LE DOSSIER DES RETRAITES (volet 2)
17 juin 2013
Un rafistolage de plus, et pour combien de temps ?
Le COR (Conseil d’Orientation des Retraites) préconisait dans son rapport trois options à combiner éventuellement pour revenir à l’équilibre en 2020 : augmenter le taux du prélèvement global de 1,1 point (cotisations retraites), baisser de 5% le niveau des pensions moyennes actuellement versées et décaler de 9 mois supplémentaires l’âge effectif de départ à la retraite (soit un an et 9 mois de plus par rapport à 2011).
Le rapport Moreau va plus loin. Il propose un cocktail de
mesures qui visent à la fois à combler le déficit et à financer des mesures
nouvelles dites d’équité sur la pénibilité et la réduction des inégalités
hommes-femmes… On retrouve des préconisations du COR comme l’allongement de la
durée de cotisation à 43 voire 44 ans, la baisse des pensions par
l’augmentation de la CSG ou la suppression de l’abattement de 10% ou la
sous-indexation temporaire des pensions ou la fiscalisation de la majoration de
10% pour famille nombreuse, la hausse des cotisations patronales. Il ajoute une
révision du mode de calcul des pensions des fonctionnaires plébiscitée
aujourd’hui par l’opinion publique. Des pistes de bon sens mais que
l’application douloureuse rend politiquement insoutenable pour un gouvernement
de gauche, quand il s’agira de toucher aux fameux « avantages
acquis ».
L’acceptabilité sociale de ces mesures amères serait fournie par des compensations telles que la réduction par le bas des inégalités hommes-femmes en réformant les avantages familiaux liés au nombre d’enfants qui profite plus aux hommes et aux pensions élevées, par des mesures sur la pénibilité, très attendues par la CFDT, en créant, par exemple, un compte-temps abondé en points aux multiples objectifs (formation, temps partiel, …), par une homogénéisation des conditions de reversion…
Mais tout ceci n’est que du rafistolage d’un système à bout de souffle faute de croissance et d’une démographie favorable. La réforme vers laquelle on s’engage, on le voit bien, ne traitera pas de la nature du système. On écarte notamment, pour des raisons idéologiques, tout recours à la capitalisation. Or, s’en remettre à un unique gérant en la personne de l’état, dont la crise de la dette souveraine nous montre assez bien qu’il n’est pas exempt de défaut, n’est pas de nature à rassurer sur la pérennité de la répartition.
Aller vers un système plus simple et plus lisible.
L’écart des pensions entre le public et le privé est devenu en apparence insupportable, de même que le mode de calcul pour le public est perçu comme un privilège. La pension moyenne versée à un fonctionnaire d’état est d’un tiers supérieur à celle d’un salarié. Si rien ne change, l’écart persistera et se creusera.
Les différences s’expliquent par l’absence de périodes de chômage chez les fonctionnaires et les règles de calcul y sont comme on sait, plus favorables (prise en compte des six derniers mois contre vingt-cinq meilleures années). De plus, les régimes Agirc et Arrco ont été redressés pour équilibrer les comptes ce qui fait que les salariés du privé doivent payer plus cher pour obtenir le même niveau de pension, et dans les trois prochaines années, les complémentaires progresseront moins vite que l’inflation.
Réaliser la convergence public-privé n’est pas une mince affaire, compte-tenu de la diversité des statuts de la fonction publique. Les écarts entre des régimes relevant d’activités différentes rendent les comparaisons vaines. Il n’est pas interdit toutefois de progresser pour réduire l’écart. Les règles ont déjà été rapprochées : même âge d’ouverture des droits, mêmes durées de cotisations, mêmes modes de revalorisation. Nos systèmes de retraite divergent par nature. Financés par des cotisations sur les revenus du travail, ils reflètent tous des mondes distincts dans lesquels les durées des carrières, les salaires, les protections face aux aléas n’ont que peu de points communs. Il faut savoir aussi que l’intérêt financier reste limité : les experts ont évalué à 2 milliards d’euros le gain que permettrait la convergence, c’est ce que coûterait à l’état l’intégration des primes des fonctionnaires dans le calcul de leur pension. Les grands perdants étant les enseignants qui n’ont pratiquement pas de primes.
Réaliser d’abord l’équité public-public est un objectif qui se suffirait déjà à lui-même et un préalable indispensable. Il est porteur de réformes lourdes à mener si on voulait parvenir à une simplification de la trentaine de régimes différents selon les statuts. La fin des « régimes spéciaux », notamment, est devenue une exigence d’équité. Le cas le plus emblématique de cette inégalité est celui des retraités de la SNCF qui est l’un des plus avantageux parmi les « régimes spéciaux ». La pension moyenne devrait presque doubler dans les cinquante ans qui viennent !!! Sur le fond, l’âge de départ et le niveau des pensions sont les deux pierres d’achoppement. Mais on connait la réactivité des bénéficiaires de ces régimes.
Il faudrait un système général au financement diversifié.
La sagesse serait de diversifier les sources de financement et de simplifier le dispositif complexe de 33 régimes différents. Pour appliquer le principe : « à carrière égale, retraite égale », il faut faire la convergence totale entre public et privé, supprimer les régimes spéciaux, et permettre le comblement du décalage entre les pensions du public plus élevées en moyenne de 10% que celles du privé par une désindexation de ces pensions jusqu’à ce qu’elles soient au même niveau. Pas évident !
Au-delà, il n’est pas interdit d’ébaucher un dispositif qui reposerait sur trois piliers indépendants : répartition pour le socle, capitalisation collective, capitalisation individuelle. Chaque pilier ayant ses vertus et ses risques, leur combinaison aurait l’avantage d’amortir les aléas éventuels de l’un ou de l’autre.
La répartition, c’est la solidarité nationale. Par exemple, le revenu minimum des personnes âgées ne peut se concevoir que fondé sur l’entraide intergénérationnelle qui procède du principe de répartition.
La capitalisation collective : c’est un système de prévoyance professionnelle auquel on assigne l’objectif d’assurer le maintien du niveau de vie, la cohérence entre les revenus de la vie active et ceux de la retraite. Elle pourrait prendre la forme d’un fonds de réserve qui se remplit pendant les périodes de croissance, d’une épargne salariale ou de fonds de pension français.
La capitalisation individuelle : c’est le complément volontaire de prévoyance, qui existe déjà chez les fonctionnaires avec la « Préfon », et qui peut être variable selon les besoins du cotisant.
Pour donner un exemple de capitalisation afin d’en comprendre l’intérêt : un placement de 100 euros à 4% prend une valeur de 128 euros en 5 ans, double en 14 ans et triple en 22 ans, par la loi des « intérêts composés ». Si l’on capitalisait la totalité des cotisations actuelles, le retraité toucherait en pension une fois et demie son dernier salaire. On est loin du taux de remplacement actuel qui est de 60%. Et la perte en capital subie par un smicard dans le système actuel représente 250 000 euros en moyenne. Ce sont des données qu’il faut connaitre, tout en les relativisant. Mais c’est pour cela que ceux qui ont les moyens souscrivent des assurances-vie.
Quoi qu’il en soit, au moment de faire ses choix, le gouvernement ne devrait jamais perdre de vue qu’un devoir d’équité l’emporte sur tous les autres : c’est, vis-à-vis des jeunes générations, de vite cesser de financer nos retraites par plus de dette ou par plus d’impôt.
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