EH NON, LA DROITE N’EST PAS MORTE !
10 juin 2019
Les chroniqueurs vont vite en besogne en surfant sur les apparences. L’examen de la répartition des voix en comparant avec la présidentielle de 2017 montre que contrairement à l’affirmation d’Eric Zemmour, la droite n’est pas morte. Pas encore. Pour une simple raison dont le graphique ci-dessus (IPSOS) nous donne la clé : ses électeurs se sont beaucoup abstenus comme ceux des autres familles politiques, excepté la France Insoumise pour laquelle l’hémorragie est encore plus catastrophique. Dans un scrutin normal par la participation, nos 8,5% auraient avoisinés les 20% de la présidentielle. Ce n’est certes pas satisfaisant, mais il est important de constater que le stock d’électeurs en réserve est toujours présent : il n’est allé ni sur le RN, dont la proportion de ceux qui l’ont rejoint est vraiment minime, ni sur LREM même si le nombre de ceux qui ont choisi le parti majoritaire représente à peu près le tiers de ceux qui se sont exprimés. Le plus gros contingent de la moitié qui a voté est allé logiquement sur LR. Le graphique nous montre aussi un gros contingent disponible d'électeurs de Mélenchon qui pourraient bien se reporter sur Le Pen un jour, mais ça, c'est un autre débat.
LREM exploite la situation avec le renfort des médias.
Pour qui veut éliminer la droite, l’occasion est trop belle. La faiblesse du score surexploitée par le tambour médiatique a donné lieu à un pilonnage en règle de la part notamment des transfuges macroniens. Tous les analystes convergent pour affirmer que LR est devenu un parti sans électeurs. Des « macroncompatibles » qui s’étaient ravisés en voyant la campagne de Bellamy prendre tournure ont aussitôt retourné à nouveau leur veste. On a alors entendu des déclarations hallucinantes menaçant les récalcitrants des foudres jupitériennes s’ils n’obtempéraient pas… le trouillomètre d’un élu local étant inversement proportionnel à la distance qui le sépare de l’élection. Ce théâtre habilement mise en scène et complaisamment relayé est fait pour essayer de déstabiliser un peu plus la droite. Et les meneurs de jeu sur les plateaux de nous dire sans vergogne : « le patron de la droite, c’est Macron, non ? » Quelle supercherie ! Les députés LREM dont les 2/3 sont issus du PS doivent faire une drôle de tête mais comme ils sont assignés à résidence, on ne les entendra pas. Ils ont obtenu quelque succès : la démission de Laurent Wauquiez, le psychodrame Pécressien, et une liste improbable de quelques dizaines de maires, présentée comme un ralliement de masse alors qu’ils ne sont qu’une poignée sur les dizaines de milliers de maires métropolitains. Bellamy en avait eu dix fois plus pour le soutenir, ce qui avait fait l’objet d’un article perdu dans un coin de page du JDD… : pensez donc, le soutien de 800 maires, pas de quoi s’émouvoir !
L’important c’est d’expliquer la démobilisation.
On voit bien que les électeurs de François Fillon, à plus de 75% des inscrits, ne se reconnaissent pas dans la politique actuelle, et ce n’est pas très étonnant. Mais qu’ils ne soient pas allés voter plus nombreux pour la liste Bellamy qui avait réussi le rassemblement des sensibilités de la droite et du centre pose question. J’y vois deux raisons majeures : il y a ceux qui sont encore écoeurés par l’affaire Fillon et aussi ils ont probablement été nombreux à n’avoir pas cru à la réalité de l’union retrouvée.
Le traumatisme Fillon : j’ai pu le vérifier, il est encore bien présent. L’épisode « Pénélope » et celui des « costumes » ont laissé des traces profondes en faisant passer François Fillon pour un personnage malhonnête, âpre au gain et coutumier des « cadeaux »… Tant que la justice n’aura pas été au bout de l’affaire, le soupçon continuera de peser et rend difficile le rétablissement de la confiance. Déjà que ces temps-ci, le « politique » n’a pas trop la cote, ça complique évidemment les choses. Beaucoup d’électeurs en veulent à François Fillon d’avoir mis la droite en difficulté et j’entends encore souvent le reproche : « pourquoi il n’a pas laissé la place ! » Ils en veulent aussi au parti d’avoir organisé une « primaire ouverte » découvrant après coup qu’elle avait validé le programme le plus « radical ». On ne refera pas l’histoire. Le constat peut être fait que ce mode de sélection a plutôt accru les fractures internes, comme en témoignent les affrontements qui ont suivi.
Le spectacle de la désunion : elle est à l’aune de l’équation personnelle que chacun doit gérer pour garder le mandat qu’il exerce. Le non cumul des mandats y oblige souvent d’autant plus que certains ont été élus dans les Régions avec les voix dites « de gauche » contre le FN, c’est le cas de Xavier Bertrand. Le sujet devient stressant quand la gauche n’existe quasiment plus. Où sont ses voix, que vont-elles faire la prochaine fois ? Et puis il y a tous les « non-dits » sur l’élection présidentielle dont il est incongru de parler maintenant, ce qui n’empêche pas d’y penser et dessine les postures… Il faut aussi faire avec les personnalités d’un parti, habituées à réserver aux médias ce qu’elles n’ont pas eu le courage de dire en Bureau Politique, et tenir compte des sensibilités des uns et des autres qui font qu’il est impossible de communiquer avec un langage commun. Quand s’y ajoutent les prises de distance et les « trahisons », les procès permanents faits à celui qui a été élu à la tête du parti pourtant de façon incontestable et très démocratique, on s’étonne ensuite que l’électorat ait perdu confiance.
La réserve est encore disponible.
Le graphique ci-dessus nous montre que les 8,5% de LR ne sont en rien définitifs. Les élections municipales qui se profilent se font sur des enjeux complètement différents et les motivations se révèleront autres. Un électeur n’a pas les mêmes préventions quand il est face à un scrutin national, par ailleurs escamoté, et face à la désignation du maire de sa commune qu’il connait et qu’il jugera autant sur son action que sur sa personnalité, rarement sur son étiquette. Les maires LR n’ont donc pas à avoir peur. Car il ne suffit pas que quelques brebis égarées (d'ailleurs depuis longtemps), signent une tribune de soutien qui « souhaite la réussite impérative de la France », la vraie question est de savoir si la politique qui est menée depuis deux ans et telle qu’elle s’annonce pour le reste du quinquennat, au vu des résultats obtenus, est conformes aux intérêts de la France. Là-dessus, la tribune des 72 maires est muette. Et il est permis d’en douter. Dans un an Macron pourrait bien être toujours aussi impopulaire avec effet négatif garanti pour les signataires.
Néanmoins, il ne faut pas perdre de temps. Il faut restructurer un parti de droite cohérent, et travailler à une offre d’alternative crédible ce qui suppose un projet à soumettre le moment venu aux Français. L’heure est donc au travail de fond, à la mobilisation de toutes les bonnes volontés, à la refondation de la politique comme mode d’action collectif au seul service du bien commun et non d’ambitions narcissiques. Redonner à nos électeurs l’envie d’avoir envie ! Moyennant quoi, les conditions de la confiance seront rétablies.
Commentaires