TRISTE BILAN (3) Le délitement de l’économie
23 mars 2022
Les quelques corrections apportées au cours du quinquennat, notamment en matière d’imposition des entreprises, avec la mise en place de la flat taxe à 30% sur les revenus du capital, la pérennisation du CICE, la baisse de l’impôt sur les sociétés de 33% à 25%, diminution de 10 milliards sur les impôts de production, n’empêchent pas la France de rester la championne des taxes et des prélèvements. Si pour notre économie, ces allègements ont été les bienvenus, ils n’ont pas permis d’inverser la tendance au déclassement, face à la concurrence mondiale et même de nos partenaires européens.
Le poids des deux dettes.
Tout le monde connait le montant de la dette qui frise désormais les 3 000 milliards d’euros, mais à l’inverse, l’endettement extérieur de la France n’est jamais évoqué, même quand on annonce le déficit commercial historique à 85 milliards d’euros. Peut-être parce que le pays est dans le rouge depuis près de vingt ans, à force d’importer plus qu’il n’exporte et de vivre à crédit. Pour la banque de France, la « position extérieure » de la France affichait un solde négatif de près de 700 milliards d’euros à la fin de 2020. La totalité des créances de la maison France, de tous ses résidents, ne couvre pas ses engagements vis-à-vis de l’étranger. C’est un record historique absolu, 30,2% du PIB. Ce trou énorme s’explique par trois mouvements de fond : les déficits successifs annuels des paiements courants, les déficits publics dont la bonne moitié est financée par des non-résidents, et aussi par les effets de la mondialisation accélérée de notre économie ce qui se traduit par des investissements transfrontaliers massifs, réels et financiers, dans les deux sens. Mais là encore, si nous engrangeons 476 milliards d’euros, nous sommes débiteurs nets de 976 milliards. Voilà des déficits jumeaux, finances publiques et échanges extérieurs, qui ont pour conséquence un endettement dans les deux registres interne et externe. A titre de comparaison, la position extérieure nette de l'Allemagne à la fin décembre 2020 est créditrice de 2 077 milliards d'euros !...
La France toujours championne d’Europe.
Malgré les efforts accomplis sous le quinquennat, la France reste la championne d’Europe des impôts sur les entreprises. Les impôts de production pèsent encore 120 milliards contre 27 milliards en Allemagne, selon l’Institut Montaigne. Cela explique que la réindustrialisation est plus dans les discours que dans la réalité, alors que l’importance du sujet de la fiscalité semble encore sous-estimée par la plupart des candidats à l’élection. Pourtant, une baisse de ces impôts constitue l’une des principales solutions pour restaurer les gains de compétitivité nécessaires au renforcement de l’industrie française.
La compétitivité en berne.
Dernièrement, j’expliquais que « la solide croissance économique française » enregistrée l'année dernière était bâtie sur du sable. Le dernier rapport de Rexecode en apporte la confirmation : creusement du solde des échanges de biens et services au sein de la zone euro, dégradation des parts de marché à l'export, attrition du nombre des entreprises industrielles en France… Voilà autant d’indicateurs qui viennent contredire les discours triomphants sur l’attractivité de notre pays. Par définition, la compétitivité d'un pays ne se mesure pas dans l'absolu. Elle est toujours relative à celle de ses partenaires. Et les gains de compétitivité sont un jeu à somme nulle. Autrement dit, de bons résultats obtenus sur le sol national se transforment en gains uniquement si les autres pays font moins bien. Or, durant ces deux dernières années marquées par la pandémie, la compétitivité française semble s'être effondrée vis-à-vis de ses pairs. Ainsi le dramatique creusement de notre déficit commercial ne s'explique pas uniquement par l'envolée des importations. La part des exportations françaises dans les exportations mondiales, qui se maintenait légèrement au-dessus de 3 % de 2012 à 2019, a en effet décroché à 2,7 % en 2021. Le mouvement est encore plus flagrant au sein de la zone euro au sein de laquelle les exportations françaises de biens représentent désormais moins de 13 % du total. La baisse des exportations concerne toutes les catégories de biens et services et la part de la valeur ajoutée de l'industrie manufacturière hexagonale dans celle de la zone euro n'a cessé de reculer au bénéfice notamment de l'Allemagne. Elle est passée de 17,9 % en 2000 à 14,7 % en 2019 puis 13,9 % en 2021. Il faut donc absolument poursuivre les efforts sur le terrain de la compétitivité-coût, en baissant en priorité à nouveau les impôts de production. Malgré une première baisse en 2021 de 10 milliards d'euros, ces impôts demeurent plus élevés d'une trentaine de milliards que la moyenne de la zone euro.
