EN POLITIQUE, LA FORMULE MAGIQUE NE MARCHE PAS !
11 décembre 2020
« En même temps »
Expression courante de la langue française qui signifie que deux actions ont lieu au même moment, ou que deux états, deux situations sont constatées dans la même temporalité. Elle a pour synonyme « simultanément » ou encore « au même moment ». En politique, elle a été utilisée abondamment par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle de 2017 au point d’être devenue un symbole de sa pensée politique pour indiquer sa volonté d’appartenir à plusieurs camps , non pas en faisant une synthèse, mais par simple juxtaposition des idées. Le «en même temps » est alors apparu comme une formule magique qui lui a permis, en ne tranchant pas certains sujets délicats, de ne pas s’aliéner une majorité de la population.
Décriptage politique.
La formule magique était censée faire disparaître le « vieux monde » au profit d’un nouveau. Concrètement cela voulait signifier que les anciens repères politiques étaient dépassés. Le « vieux monde » est structuré par deux pensées antagonistes, en gros la gauche et la droite, sans entrer dans le détail. Et entre les deux, ce que l’on appelle « le centre » qui détaille les nuances de chacune des deux. Or, on a très rapidement constaté que ces repères étaient quasiment consubstantiels à la politique et que chaque fois que le « nouveau monde » prenait une décision, elle était aussitôt classée comme étant ou de droite ou de gauche. Le « en même temps » aurait pu séduire au centre, et la magie semble avoir opérée quelque peu, surtout sur le centre droit. Mais l’équilibre en politique reste la plus difficile des postures.
L’épreuve de la réalité.
Appliquée à la réalité, la formule a trouvé rapidement ses limites. Après trois années d’exercice du pouvoir, c’est un fait : le slogan ne fonctionne plus. Et le nombre des dossiers qui coincent s’accumulent sur lesquels la confrontation au monde réel conduit à l’impasse. En effet, on ne peut s’engager à fond derrière la Convention citoyenne pour le climat et « en même temps » promettre de sauvegarder le mode de vie et le pouvoir d’achat de ceux qui ne veulent pas payer pour une transition écologique extrême ou n'en ont pas les moyens. On ne peut, un jour, dénoncer l’islamisme radical avec des formules véhémentes et définitives et « en même temps » diluer cet objectif dans une loi aseptisée de peur de stigmatiser une religion et ses croyants. On ne peut donner des gages « en même temps » aux forces de l’ordre et à ceux qui dénoncent les « violences policières » sans se déjuger.
La pression des groupes minoritaires.
Ce dernier point est préoccupant. On a le sentiment que la formule préférée du Président de la République, avec laquelle il voudrait pacifier le pays en donnant raison à tout le monde le conduit à céder aux minorités plutôt que de tenir compte de l’avis du plus grand nombre, au prétexte que les premières recourent à la violence ou crient le plus fort. Alors que les thèmes du maintien de l’ordre, de la préservation de l’environnement et de la lutte contre le terrorisme islamiste réunissent une écrasante majorité de Français, leur traduction en décisions se heurte systématiquement à des groupes minoritaires, bruyants et agissants qui font que le pouvoir exécutif recule, comme on l’a vu à Notre-Dame des Landes, reniant au passage une promesse de campagne. A chaque fois, l’intention est en ligne avec la promesse, mais le politique manque sa cible. Or ce politique, élu avec des voix de gauche voudrait capter durablement des voix de droite pour 2022. Le « en même temps » voudrait donc mettre en équivalence ces intérêts opposés et en plus la majorité des Français contre des minorités militantes. La mollesse embarrassée des textes qui en résultent n’arrive plus à convaincre ne serait-ce qu’un Français sur trois.
Pensée complexe.
Cette stratégie se voudrait donc un équilibre entre des idées contraires, en une pensée complexe. L’équilibre est une vertu mais le balancement perpétuel conduit à la confusion. Trop à droite, dit la majorité en observant Darmanin à la manoeuvre. Trop à gauche, se sont offusqués des syndicats de policiers en écoutant Emmanuel Macron dénoncer les contrôles au faciès et reprendre le terme de « violences policières ». L’effet boomerang le conduit alors à un nouveau coup de barre pour éviter la rupture avec les forces de l’ordre. Pensée complexe nous explique-t-on : le pragmatisme présidentiel est un système. Trop complexe pour le képi de base et le Français de la rue. La droite, pas mécontente de prendre l’exécutif en défaut sur la sincérité de son tournant « régalien », n’a pas de mal à dénoncer un Macron « caméléon », image qui se diffuserait même chez des macronistes.
Absence de convictions.
Le « en même temps » apparaît trop souvent comme le produit des hésitations d’un président qui se nourrit volontiers du dernier qui a parlé, ou en donne l’impression. Dès lors que le slogan s’enraye, il débouche sur une politique illisible, il ne séduit plus au centre et déçoit à droite comme à gauche. En fait, c’est tout simplement parce qu’il traduit une absence d’idées et de convictions. Macron est certes un technocrate brillant, Inspecteur des Finances, rompu aux rouages administratifs et aux tableaux Excel, beau parleur, mais sans aucune expérience politique de terrain qui aurait pu nourrir son imaginaire politique. Le macronisme n’a aucun contenu politique. Il ne peut pas faire rêver. Pas de convictions, pas d'expérience. Celui qui en parlait le mieux, c’est Bruno Le Maire qui disait très justement que Macron était une « coquille vide » (mais ça c’était avant qu’il rallie son camp).
Petite métaphore pour conclure. Comment expliquer que Jean Le Cam caracole en tête du Vendée Globe avec son vieux bateau face aux petits bijoux bourrés de technologie des dernières générations d’Imoca, sinon par des choix météorologiques judicieux fondés par une expérience solide, une connaissance approfondie des possibilités de son embarcation et une capacité d’anticipation hors paire. Expérience, choix, anticipation… et évidemment une vision claire de la course et de l’objectif. Voilà pourquoi il nous fait rêver. LUI !
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