QUELQUES CLES POUR COMPRENDRE LA JAUNISSE
21 janvier 2019
Les médias français et les pseudos experts.
Dès que vous mettez un pied par terre, le matin, et que vous ouvrez les boites à cancans avec ou sans images, on vous gave de Macron qui alimente tous les sujets, experts de ceci et témoins de cela à l’appui. Untel est interviewé, il est aussitôt sommé de donner son avis sur la « geste macronienne ». On ne nous donne pas pour autant les éléments qui permettraient de se faire une idée construite sur le pourquoi et le comment de ce qui arrive à notre pays. Ce que l’on constate, c’est que les « bains de maires » du Président ne calment guère la fièvre des révoltés à la petite semaine, gangrénés par les révolutionnaires du samedi. C’est donc qu’une fois de plus, celui-ci se trompe de stratégie et tape à côté du clou.
Quelques pistes pour comprendre.
Il semble pertinent d’affirmer que la crise actuelle est d’abord celle d’un système et d’un mode de pensée périmés. C’est la raison pour laquelle elle peut se prolonger. Elle est caractérisée essentiellement par une crise du pouvoir d’achat, l’ignorance des réalités économiques et l’incapacité de l’Etat-providence à assurer la pérennité des services publics. Voilà pour le fond. D’autres facteurs viennent se greffer pour rendre le mélange explosif : le divorce avec la réalité est accentué par le temps passé devant les écrans et leur monde virtuel, et l’absence de sanctions qui favorisent la violence. A cet égard, ce qui s’est passé à Notre-Dame des Landes est le symptôme avant-coureur de la défiance généralisée qui secoue aujourd’hui la majorité des Français : des collectivités locales bafouées, le résultat démocratique d’un referendum ignoré et piétiné, des zadistes violents mis sur un piedestal… Cherchez l’erreur !
La baisse du pouvoir d’achat.
Elle provient d’un déficit de travail. Ce n’est pas l’Etat qui crée de la richesse. Il augmente le pouvoir d’achat artificiellement par des transferts entre les Français. C’est le travail qui crée la richesse. On ne crée pas de la richesse — et donc du pouvoir d’achat — en regardant le foot à la télé. La crise de la France est celle de la paresse. Nous ne produisons pas assez de richesse. Seulement 64 % de la population âgée de 15 à 64 ans travaille dans notre pays, contre 79 % en Suisse, 75 % au Royaume-Uni ou en Allemagne. Nous travaillons également 15 % d’heures en moins par an par rapport à la moyenne de l’OCDE et notre fonction publique, largement sous productive, occupe près de 20 % de la population active. De ce fait, les charges qui pèsent sur nos entreprises sont plus lourdes qu’ailleurs ce qui se répercute sur les salaires. C’est facile à comprendre. Nous nous appauvrissons. Les rares politiques qui tiennent ce discours sont raillés et méprisés par les technocrates et pas mal de journalistes. Pour augmenter le pouvoir d'achat, il faut travailler plus.
Les réalités économiques obéissent à des lois.
Les Français sont des ânes en matière de connaissance économique. C’est l’OCDE qui l’affirme. Et les débats auxquels on assiste ne peuvent guère les éclairer. Les Gilets jaunes reflètent cette inculture, leur programme étant une somme d’aberrations quand ce n’est pas un concours Lépine de l’ignorance. Les insurgés du samedi étaient crédibles quand ils demandaient la fin des taxes sur les carburants. Mais on ne peut vouloir tout et son contraire : moins de taxes et plus de dépenses publiques, plus d’écologie et du gazole moins cher, davantage d’emplois et en même temps casser l’appareil productif. Le summum est atteint avec la revendication d’un smic à 1 300 euros et des emplois pour tout le monde, une aberration dans un pays où l’équation économique est malheureusement simple à comprendre : pas assez de gens au travail car il est lourdement taxé pour financer beaucoup d’assistés et assurer des transferts sociaux parmi les plus généreux au monde. Si en connaissance des mécanismes de l’économie l’école n’a pas joué correctement son rôle, les médias ne jouent pas plus leur devoir d’information. À quelques rares exceptions, les chroniqueurs ne posent jamais les bonnes questions et ne fournissent aucune donnée de contexte. Par exemple, personne ne recadre les inepties économiques d’un Mélenchon ou d’une Le Pen. Et personne n’est capable d’expliquer la « monoculture keynésienne » de nos élites qui nous a conduit à cette situation.
Le poids d’un Etat suradministré et protecteur.
Inutile de s’étendre. L’efficacité des services publics se dégrade et ne va pas s’améliorer. Il suffit de regarder notre système éducatif. Les causes de cet enlisement sont multiples. Les organisations professionnelles sont centrées sur leur propre finalité plutôt que sur les clients-citoyens. La technologie n’a pas été utilisée suffisamment pour permettre des gains de productivité. L’État français, contrairement à ses concurrents anglais ou allemands a raté la transformation digitale et le service aux administrés a même empiré avec les tentatives de digitalisation. Par contre elle a beaucoup embauché augmentant ses effectifs en proportion beaucoup plus vite que la population à servir. Par son poids, l’administration entraîne l’économie française vers le bas, et avec elle, le pouvoir d’achat. Phénomène aggravant, avec les nombreuses chaînes de télévision, des millions investis dans les campagnes de publicités, des écoles républicaines fortement politisées, l’État est le premier émetteur d’idéologie dans ce pays. S’y ajoutent la presse écrite largement subventionnée et les artistes qui vivent payés par l’État grâce au régime des intermittents. Ce fantastique dispositif de propagande nous décrit un État ultra protecteur, tout-puissant, garantissant la paix et le bonheur du citoyen, de la naissance à la mort. Une vision imaginaire qui ne peut que décevoir cruellement.
La violence, fille de l’impunité.
Depuis longtemps, on a supprimé les sanctions à l’école. On ne punit plus les délits mineurs. Il s’est développé une idéologie permissive, notamment vis-à-vis de l’extrême gauche. Les syndicats ont légitimé des pratiques ultra-violentes, en toute impunité et dans le silence médiatique. Il ne faut pas s’étonner si le contrat social a volé en éclats avec les Gilets jaunes. L’absence de discipline est la résultante directe de l’affaiblissement des services publics, qu’il s’agisse de l’éducation ou de la justice. Or, il n’existe pas de société sereine sans discipline et respect. Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Macron est un super Hollande, un Hollande en version numérique, mais un Hollande traditionnel dans sa pensée. Il fonctionne à l’instar de son maître, avec un système étatiste conçu au XXe siècle. Le service militaire nouvelle formule, la réforme des 80 km/h, le prélèvement à la source sont des exemples de réformes technocratiques, frustrantes et inutiles.
Macron fonctionne avec un logiciel économique dépassé et inadapté au monde actuel. La lettre aux Français en est un produit symptomatique : qui peut répondre aux questions du « grand débat » ? Le bon sens ne suffit pas. A ces 35 questions rédigées par les technocrates de France Stratégie, il faudrait des réponses que seules des connaissances très documentées et une culture économique et démocratique pointues peuvent fournir. On ne s’étonnera donc pas que les « Gilets jaunes » ne se sentent pas concernés !
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