ELECTEURS STRATEGES …
05 mai 2017
Un second tour sans candidat c’est toujours compliqué. Car si je suis embarrassé pour dimanche, je sais clairement où je me situerai lundi matin, quelle que soit l’option choisie : dans l’opposition à celui (ou celle) qui sera élu. En attendant, et dans cette perspective, je réfléchis au comportement qui soit le plus utile. Il faut que mon vote soit un acte politique qui serve la cause que je défends. Lequel des deux candidats, sinon les deux, faut-il affaiblir le plus et par quel moyen ? Il y a bien sûr les professeurs de « conduite politique » qui savent dicter le bon choix avec leurs certitudes,… ou leurs intérêts. Tout le monde se croit tenu d’afficher le sien, mais pareille exhibition n’a pas de pouvoir magique. « La France est plus grande que nos divergences », nous dit l’édile local à propos de Macron, certes, mais à voir. Je lui répondrai la semaine prochaine, parce que ça mérite débats et éclaircissements.
L’insuffisance et la vulgarité.
Les Français ne sont pas les Américains. La grande différence, c’est qu’à une élection présidentielle on vote chez nous à 80%, contre un sur deux outre-Atlantique. Même nos concitoyens les plus démunis ont une culture politique et sont capables de discernement. En voulant « casser les codes », Marine Le Pen s’est fourvoyée, elle s’est trompée de pays. Le débat de jeudi dernier a été éclairant et devrait la disqualifier, tant son incompétence et son comportement se sont montrés incompatibles avec la fonction qu’elle brigue. Nous sortons d’un quinquennat avec un Président qui nous a fait honte presque chaque jour, on ne va pas descendre encore plus bas ! Pour autant, le naufrage de la candidate du FN ne guérit pas la France du populisme, même si la nullité de ses remèdes sont apparus au grand jour. Il reste le profond malaise démocratique où il plonge ses racines et puise ses ressources électorales. Sortir de l’Europe et de l’euro, fermer les frontières, se replier sur l’hexagone, le tout exposé dans la confusion, ce serait la catastrophe économique assurée. Comment peut-elle avoir untel déni de la situation réelle du pays, dont les entreprises sont imbriquées dans le tissu serré des accords et des échanges intra européens depuis plus d’un demi-siècle ? Et puis donner les clefs de la République à des gens dont l’attachement aux règles démocratiques est douteux, l’histoire nous a enseignés qu’il ne fallait jamais prendre un tel risque. Attention, je ne mets pas dans le même sac les millions d’électeurs qui expriment leur souffrance d’être délaissés, incompris ou pas écoutés. Donc pas de paranoïa pour autant. Marine Le Pen a tout de même très peu de chance de briser, encore cette fois-ci, le « plafond de verre ».
L’inexpérience et l’incertitude.
Emmanuel Macron n’est pas non plus le sauveur incontesté. 60% de ses électeurs du second tour déclarent voter pour lui par défaut. Il y a de quoi ! Les points d’interrogation à son sujet sont nombreux : expérience politique courte et récente, le renouvellement qu’il appelle de ses vœux se construit sur de vieilles figures racornies et semble prolonger la présidence sortante, ses soutiens hétéroclites (le mot est faible) ne gagent pas d’une stabilité et peuvent même paralyser son action, certaine fêlure psychologique apparue pendant la campagne… Autant de questions qui altèrent la force dont il aura besoin en arrivant à la tête d’un pays au bord de la crise de nerf après une campagne électorale frustrante à bien des égards, avec une population fracturée… De quoi sera fait demain ? Voilà la question que de nombreux Français se posent à son sujet. L’inquiétude ne concerne pas vraiment le résultat de dimanche, mais la suite. La liste des risques est longue pour lesquels ils ne disposent souvent que de réponses floues ou fluctuantes. Le contexte international fait de multiples tensions ajoute au doute. Bref, alors que déjà le troisième tour s’annonce dans les partis, ce quinquennat qui commence devra affronter un pays particulièrement difficile à gouverner. Sera-t-il à la hauteur ? S’ajoute à l’équation, la nécessité de le réussir si on ne veut pas que la prochaine soit la bonne pour le FN.
Résultat des courses.
Est-ce parce que ce cas de figure se présente à moi pour la première fois ou parce que les deux candidats présentent des failles, que c’est si difficile ? Les deux probablement. Trois options s’offrent à mon choix de citoyen, puisqu’il n’est en aucune façon question de déserter les urnes : Le Pen, vote blanc, Macron. Il faut affaiblir Le Pen, ça c’est certain. Plus son score sera faible, plus la droite aura de chances d’élire des députés aux législatives qui suivent, ce serait notre intérêt bien compris. Le vote blanc, même s’il n’est pas compté dans les suffrages exprimés, est un mode d’expression reconnu qui manifeste une forme de choix. Un grand nombre de votes blancs ajoutés aux abstentions est la marque d’une défiance qui n’est pas sans intérêt. Il comporte un risque : il fait baisser le niveau à atteindre en nombre de voix pour la barre des 50%. Trop de votes blancs sont la seule issue pour l’extrême-droite de l’emporter. Voter Macron est probablement ce qui serait le plus prudent, sachant que ça ne sera en aucune manière une adhésion à son projet. Si l’intéressé le pensait, il en aurait la déconvenue très rapidement. Mais en même temps, je n’ai pas envie qu’il fasse un score trop élevé au point qu’il déclenche une vague électorale en sa faveur. Déjà, des sondages fleurissent qui annoncent des nombres de sièges alors que ses candidats ne sont pas désignés, ni en campagne… J’hésite encore. Jusqu’au dernier moment je vais consulter les augures et manier la calculette ! A tous ceux qui sont comme moi, je souhaite bon courage dimanche !
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