ET MAINTENANT, L’ACTE II !
08 mai 2017
Cette élection présidentielle laissera à des millions de Français le sentiment amer d’un rendez-vous manqué. La campagne électorale s’est achevée par un débat lamentable, mais a-t-elle vraiment eu lieu ? L’élection d’Emmanuel Macron présente tous les stigmates d’une élection par défaut, elle ne résout rien. D’abord parce qu’il n’a pas été possible de sanctionner le bilan du quinquennat Hollande, ensuite parce que la liste est longue des sujets jamais débattus quand huit candidats « hors système » qui ont frôlé au 1er tour les 50% des suffrages exprimés les escamotent. Or, la campagne présidentielle aurait dû être l’occasion de discuter des problèmes cruciaux auxquels notre pays est confronté et des solutions que nous sommes capables collectivement d’y apporter. Elle s’est conclue par l’affrontement surréaliste entre Emmanuel Macron et Marine Le Pen. Toutes les conditions pour un choix par défaut !
Les séductions contradictoires d’Emmanuel Macron.
Le nouveau Président a remporté une élection en évitant de présenter un projet, à quoi il s’est résolu un mois seulement avant le vote, préférant se réfugier dans une stratégie marketing qui lui permettait d’affirmer tout et son contraire à toutes les clientèles possibles au lieu de se soumettre à l’exigence démocratique de clarté et de transparence. La stratégie du « en même temps » qui a scandé sa campagne lui permet de remporter une victoire étonnante, incontestable de légitimité démocratique. Elle risque néanmoins de déboucher sur la colère et la frustration que ses séductions contradictoires ne manqueront pas de susciter quand elles seront confrontées à l’épreuve de la réalité. Ayant réuni 24% du corps électoral du 1er tour, les sondages pour les législatives confirment cette assise étroite : malgré les apparences que le vote par élimination a imposées, il n’y a qu’un quart des Français qui soutiennent sa démarche. La recomposition tant vantée ne serait-elle qu’une illusion d’optique et le fruit d’un concours de circonstances ?
La fin de Mélenchon.
Il sait que c’est fini pour lui, et il enrage. Il voulait sa revanche sur Le Pen, il a failli l’avoir mais le sort en a décidé autrement. Son attitude pour le second tour, en refusant de se prononcer clairement, relève d’une paranoïa autodestructrice puisque le rêve du « grand soir » s’évanouit. L’article de Ruffin dans le Monde de jeudi dernier parle pour lui en une sorte de testament. Candidat de la France insoumise à la députation, le cinéaste publie une lettre ouverte « à un futur président déjà haï ». Ce texte, féroce, mime Marine Le Pen : « Vous êtes haï, vous êtes haï, vous êtes haï (…) Vous portez en vous la guerre sociale comme la nuée porte l’orage. A bon entendeur ». Il représente bel et bien le miroir d’un Jean-Luc Mélenchon qui a constamment refusé de choisir la démocratie contre l’extrême droite, qui n’en finit pas de nourrir contre le résultat du premier tour une aversion très suspecte quant à son respect du suffrage universel : voyait-il dans un éventuel triomphe du Front national un mal plus supportable que la victoire d’Emmanuel Macron ? La prolongation de la France insoumise aux législatives ne pourra qu’accroître la peine (sans jeu de mot).
La Marine s’est noyée toute seule.
Pour le final de cette campagne, le Front National est apparu pour ce qu’il est, une formidable machine à empêcher le redressement de la France. Marine Le Pen avait fait élire Hollande en 2012, elle vient de rééditer son exploit en faisant élire son dauphin, entouré des mêmes conseillers et soutenu essentiellement par une majorité de gauche. Ce parti ne sera jamais qu’une impasse pour les électeurs qui votent pour lui, les condamnant au désespoir politique. Son score d’hier, beaucoup plus défavorable que prévu, est la résultante à la fois d’un programme qui aurait fait de notre pays la risée du monde s’il avait été en passe d’être appliqué et d’une prestation télévisée débilitante la disqualifiant pour longtemps dans l’esprit d’une large partie des Français. Les règlements de comptes dans son parti ne vont pas tarder à commencer et personne à droite et au centre ne se plaindra s’il en sort affaibli. Elle aussi veut continuer le combat… A la différence d’elle et de Mélenchon, Fillon a au moins eu la décence de jeter l’éponge. Mais c’est un vrai démocrate.
Macron pourrait être un bon président.
Le quinquennat d’Emmanuel Macron servira à quelque chose si c’est avec l’union de la droite et du centre qu’il gouverne. Parce qu’il n’y a pas de salut pour la France sans la réforme. Or, ce qui ressort de cet épisode présidentiel, c’est l’énorme aversion pour toute réforme d’une bonne fraction de la population, la moitié du corps électoral, imprégnée du discours populiste. L’élection d’Emmanuel Macron ne résout pas ce mal profond qui ronge notre société, car son projet ne remet pas en cause l’Etat omnipotent, pourtant en faillite latente, et il ne pourra guère compter pour appliquer son programme, sur un soutien solide et cohérent de la gauche qui l’a aidée à gagner. Plus de 60% des Français ne souhaitent pas qu’il ait une majorité absolue à l’Assemblée nationale, cela en dit long sur le malentendu. Il va falloir compter avec cette partie du peuple tentée de recourir à la force, mais aussi avec l’électorat de la droite et du centre qui attend encore l’alternance. Or, c’est avec la droite et le centre que le nouveau Président pourra trouver, dans une cohabitation imposée par le vote et non par les « arrangements », les moyens de mettre en œuvre tous ses projets, avec une majorité cohérente et stable, qui ne le contraindra pas à négocier en permanence tantôt avec une aile droite, tantôt avec une aile gauche. La France doit panser ses plaies, redonner de l’espoir à tous ceux qui sont restés au bord du chemin et qui ont été tentés par les « extrêmes ». Elle ne peut pas passer encore cinq années en atermoiements calamiteux. Le seul moyen d’échapper à l’immobilisme qui conduirait à une victoire populiste dans cinq ans, c’est d’élire une majorité LR-UDI à l’assemblée nationale afin de placer François Baroin à Matignon. Elle y parviendra si elle crée les conditions de l’union nationale qui pourrait sortir le pays de l’ornière. On éviterait ainsi l’instabilité promise par un rassemblement hétéroclite et on fera prévaloir le principe d’alternance qui est la respiration d’une démocratie « normale ».
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