L’ENGOUEMENT ZEMMOUR
05 octobre 2021
Un brillant chroniqueur
Avec la sortie de son nouveau livre, Eric Zemmour fait un tabac. Les médias se l’arrachent, victimes de "zemmourite" aiguë, même ceux qui ne l’appelaient plus, comme dans le « service public ». Si on ajoute à cela le fait que BFMTV et LCI aient multiplié les reportages sur lui, ça devrait, comme on dit, mettre la puce à l’oreille. Rien n’est gratuit en ce bas monde. Son irruption doit bien rendre service à quelqu’un. Reconnaissons à l’intéressé son talent. C’est un éditorialiste réputé qui a fait les beaux jours de Cnews, entre autre. Il n’est pas étonnant que son entrée dans l’arène concentre tous les regards. Il voulait être l’événement de la rentrée : il a réussi. Pas un entretien sans que la question de son éventuelle candidature ne soit posée. Il fait durer le suspense et pendant ce temps-là, il vend son livre au titre évocateur : « La France n’a pas dit son dernier mot ». Tout un programme, pensent ses fans. Ses thèses rejoignent souvent celles du RN, et à LR, il séduit une frange conservatrice, et il se vante de voir les candidats à la sélection reprendre ses thèses, ce qui est une facilité. Et comme plus ça mousse, mieux c’est, il multiplie les coups d’éclats : face-à-face avec Mélenchon, débat avec Michel Onfray … Eric Zemmour a du fond, profondément maurrassien, il est aussi très cultivé. Mais s’il dénonce de vrais problèmes, qu’il s’agisse de l’identité, de l’immigration, de l’industrie ou de l’indépendance, s’il a raison d’évoquer la catastrophe éducative, si la problématique globale est bien une « guerre de civilisation », sa France sent la naphtaline et son plaidoyer , ne s’appuyant sur aucune expérience concrète et seulement sur l’observation, même juste, sonne creux. D’autres, à droite, développent les mêmes thèses, mais sur un socle plus réaliste.
Zemmour, quelles compétences ?
Il ne suffit pas de parler, de faire de beaux discours, d’étaler de belles idées. Il ne faudrait pas que le succès lui monte à la tête. Je ne sais pas pourquoi, souvent il m’agace. Je ne suis pas aussi érudit que lui, mais je sais quand même beaucoup de choses en politique (par expérience) et en Histoire (par formation) aussi je n’aime pas sa manière, de temps en temps, d’arranger les choses à sa façon pour qu’elles aillent dans son sens. De plus, sans être « européiste », je suis européen de conviction. Ce qui me différencie nettement de ses thèses nationalistes étroites. Et c’est une dimension incontournable pour tout quidam qui prétend à la magistrature suprême. Qui peut imaginer la France, endettée jusqu’au cou, démunie de toute industrie hormis deux ou trois pans de secteurs tout juste compétitifs et encore, une France à cours de ressources énergétiques, s’en sortir seule, face aux Etats continentaux. L’Elysée exige par ailleurs bien d’autres compétences, que l’on ne peut acquérir que par le « cursus honorum » républicain : connaissance des rouages de l’Etat, des strates administratives, de la décentralisation des compétences partagées entre les collectivités territoriales, … et surtout respect des lois et des droits français et européen –nous sommes liés par des traités qu’on ne défait pas d’un coup de baguette magique- qui obèrent bien des promesses. Ce manque d’expérience, Macron en a cruellement manqué. Va-t-on renouveler la même erreur ? C’est qu’il ne suffit pas de « dire » sans s’embarrasser de pudeurs de gazelles, pour plaire, il faut être capable de faire. Et comme on le sait, « qui trop embrasse, mal étreint ! ».
A droite, une immense attente.
Les sondages ne doivent pas nous leurrer. Tant que le paysage n’est pas définitivement installé, ils « moulinent » dans le vide. Zemmour profite d’un moment d’apesanteur dans le débat politique. Les médias n’ont d’yeux (ou d’oreilles) que pour lui et pourtant il se dit des choses plus importantes ailleurs. C’est vrai, l’attente et le doute sont immenses chez les électeurs, surtout à droite. Rien ne serait pire que d’enfermer la démocratie dans des choix préfabriqués. Pour l’instant, la stratégie Zemmour profite à Macron qu’il dit combattre, en affaiblissant à la fois Marine Le Pen et Les candidats LR. Mais c’est faire l’impasse sur la conscience de leur grande responsabilité qu’ont tous les élus de la droite. Ils avancent avec un programme solide que les Français finiront par découvrir : il s’agit de gagner sur un cap clair, avec une famille réconciliée, avec des valeurs assumées telles que la sécurité, la bonne gestion de l’argent public, la mise en avant du travail, le refus du communautarisme… Il y a aussi un doute immense. Nous vivons un effondrement moral de la politique et les réseaux sociaux y sont pour beaucoup. Les trahisons de ceux qui passent dans le camp adverse sans vergogne, se vendent pour des places, ou encore changent complètement de logiciel une fois élus pour tout repeindre en vert (plus ou moins cramoisi), n’encouragent pas à aller voter. Aussi est-il important d’avoir des candidats qui avancent sans cacher leur drapeau, pouvant arguer de leurs idées et du maintien de leurs convictions dans la durée. Au final, il n’y aura qu’un candidat de la droite républicaine. La méthode de sélection demande un peu de patience. Mais l’Elysée ne mérite-t-il pas qu’on prenne le temps !
Alors le soufflé Zemmour retombera, comme en son temps la baudruche Chevènement se dégonfla.
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