HISTOIRE
LA FRANCE EN SOUFFRANCE
LA BATAILLE DU POUVOIR D’ACHAT

COMME QUOI LES STATISTIQUES N’EXPLIQUENT PAS TOUT !

étatisme

 

Comment expliquer que dans le pays le plus égalitaire et le plus « redistributeur » d’Europe et du monde développé, le peuple se sente  bientôt le plus malheureux de la planète et le plus pessimiste quant à son avenir et celui de ses enfants. Vrai paradoxe qui mérite approfondissement si on veut comprendre la révolte des « gilets  jaunes ».

Ce que les statistiques nous disent.

Elles nous disent que nous ne devrions pas nous plaindre. Vous ne le croirez  pas,  mais  notre pays a un niveau de vie « médian » très élevé, sur la 2ème marche du podium des 28  de l’Union européenne, juste devancé par le Luxembourg. « En même temps », c’est  celui qui en fait profiter le plus tous ses  habitants avec  l’un des écarts les plus faibles entre les plus riches et les plus pauvres. Mieux, le revenu disponible des ménages a toujours été en hausse depuis 60 ans, à trois exceptions près, et depuis 1970 le niveau de vie moyen des ménages les plus pauvres a  progressé de près de 20% (en euros constants). En conséquence, nous avons le plus faible taux de ménages pauvres d’Europe et les riches sont plus fortement mis à contribution qu’ailleurs : 1% des ménages les plus riches paient le quart du total de l’imposition directe, la  France est le pays qui impose le plus le capital, même  sans l’ISF. Nos entreprises sont les plus taxées, très au-dessus  de la moyenne de la zone euro (8 points). En résumé, il est bon de le rappeler, la France est championne du monde de la dépense publique (57% du PIB) et des prélèvements obligatoires (47% du PIB), ce qui n’empêche pas les Français d’être insatisfaits de leurs gouvernants, de leurs services publics et même de leur système social pourtant le plus généreux du monde.

Un Etat-providence unique au monde, mais un enfer fiscal.

La « révolte des gilets jaunes » repose sur un paradoxe entièrement contenu dans cette vidéo qui a fait le tour de Facebook avec des  millions de visionnages, celle de Jacline Mouraud :  « Qu’est-ce que vous faites de notre pognon ? ».  Ce cri de ralliement au départ du mouvement tient dans ce cocktail empoisonné qui veut que les pauvres et les classes moyennes s’estiment rançonnés par l’Etat,  tout en voulant garder des services publics toujours présents, même quand ça n’est plus possible, et toujours plus efficaces. Bref : des salaires et des retraites plus élevés, moins d’impôts, plus de services gratuits ! Revendications d’autant plus justifiées que chez nous l’Etat est responsable de tout. Notre histoire est faite de cet effort constant du pouvoir de centraliser la  décision. Il gère des aspects de la vie quotidienne qui sont dans d’autres pays organisés par les familles, les  communes,  les régions,  les  entreprises. Et  Macron a amplifié ce trait : jamais la province et les corps intermédiaires, élus locaux, syndicats, associations, ne se sont sentis aussi dépossédés de leurs responsabilités. La  conséquence en est effectivement une fiscalité confiscatoire. Si on en est là, c’est parce que notre modèle de fonctionnement est mauvais. D’abord, il est essentiellement centré sur la taxation des revenus du travail : 52% en France contre 39% en moyenne dans l’Union. De quoi nourrir fortement la colère de la France qui travaille. Car ce système de redistribution pénalise les classes moyennes : si les plus modestes paient moins en prélèvements qu’ils ne reçoivent en allocations, ceux qui bossent,   c’est-à-dire les classes moyennes dites « inférieures », paient autant qu’elles reçoivent et les « supérieures » se sentent mises à contribution, en proportion, autant que les hauts revenus. Tous les systèmes « sous conditions de ressources » ont donné le sentiment qu’il y avait deux Frances, une qui touche et une qui paie dont lafrustration a augmenté au fil des ans. Depuis des décennies, les classes moyennes sont massivement taxées, faiblement aidées socialement  et de moins en moins bien servies par les administrations.  C’est une réalité. Il  a suffi que l’effort demandé paraisse totalement inéquitable, ce qui est arrivé avec la taxe sur les  carburants qui pesait davantage sur les assujettis à la voiture pour aller au boulot (les périphériques et la province), pour que la colère explose. Ce que Dominique Reynié résume par la formule : « Ce que nous vivons, c’est plus qu’un affrontement entre le peuple et les élites, c’est un conflit entre la société et un État qui donne le sentiment de n’avoir plus d’efficacité sinon pour lever l’impôt ».

Attention à la récupération.

Les « gilets jaunes » maintiennent leur mobilisation pour demain, 15 décembre, malgré les annonces présidentielles. Il y a gros à parier que ce ne seront plus les mêmes. Même Marine Le Pen s’est fendue d’un appel à ne pas manifester. Il n’y a plus que Mélenchon. Le  mouvement va découvrir le principe de « réalité » : « quand on n’est  pas capable de désigner un chef dans ses rangs, d’autres viennent de l’extérieur pour vous asservir ». Et  la  roue révolutionnaire jaune et plutôt  pacifique, va se mettre à rougir, récupérée par les  éternels radicaux qui se sont infiltrés,  trop heureux de l’aubaine qui leur permet de récupérer un mouvement qu’ils essayaient en vain de créer. C’est l’inconvénient des « réseaux sociaux » que d’être un corps intermédiaire gazeux et perméable. La manipulation y est aisée et  incontrôlable. Et  la glissade, on la connaît ! « On veut plus », il suffit de prendre l’argent aux riches. Ils rêvent d’une France  libertaire, entre vie de zadiste et paumés du lève-tard, sans se rendre compte qu’il faudrait un régime de « servitude » à la coréenne pour appliquer un tel  programme. Chez nous, cette  mentalité s’est répandue chez les jeunes, peu enclins à réfléchir à leur avenir professionnel  pour être en adéquation avec les forces économiques, ils sont nombreux à préférer  vivre de minimas sociaux plutôt que de travailler. Si la grogne contre le mensonge de la taxation verte des carburants était lisible, il suffit de voir la vacuité des revendications qui ont suivi,  approuvées par  une large majorité de nos concitoyens, pour comprendre qu’on est face à une vision exclusivement matérialiste de la condition humaine. Ils génèrent la misère morale qui gangrène notre société et rend difficile tout redressement politique.

Quelles voies pour en sortir.

Macron a épuisé son crédit. Il peut promettre tout le contraire de ce qu’il a fait jusqu’à maintenant, en annonçant une réforme profonde de l’Etat qui s’appuierait sur une nouvelle décentralisation, qui  peut y croire ?  Mais il faut pourtant d’urgence remettre les classes moyennes au coeur des enjeux publics. Il faut basculer très vite le financement de la protection sociale sur la TVA à 20% (oui,  je sais, ça fait hurler certains), seul impôt qui fait participer tout le monde plus les importations, plafonner les allocations maladies, retraite et chômage, accroître fortement les incitations à travailler et plus longtemps, augmenter la productivité de l’Etat et des collectivités locales. Ainsi, en limitant les dépenses sociales sans réduire la protection des ménages les plus modestes, on ponctionnerait moins les classes moyennes  et on pourrait allouer davantage au service public. Si nous avions le même  niveau de dépenses sociales que la moyenne de nos partenaires européens, nous libérerions 100 milliards d’euros qui pourraient être alloués à des baisses d’impôts ou à la hausse d’autres dépenses. Et à rembourser notre dette !

 

 

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