LA LUTTE DES RACES POUR REMPLACER LA LUTTE DES CLASSES
04 mars 2021
« Les progressistes se battaient jadis au nom du prolétariat, du tiers-monde et des damnés de la terre. Trois discours –néoféministe, antiraciste et décolonial- désignent désormais l’homme blanc comme l’ennemi : son anatomie fait de lui un prédateur par nature, sa couleur de peau un raciste, sa puissance un exploiteur de tous les dominés »… » Voilà en gros pour le fond de l’ouvrage que Pascal Bruckner nous livre dans « Un coupable presque parfait ».
Cette substitution a été rendu possible par l’effondrement des gauches européennes après la chute du mur de Berlin. Ces fariboles interviennent dans un contexte de vide de la gauche classique. Le marxisme est mort en 1989 et la social-démocratie est agonisante. Pour mettre fin à ce désarroi, il est tentant d’adopter les théories américaines. Le progrès, la liberté et l’universel ont laissé une place vide comblée par la nouvelle triade directement importée des Etats-Unis : le genre, l’identité et la race avec ses corollaires, le néoféminisme, le « décolonial », l’indigénisme, le communautarisme. L’ennemi N°1 c’est désormais l’homme blanc, l’exploiteur, le prédateur. Sa couleur de peau fait de lui le comble du racisme… et le coupable idéal, le bouc émissaire cible de toutes les frustrations, colères, injustices ressenties, et paradoxalement le fossoyeur de l’humanisme. L’auteur analyse le succès de ces théories auprès d’une catégorie de gens en jachère dans les médias et à l’université.
Bruckner règle d’abord son compte à l’idéologie féministe actuelle, celle, du Génie Lesbien d’Alice Coffin, par exemple, selon laquelle la femme n’est pas l’égale de l’homme, elle lui est supérieure surtout si elle est LGBTQ. Pour ces militantes néo-féministes venues d’outre Atlantique, il faut tuer les hommes blancs qui portent en eux la culture du viol : « Les agresseurs sont toujours des blancs », d’où le syllogisme imparable. Puis il dénonce l’opprobre délirante jetée sur ce néo colonialisme que l’on va dénicher dans les statues déboulonnées et dans les livres qu’il faut jeter au feu, car il maintient parait-il les minorités en esclavage, mais les mêmes ne veulent pas voir le colonialisme jaune qui se répand en Afrique, comme ils sont virulents sur l’esclavagisme des blancs en faisant l’impasse totale sur celui des arabes, bien plus ancien et bien plus tardif à se tarir. Même notre langue maternelle est clouée au pilori par l’idéologie progressiste. Surtout, arrêtons de nous flageller au nom de la mauvaise conscience héritée de la période de l’expansion coloniale et de ses séquelles ou du mauvais sort subi par les migrants ou encore des violences conjugales qui seraient l’apanage de l’homme blanc.
Ces fariboles font pourtant l’objet d’une vaste entreprise de rééducation à l’œuvre à l’université, dans les médias, qui demandent à ceux qu’on appelle les Blancs de se renier. Il y a trente ans, il restait assez de raison à droite et à gauche pour rire de ces insanités, mais aujourd’hui l’antiracisme raciste revient avec de nouveaux protagonistes et trouvent un écho jusqu’au plus haut sommet de l’Etat. Les professeurs de honte, néoféministes, décoloniaux, indigénistes pullulent et nous invitent au repentir. Il faudra donc une contre révolution culturelle et Bruckner nous y invite, car on peut sans doute s’attendre, si on n’y prend garde, à ce que l’on renvoie dans l’oubli nos écrivains et nos artistes bourrés de préjugés bourgeois. Beethoven n’est-il pas « trop mâle, trop blanc et trop vieux … ».
L’homme blanc a peut-être commis des horreurs, mais il a aussi inventé les droits de l’homme et forgé le concept de crime contre l’humanité, qui ne viennent ni d’Asie, ni d’Afrique, ni d’Amérique latine. L’occident a été capable de reconnaître sa propre barbarie quand bien d’autres se cantonnent dans le déni : les atrocités de Mao, le génocide arménien… Peut-être est-il bon de rappeler que le dernier marché aux esclaves a été interdit au Maroc en … 1920.
Faire de l’homme blanc le bouc émissaire des minorités « intersectionnelles » ce n’est jamais que remplacer un racisme par un autre et nous condamner à l’horizon funeste de sociétés tribalisées, crispées sur leur trésor identitaire et en proie à la guerre de tous contre tous. Comme l’idéal « universel » des Lumières qui voit d’abord l’Homme avant ses différentes identités, nous paraît bien préférable !
La démonstration repose sur une culture encyclopédique, la richesse des citations et la qualité des référents qui lui permettent de délivrer quelques truismes implacables et glaçants. La clarté du propos, renforce le côté irréfutable des démonstrations à l’appui desquelles l’auteur-procureur fait souvent appel à des «avocats» de la cause blanche talentueux et sans parti pris outranciers, tels James Baldwin (la prochaine fois, le feu), le chercheur afro américain Shelby Steel ou … Joséphine Baker. Selon ses propres mots, Bruckner a un don pour « démêler l’écheveau » le plus compliqué comme l’affaire Adama Traoré et les manipulations du mouvement « Vérité pour Adama » ou pour dénoncer «l’hétérorisme» qui fait fureur dans l’idéologie à la mode. Evidemment, il faut faire avec et trier, hiérarchiser, ce qui exige un effort. Mais le jeu en vaut la peine.
Heureusement, conclut notre philosophe, toujours très engagé : « Nous sommes encore nombreux à préférer les Lumières de la Raison aux ténèbres de la Race et à défendre la civilisation de l’Europe, une des plus belles de l’histoire.»
Pour renforcer cette certitude, lisez donc « La grande déraison » de Douglas Murray, ouvrage dans lequel l’auteur américain décrit les ravages de l’idéologie intersectionnelle aux Etats-Unis.
Pascal Bruckner, Un coupable presque parfait –La construction du bouc émissaire blanc – Grasset.
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