Le défi de la réindustrialisation et de la transition énergétique.
On ne peut pas réindustrialiser la France tout en baissant notre production de CO2. La France est déjà plus que bonne élève grâce au nucléaire, avec quatre tonnes de CO2 par habitant (quand l’Allemagne est à 6,6 tonnes). Rien que depuis le «Grenelle de l’environnement» de 2008, près d’une douzaine de lois ont été adoptées contribuant à réglementer bon nombre d’activités : agriculture, transports, construction, commerce, santé, aviation, recherche, etc. On ne peut pas préserver le pouvoir d’achat des Français en augmentant la fiscalité carbone, qui frappe les carburants, le chauffage au gaz ou au fioul, alors que les alternatives ne sont pas possibles partout sur le territoire (transports en commun) ou ne sont pas bon marché (véhicules électriques). Déjà, la fiscalité environnementale a bondi en dix ans de 39 milliards d’euros par an à 60 milliards d’euros. Et nous sommes le seul pays qui fait payer de la TVA sur les taxes, une aberration qui coûte aux Français environ 10 milliards d’euros de trop par an.
On ne peut pas appeler de ses vœux le retour des usines dans notre pays tout en maintenant des normes environnementales surabondantes (sur l’hydrogène notamment) qui rendent très difficile leur ouverture : la lourdeur des procédures d’instruction des projets industriels prend neuf mois pour les seules procédures environnementales, outre les procédures en matière d’urbanisme ou d’archéologie. Alors que nous allons vers une électrification massive de notre économie qui va induire la nécessité de produire 60% d’électricité de plus qu’aujourd’hui, la politique énergétique de la France a été mise en danger. La montée en charge des énergies renouvelables a entraîné des surcoûts liés à l’intermittence et à l’équilibrage du réseau alors que la hausse des taxes (la fameuse taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité, TICFE) et la flambée des prix du gaz ont aggravé la situation. Et la déstabilisation s’est poursuivie avec la fermeture de Fessenheim.
La transformation de notre économie pour parvenir à un horizon décarboné en 2050 demandera des investissements massifs. Les investissements, publics et privés, nécessaires ont été estimés par l’Institut de l’économie pour le climat à 44,7 milliards d’euros, soit 1,8% du PIB. Il faut ajouter les investissements liés aux surcoûts imposés par les nouvelles réglementations (à terme, près de 100 milliards d’euros par an, soit 4% du PIB). Sans compter avec l’inflation que cette transition écologique génèrera forcément. Dans un pays qui tutoie déjà les sommets en matière de dépense publique avec plus de 59 % de dépenses publiques par rapport au PIB en 2021, et de fiscalité, dont les entreprises sont endettées comme jamais, nous ne pourrons pas assumer plus de normes, plus de taxes, plus d’inflation des prix de l’énergie. Au contraire, il faudra simplifier, alléger, dans tous les domaines. Pendant les dix dernières années, beaucoup de temps a été perdu.
Comme on le voit, le « dur » est devant nous. Le « en même temps » n’est plus de mise. Il n’y a guère que le projet de Valérie Pécresse qui propose un chemin courageux mais réaliste pour y faire face.
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