QUAND LE NET FAIT CAMPAGNE
12 janvier 2012
AVAAZ.org, vous connaissez ? Peut-être pas. Et pourtant, cette fondation américaine mobilise via le net des millions d’individus. Créée en 2006, elle a un budget de plus de 6 millions de dollars et 100 salariés répartis dans le monde. Le fondateur, Ricken Patel, qui en est le directeur exécutif, est un anglo-canadien de 34 ans aux ascendances indiennes et kényane, passé par Oxford et Harvard, rompu au militantisme des campus et aux négociations internationales sur les champs de bataille pour Crisis Group.
Certains parlent déjà de « politique 3.0 » en disant d’Avaaz (« voix » en hindi) qu’elle est la version mondialisée des nouveaux mouvements civiques américains tels MoveOn.org et Res Publica qui ont accompagné l’essor d’Obama. Les deux organisations sont d’ailleurs actionnaires de la fondation, immatriculée dans le Delaware, régie par les lois de New-York et dont les dons ne sont pas déductibles des impôts pour des raisons « d’indépendance ».
A son actif, de multiples campagnes à travers le monde, elle mobilise des citoyens en quelques clics : à Paris sur le parvis du Trocadéro pour demander le gel des avoirs de Moubarak, à Bruxelles devant le siège de la commission pour réclamer un moratoire sur les OGM, ou à Londres contre l’empire Murdoch. Les happenings et actions d’Avaaz sont décidés en groupe de travail régionaux et testés auprès des militants. En France, ils sont 1 million ! Quel parti politique ne rêverait d’un tel nombre d’adhérents !
Sait-on que dix jours avant le dépôt d’une question de constitutionnalité demandant la levée du secret défense dans l’affaire de Karachi, l’Elysée a reçu la visite d’Avaaz avec 100 000 signatures ?
Avaaz est un mouvement politique, mais n’est pas partisan, sauf quand il s’agit d’écologie ou de grands principes. La fondation s’intéresse plutôt à des causes et ses appels contre des candidats sont rares. Ce fut le cas au Canada où ils ont fait voter contre les conservateurs en raison de leurs positions anticlimatiques. Ricken Patel constate que si les partis politiques sont en général mal perçus, le désir de s’engager n’a jamais été aussi élevé. Peut-être parce que son mouvement soutient des causes sans chercher à prendre le pouvoir.
Il n’empêche, à voir fonctionner ce géant international de la vie « citoyenne », on peut s’interroger sur les futures évolutions de l’engagement militant et notamment au moment des campagnes électorales. Avec le matériel informatique actuel, le tract distribué sur le marché prend un coup de vieux, alors qu’en un « clic » on peut envoyer un message sur l’ordinateur ou le smartphone d’une personne et la toucher directement. Sans parler du « QR code » qu’il suffit de « flasher » pour avoir accès à une image, un texte ou une vidéo…
Ceci pour souligner l’importance de fonctionner en réseau. Les 27 directeurs d’Avaaz ont deux conférences par semaine pour faire le point et décider des actions à mener : Londres, Saö Paulo, New-York, Edimbourg, Paris…. Tout le monde se retrouve pour 1H30 de travail via Skype. Et en plus le support est gratuit avec son et image ! Alors, si on transpose, cela devient un jeu d’enfant au niveau d’un pays, d’une région ou d’un département. La coordination, la transmission des consignes, des messages, des documents prend la vitesse de la lumière : il suffit d’un clic !
Le « clic-activisme » est né et a de beaux jours devant lui. Il est déjà à l’œuvre sur le net avec les buzz, twitter, facebook, les multiples sites et blogs. L’information se dématérialise de plus en plus et cherche à convoquer le citoyen sur la toile en lui proposant de multiples occasions de donner son avis à travers des votes ou des enquêtes. Il devient alors facile de lancer des manifestations collectives, pour peu qu’elles soient « préparées » en amont à coups de sondages pour bien repérer le thème porteur.
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