DU «EN MÊME TEMPS» A «L’ESSUIE-GLACE»
23 avril 2021
"IL" ne pense plus qu’à ça : comment être réélu. A un an de l’échéance, Emmanuel Macron a lancé sa campagne électorale. Après avoir tenté de séduire les jeunes en donnant une interview sur les réseaux sociaux avec Brut, constatant qu’il avait perdu 17 points dans l’électorat de droite il donne une interview au Figaro pour tenter de « rassurer » en s’emparant du thème de la sécurité. Il réaffirme au passage quelques principes « qu’il ne valide pas » en contradiction avec ses propos précédents. Puis dans la foulée, il est interviewé par la chaine américaine CBS, interview au cours de laquelle il explique que la France doit « déconstruire » son histoire à cause de son passé colonial. De quoi plaire aux oreilles américaines … mais là encore en contradiction avec ce qu’il avait dit auparavant : il n’était pas question de déboulonner les statues ! Autant d’interlocuteurs, autant de discours complaisants. Ce n’est pas nouveau. Toute l’année 2020, il est passé de la mise en avant des idées communes au centre gauche et au centre droit à l’envoi de signaux désordonnés aux deux camps. Plus il parle et moins on l’entend, plus il s’explique, moins on le comprend. Bien malin est celui qui sait ce qu’il pense vraiment. Chez nous on appelle ce genre d’individu « un charlatan » !
Le confusionniste.
Le propos est de Jacques Julliard. Voilà quelqu’un qui manie sciemment le contresens et les contradictions dans ses discours. « Nous sommes un peuple de paradoxes » prévient Emmanuel Macron. Si c’est vrai, il est un expert en la matière. Sur l’identité, il énonce dans une interview donnée au Point, « Etre français, c’est habiter une langue et une histoire », ajoutant même la laïcité au triptyque « liberté, égalité, fraternité ». Cependant, il ajoute aussitôt, « Comme Président, je ne reconnais qu’une communauté nationale, mais je ne dénie pas aux autres communautés, le droit d’exister ». Il oublie de dire qu’en aucun cas ces communautés d’origine ou de culture ne doivent s’ériger en concurrentes de la communauté nationale. Une brèche dans laquelle les islamistes se sont engouffrés. En affirmant « qu’on peut être français et cultiver une autre appartenance », il avoue son communautarisme. Sur Brut, il a été capable de prendre la défense de la police tout en dénonçant les « violences policières », élément de langage qui est une manière de donner satisfaction à l’extrême gauche. La polémique sur la loi de sécurité globale l’a conduit à dire tout et son contraire en quelques jours selon qu’il s’adressait à des jeunes ou à des policiers. Emmanuel Macron déplore notre déclassement industriel et affirme « l’élite économique s’est mondialisée… elle est partie, elle est devenue de nulle part ». Le « libéral-libertaire » de 2017 qui devait adapter la France à la mondialisation et qualifiait les migrants de « héros » dénonce désormais « la trahison des clercs », une autre manière de nommer les élites dirigeantes économiques et politiques. Le but est le même qu'en 2017 : reprendre des thèmes de gauche et de droite, poussant les politiques des deux camps à se radicaliser pour exister, et donc à dériver vers les marges. Mais sa mise en oeuvre a changé, faite d'embardées puis de coups de frein.
Le démagogue.
Philippe Bilger, commentant l’interview récente au Figaro n’y va pas par quatre chemins. Quand le président affirme : « Je me bats pour le droit à la vie paisible », il se moque de nous. Et il poursuit : « Je relève, dans ses réponses, son goût du verbe, son appétence pour le commentaire qui pourrait séduire la gauche avec ses considérations sociologiques, la surestimation de son action et le caractère provocateur d’annonces in extremis, comme si on n’aurait pas dû en bénéficier bien avant. » L’ancien magistrat dénonce la volonté d’occuper le terrain parce qu’il sent l’exaspération monter face à la délinquance et que ça influera sur l’élection présidentielle : « Il est clair que nous avons une action à bride abattue pour créer l’illusion d’un pouvoir qui aurait été conscient depuis le début des exigences régaliennes, alors que les Français n’ont cessé de constater dans leur quotidien les errements et les abstentions de cette présidence dure avec les faibles et molle avec les forts. Dont le « en même temps », n’arrêtant jamais son cours, fait se succéder rigueur proclamée et impuissance concrète. » Tout est dit, exemples, ils sont multiples, à l’appui. Un mélange dévastateur de démagogie et de cynisme. Je me demande encore comment quelqu’un d’aussi intelligent que Christophe Béchu peut suivre un tel personnage… à moins qu’il ne soit comme lui.
L’adolescent attardé.
On a l’impression que chaque intervention présidentielle est une dissertation comme on en fait encore probablement à Sciences-Po, avec les trois parties, thèse, antithèse, synthèse. Emmanuel Macron parle trop, trop longtemps et en tous sens. C’est son souci de tout dire, d’aller au-devant de toutes les objections qui l’amène à la profusion et à la confusion. Or, diriger c’est choisir ! Il cherche encore sa vérité qu’il n’a pas atteinte, c’est évident. Mais en politique, ce type de discours porte un nom : la duplicité ! Nous avons affaire à une espèce de caméléon politicien : le personnage de 2021 ne parle pas comme celui de 2017 et pas plus probablement que celui de 2022, au moment de l’échéance. L’ivresse qui l’accapare dans le maniement des concepts a quelque chose d’adolescent (le constat est de Jacques Julliard) . Il faut simplement se demander si l’Elysée est l’endroit adéquat pour continuer son éducation. On peut être séduit par son intelligence, son énergie, mais « le petit prince de la technocratie, combinant l’ouverture de la société avec le souci de la verticalité » voit sa « rêverie » violemment interrompue par les vents violents qui agitent l’arène politique, les mouvements sociaux, les « gilets jaunes », jusqu’au déferlement du coronavirus. Le fait est qu’il ne rassure pas grand monde. Il voulait être le chantre du centrisme, cette union de la droite de la gauche avec la gauche de la droite, contre la droite de la droite et la gauche de la gauche, un jeu politique qui a toujours été incompréhensible pour l’opinion publique. Il n’est en réalité que celui du centrisme étatique, ou centralisme, vieux courant jacobin, qui, s’appuyant sur une technocratie inamovible, domine encore dans la gestion de notre pays et qui passe à côté du clivage économique, social et culturel entre la France du centre, les métropoles, et la France périphérique. L’obsession des sondages qui servent de boussole explique les motivations actuelles du chef de l’Etat. Les personnes âgées qui sont les plus assidues aux élections demandent une protection sanitaire et de l’ordre et ses rivaux de droite restent plus dangereux que ceux de gauche. D’où les signaux moins fréquents à gauche qu’à droite, d’autant plus que le centre gauche semble rester fidèle, probablement parce que l’action menée lui convient alors que les discours qui s’adressent à la droite en restent souvent aux paroles.
Qu’en sera-t-il à l’heure du bilan ? Si le président jouit d’un socle de popularité stable, les Français n’en jugent pas moins très sévèrement son action.
" Les Français n'en jugent pas moins très sévèrement son action". Je n'aurais pas su mieux dire !
Rédigé par : Robert MOUTARD | 29 avril 2021 à 15:25