LE TEMPS DES CERISES
25 avril 2017
C’est à dessein que je reprends le titre de cette chanson écrite en 1886 par Jean-Baptiste Clément, et fortement associée à la Commune de Paris. D’abord pour saluer le score mémorable de Mélenchon, ça vaut bien un petit coup de chapeau, sans pour autant adhérer aux idées du tribun. Mais surtout, je le détourne pour rappeler à nos amis de la droite et du centre que le mois de juin pourra être celui « des cerises », c’est-à-dire de la récolte, si on sait rester unis et offensifs.
Où va-t-on ?
Dimanche dernier, la France s’est probablement donné un président de la République avec un résultat de premier tour marqué par la dispersion, qui ne marque aucun engouement, aucune adhésion populaire. Aucun candidat n’a franchi la barre des 25% : cela montre bien la désorientation d’un peuple fracturé. Dans moins de quinze jours, sauf surprise, c’est donc un homme de 39 ans qui devrait prendre en main les destinées du pays, avec peu d’expérience de l’Etat, encore moins de la vie politique, n’ayant de sa vie jamais été confronté au suffrage universel, crédité d’un mince bagage fourni par son passage au pouvoir, et qui semble de prime abord, dépourvu de vision historique. Idole pour l’instant du monde médiatique, il doit son succès à un effet de mode qui aura une fin, avant de se transformer, au fil des déceptions qui ne manqueront pas d’arriver, en mise à mort rituelle. J’en fais le pari. Mais je ne peux pas croire que les Français aient voulu prolonger, à travers lui, le mandat de François Hollande et ça fait cher payé le visage nouveau ! Il n’a pas d’orientation politique précise ni de projet clair, encore moins de force politique structurée susceptible de lui fournir une majorité stable : voilà qui offre une occasion inespérée pour une « renaissance ». Une vraie !
Sortir du piège surréaliste du 2ème tour.
Mais d’abord, il faut sortir du piège surréaliste du second tour. Le 21ème siècle a fait irruption dans nos mœurs politiques de la façon la plus effroyable : puissance de la propagande médiatique, triomphe des scandales et de la polémique, instantanéité des informations vraies ou fausses, délires des réseaux sociaux… On s’étonnera ensuite qu’il en résulte une forme d’indifférence née de la confusion des idées. La campagne débouche sur une désintégration de la vie politique française telle qu’on la connaissait. Pour la première fois depuis le début de la Vème République, la droite n’a pas de représentant au second tour. Elle est balayée avec 20% des voix alors qu’elle disposait d’un boulevard après cinq ans d’opposition. Le parti socialiste et ses alliés écologiques, eux, se ridiculisent en n’atteignant même pas 7%. Le communisme qu’on croyait moribond renait avec les accents d’un démagogue admirateur des dictatures gauchistes sud-américaines. Contrairement aux idées reçues largement véhiculées, cette élection ne marque pas de poussée irrésistible de l’extrême droite, un temps surestimée par la faible participation aux élections intermédiaires. Le score de Marine Le Pen paraît même dérisoire au regard des prophéties sondagières annoncées depuis des mois. A la faveur de la confusion, les jours à venir vont voir leur lot de migrations des éternels assoiffés de pouvoir vers les mangeoires qui paraissent plus prometteuses. Le second tour annoncé n’est pas le pire cas de figure que nous pouvions imaginer, mais il n’en est pas loin : nous sombrons dans un affrontement idéologique stupide et caricatural entre « mondialisme » et « nationalisme » alors que la France aurait tant besoin de sérieux, d’un vrai gouvernement, d’action et de réforme.
Rendez-vous en juin !
L’élimination de François Fillon dans les conditions que l’on sait mérite bien une revanche, dans un pays qu’on dit majoritairement de droite. Ce que nous montre, en effet, ce premier tour, c’est que le pouvoir présidentiel est moribond. Il a été anéanti par une présidence « normale jusqu’à l’insignifiance », suivie d’une élection noyée par des candidatures improbables jusqu’à la caricature. Il y a toujours eu un candidat folklorique, de Marcel Barbu à Marcilhacy, mais rarement autant de plaisantins comme en 2017. Et pour les principaux candidats, tout a été faussé : entre un « parvenu préfabriqué » et un tribun sorti directement du 19ème siècle hormis son hologramme, il était difficile de faire ressortir l‘étoffe de chef d’Etat d’un Fillon qu’on a pris soin de dégrader à coups d’accusations malfaisantes. Il nous faudra donc attendre qu’une grande figure digne de ce nom réapparaisse pour que le pouvoir présidentiel reprenne du lustre. Mais aujourd’hui, il est, de fait, anéanti. Et ce n’est pas en projetant dans le fauteuil un candidat marqué par l’inconsistance politique que la fonction va reprendre tout son poids.
Profitons de ce concours de circonstances. Dans ce contexte, c’est l’Assemblée nationale qui peut incarner la souveraineté, elle a le pouvoir de faire la loi, d’imposer des réformes et une politique. C’est d’elle que procède le gouvernement qu’elle est chargée de contrôler. C’est à nous, la droite et le centre, de proposer la vraie alternance. Tout peut commencer avec les élections législatives de juin en permettant l’élection d’une grande vague bleue, que rien ni personne ne pourra empêcher si nous savons montrer le cap et désigner un chef pour l’orchestrer. Nous avons une génération d’hommes politiques suffisamment neufs pour incarner le renouveau avec les Baroin, Wauquiez, Retailleau, Bertrand… Et la victoire est possible, car le vote aux législatives est infiniment plus difficile à manipuler par les médias sur un scrutin réparti en 577 circonscriptions avec des candidats déjà en campagne dont beaucoup sont bien implantés. Le vrai grand rendez-vous démocratique sera celui de juin. Ceux qui veulent sauver le pays doivent impérativement se mobiliser et saisir cette occasion inespérée de bousculer le cours des choses.
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