LE PS A BESOIN DE FAIRE SON « BAD GODESBERG »
07 mars 2016
Le Parti Socialiste de François Mitterrand né du Congrès d’Epinay en 1971 est mort. Avec la charge de Martine Aubry contre la politique Hollande-Valls, le départ annoncé de ses partisans du bureau politique, la rupture est consommée. Avec les manigances des frondeurs qui se sont rallié les satellites que sont l’Unef chez les étudiants et la Fidl chez les lycéens pour les jeter dans la rue, c’est un front qui s’est ouvert entre deux gauches. Le moment de clarification est arrivé, et le locataire de l’Elysée aura bien du mal cette fois-ci à faire la « synthèse ».
Il faut en finir avec la gauche archéo-socialiste du "programme commun".
L’intérêt du texte de « l’amère de Lille », n’est pas seulement dans la violence du propos, qui vise tout particulièrement Manolito, mais aussi et surtout dans l’éclairage qu’il donne de la vision de l’économie et de l’entreprise de cette vieille gauche qui n’apprend rien de la réalité : l’entreprise reste, sinon l’ennemie de classe, du moins l’adversaire selon la doctrine marxiste « du lieu d’extraction de la plus-value », autrement dit de « l’exploitation de l’ouvrier ». Pour elle, le capitalisme est de plus en plus dur et il ne peut y avoir de compromis : on ne pactise pas avec le capital car c’est un pari perdu. Avec à la clé, les arguments traditionnels que l’on peut énumérer tels que les salaires sont à la baisse, les conditions de vie s’abiment, les riches sont de plus en plus riches… Les rapports sociaux ne sont pas un dialogue, mais un combat. La lutte des classes…
Cette vision négative, particulière au réduit français, trouve quelques échos ailleurs dans le monde développé, profitant des soubresauts provoqués par la transformation de l’économie sous l’effet de la troisième révolution industrielle, mais fait fi des réalités que sont le recul de la pauvreté sur la planète et de la misère bien plus grande des rares peuples où sévit encore cette doctrine dans toute sa cruauté, comme en Corée du Nord. Et si le capitalisme est si dur que ça, la France est encore un mauvais exemple car il y est rudement ficelé par cette sorte de « communisme mou » qui se mesure à des dépenses publiques qui pompent 57% du PIB, aux inégalités qui y sont contenues et à la protection des salariés qui y est forte. Et si l’on connait un chômage à 10% c’est bien spécifique à notre pays, et c’est bien à cause de l’ensemble des coûts, des lourdeurs et des retards à réformer. Cette vieille gauche développe un autre argument, en ligne avec la doctrine : l’Etat est plus intelligent que la bourgeoisie et est mieux capable de gérer l’économie, donc les entreprises. On ne peut pas faire confiance à la société civile. Rappelons-nous Montebourg et son « redressement productif » ! Or la société civile montre des signes de dynamisme dont l’Etat ferait bien de s’inspirer, toujours en retard d’une guerre, toujours dans la « demande » alors qu’il faudrait stimuler « l’offre »… Elle se trompe aussi sur les patrons. Ce sont les manœuvres de la Maire de Lille et les discours antiéconomiques des frondeurs qui ruinent la confiance dont ils ont besoin pour prospérer et pour embaucher.
Un « Bad Godesberg » à la française devient urgent.
Il y a quarante ans, en novembre 1959, au Congrès de Bad Godesberg (Rhénanie), le parti social-démocrate d'Allemagne (SPD) abandonnait deux points clés de sa doctrine: l'étatisation des moyens de production et la lutte des classes. C'était l'aboutissement d'une évolution commencée soixante ans plus tôt. Mais aussi une adaptation à la nouvelle réalité allemande d'après-guerre et une nécessité pour espérer représenter une alternative crédible à la CDU (Union chrétienne démocrate) de Konrad Adenauer, alors incarnation du renouveau de l'Allemagne démocratique. La mue sociale-démocrate en Allemagne est très ancienne comme on le voit. Ce congrès traduisait la victoire des réformistes sur les doctrinaires marxistes. Ce que nous n’avons jamais connu en France, puisque le congrès d’Epinay qui a vu la naissance d’un PS moderne en 1971, en remplacement de la SFIO (Section Française de l’Internationale Ouvrière), ne rompait pas vraiment avec le marxisme pour déboucher sur le « programme commun » avec le PCF dix ans plus tard. La grande fracture Aubry-Valls est là. Le mal est d’abord français, réformons, dit Valls ! Le temps de la mue réformiste serait-il advenu ? Rien n’est moins certain. Il ne suffit pas d’avoir « une vision moderne de la gauche », les programmes figés dans le temps issus de 1981 des « dinosaures » sont encore bien vivants. La tentative de l’exécutif d’imposer une ligne « sociale-démocrate » se heurte à la résistance de la gauche paléo-socialiste de la génération Mitterrand, qui peut, pour la circonstance, se coaguler pour faire face. A la longueur des défilés on verra si elle est en mesure de bloquer l’évolution pourtant indispensable. Car, en effet, ça n’est pas gagné pour les réformateurs qui sont relativement minoritaires dans leur camp. Ceci explique leur souhait d’une « recomposition » pour trouver des troupes au-delà de leur propre parti.
Pourtant l’exemple de Peugeot leur donne raison. Le préalable à tout regain de l’économie française est le retour à la compétitivité. Peugeot apporte la démonstration de l’efficacité de la politique de « l’offre ». Chez PSA, celle-ci a fait souffrir les salariés, avec la fermeture de l’usine d’Aulnay-sous-Bois, le gel des rémunérations pendant deux ans, la suppression de 17 000 emplois sur 120 000. Mais cela a payé : le groupe a retrouvé une bonne rentabilité avec deux ans d’avance sur son plan, il repart de l’avant, il vient d’offrir une prime de résultat équivalente à un bon mois de salaire à ses salariés… Et il est le groupe qui fabrique le plus en France ! Ce qui est vrai pour Peugeot peut l’être pour le pays tout entier. Mais Peugeot ne va pas embaucher de sitôt en France. Pas tant que le contexte sera celui que l’on connait, en coûts, charges, durée du temps de travail, législation … Mais le groupe est sauvé et il peut engager une croissance qui apportera directement ou indirectement des bénéfices à la France. Il faut souhaiter que les « sociaux libéraux » du PS réussissent. Car, tant que la vieille gauche dominera, avec son pouvoir de nuisance et son ignorance crasse des rouages économiques, les réformes seront périlleuses à mettre en place. Il suffit de voir la levée de bouclier que suscite le projet de loi El Khomry dont les avancées timides de réforme du marché du travail sont le dixième de ce qu’il faudrait faire. Si la vieille gauche l’emporte, on imagine la violence de l’affrontement en cas de retour de la droite au pouvoir, avec les propositions qu’elle formule aujourd’hui. Elle aura intérêt à remporter une victoire nette et à profiter du moment de « sidération politique » qui suit l’élection pour agir.
On aura certainement l’occasion de revenir sur le sujet dans les jours ou semaines qui viennent, tant il y a à dire. Sur ces jeunes aux idées de vieux qui récitent des slogans tout faits, sur ces politiques qui font l’impasse sur ce que disent nos plus éminents économistes, sur ces syndicalistes qui disent non avant même d’avoir examiné un projet… Portrait édifiant d’une France qui perd !
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