIE BUDGETAIRE
25 juin 2019
La proposition politique de la majorité est encore une fois à côté de la plaque, en se mobilisant sur la justice sociale dans un pays qui en crève déjà et l’urgence climatique parce que les verts ont fait un demi-succès, elle oublie l’essentiel : l’incurie budgétaire du gouvernement. Je ne disconviens pas qu’il faille prendre en compte les difficultés économiques, avec les plans sociaux, et sociales, celles des territoires isolés, et se préoccuper d’écologie, pour répondre à l’appel de la jeunesse, mais rien ne se fera sans le rétablissement des comptes publics. L’endettement nourrit sans qu’on s’en rende bien compte le déclin de la France. Mieux gérer la France est un impératif parce qu’elle reste toujours, malgré les discours, le pays le plus taxé et le plus dépensier d’Europe. Baisser la dépense publique, supprimer des échelons administratifs, baisser les charges, voilà autant de pistes systématiquement remises au lendemain !
La Cour des Comptes tire encore le signal d’alarme.
Dans son rapport, elle souligne la fragilité de la réduction du déficit d’ici 2022. Il semble que ce ne soit plus, en effet, la priorité du Président. L’objectif de 3,1% de déficit cette année reste crédible, mais il n’en va pas de même pour la suite. La trajectoire de 2020 à 2022 est particulièrement alarmante. Sans entrer dans le détail du rapport, on retiendra le coût de l’éruption des Gilets jaunes qui consacre le relâchement des objectifs, une prise en compte plus réaliste des prévisions de croissance en baisse avec le ralentissement de l’économie mondiale. Le plus grave est la conjonction de baisses d’impôts envisagées et d’un moindre effort sur les dépenses publiques, hors charge d’intérêts. Et puis il faut compter aussi avecles annonces de décembre dernier : en gros 20 milliards de manque à gagner ( taxe carbone, ristournes sur les heures sup, suppression de la taxe d’habitation, annulation partielle de la hausse de la CSG…) alors que les dépenses vont augmenter de 0,5 Pt du PIB ! Quant à l’effort de compression des dépenses publiques il est programmé sur la fin du quinquennat, juste avant les élections !... La Cour des Comptes se demande même où est passée la réforme de l’Etat dans un « programme de stabilité » qui ne fait même plus référence au programme « Action publique 2022 ». Le plus incroyable c’est que les annonces faites à l’issue du « Grand débat » n’ont pas été intégrées dans la trajectoire proposée à Bruxelles, comme par exemple le financement de la baisse de 5 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu dès 2020 pas plus que les autres mesures. Le déficit prévu pour 2020 sera inévitablement autour de 2,3% et l’élaboration du budget de l’année prochaine s’annonce périlleuse. La Cour des Comptes n’est pas plus tendre avec la suite : recettes surévaluées, modération bien improbable de la masse salariale de la fonction publique. Dernière mise en garde : la faiblesse des taux d’intérêt qui favorise le relâchement de la dépense publique. Il est souligné que « le passage d’un régime de taux d’intérêt très bas à un régime de taux d’intérêt élevé peut très bien être très rapide ! »
Autre sujet d’inquiétude : l’endettement privé.
Pour la Banque de France, l'endettement du secteur privé est devenu le principal risque à surveiller pour la planète finance. A la faveur des taux faibles, ménages et entreprises empruntent depuis deux ans à un rythme très soutenu. Autre effet de cet environnement de taux, les acteurs de marché, en recherche de rendement, prennent toujours plus de risques. Les entreprises françaises ne se sont jamais autant endettées : leur dette rapportée au PIB s’élève à 175% !! Les taux bas sont en cause, évidemment. Leur endettement total dépassait les 4 000 milliards d’euros à la mi-2018. Ce sont les PME qui sont les plus nombreuses à s’endetter. Les grandes entreprises réussissent même à emprunter à taux zéro ou négatif. Elles constituent des réserves de trésorerie ou réalisent des opérations d’investissement dans des opérations de croissance externe. Mais cet endettement fait peser un risque sur la stabilité financière du pays, notamment en raison du risque de remontée des taux d’intérêt qui les mettraient en difficulté pour faire face à leur dette.
Les impôts de production.
On en parle peu. Deux économistes du Conseil d’Analyse Economique proche du gouvernement, attirent l’attention sur les effets nocifs de ces impôts pour les entreprises. Ils pèsent 72 milliards d’euros, le double du poids de l’impôt sur les sociétés (IS). Cela représente 3,6% de la valeur ajoutée des entreprises (en Allemagne 0,5%), le niveau le plus élevé en Europe. Ce sont des impôts qui handicapent directement la productivité et la compétitivité. Car contrairement à l’IS, ils ne pèsent pas sur le profit dégagé mais frappent aveuglément, même si l’entreprise ne gagne pas d’argent. Ces impôts taxent « en haut du compte d’exploitation » et expliquent l’atrophie du secteur productif français, notamment des TPE et PME. Parmi les différents impôts qui sévissent, citons la Contribution Sociale de Solidarité des Sociétés (C3S), la cotisation sur la Valeur Ajoutée et la cotisation foncière. La C3S est de loin la plus nocive : elle pèse sur le chiffre d’affaire et agit en cascade dans le processus de production puisque chaque bien produit est de nouveau taxé s’il entre dans le processus de production d’une autre entreprise. De l’impôt sur de l’impôt, spécialité qui n’existe que chez nous. Au bout du compte, augmentation des coûts de production qui se surajoutent et l’on imagine le handicap qui pèse sur les produits qui exigent de nombreuses étapes de production. Les auteurs expliquent « qu’elle réduit la compétitivité des entreprises en jouant comme une taxe sur les exportations et une subvention aux importations ». Mais la supprimer coûterait près de 4 milliards d’euros. La cotisation sur la Valeur Ajoutée, au taux progressif sur le Chiffre d’affaire présente les mêmes inconvénients… Il faudrait une simplification drastique de la taxation des entreprises et visiblement ce n’est pas à l’ordre du jour. Bruno Le Maire en parle, mais n’a pas les moyens d’agir. C’est pourtant vital pour consolider la croissance. Mais le gouvernement a choisi la fuite en avant.
Faute de choix courageux, Macron nous conduit dans le mur. La droite ferait mieux !
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