LA GRECE : ET MAINTENANT ?
23 septembre 2015
A voir la réaction des marchés au lendemain de la victoire de Tsipras, on a envie de dire, la Grèce, tout le monde s’en fout !
Il est vrai que les élections n’offraient aucun suspense : qui aurait pu avoir le moindre doute quant à la politique économique qui serait conduite par les gagnants : droite ou gauche, ils étaient condamnés à mettre en oeuvre l’accord conclu avec la zone euro. Alexis Tsipras l’a emporté assez largement, avec près de 36 % des voix contre 28,05 seulement à ses opposants de droite, Nouvelle Démocratie, malgré ce qu’indiquaient les sondages qui en Grèce se trompent toujours. Une belle manœuvre qui montre qu’il s’y entend pour garder le pouvoir. La Grèce est le berceau de la démocratie dit-on dans tous nos beaux livres d’histoire. On oublie de compléter en indiquant que c’est aussi celui des démagogues depuis l’Antiquité.
Quels enseignements faut-il tirer néanmoins de ce résultat tout de même paradoxal ?
Les Grecs avaient de bonnes raisons d’en vouloir à celui qui vient de l’emporter. Le moins qu’on puisse dire est qu’il n’a pas tenu parole ce qui conduit Marine Le Pen , qui l’avait soutenu à affirmer qu’il a trahi ses électeurs en se soumettant au diktat de la zone euro. Elle n’a pas tort. Et ça explique la forte abstention à 44%. Mais où elle se trompe, c’est qu’en réélisant Tsipras, et en préférant Syriza aux autres partis, les Grecs ont montré leur attachement à l’Europe et à l’euro, avec la conviction qu’il n’y avait pas de solution sérieuse dans un retour à leur monnaie nationale. Tout au plus, on concédera qu’ils ne l’ont pas fait sans arrière-pensée : ils auraient souhaité obtenir le plan d’aide de quelque 80 milliards sans avoir à lancer le plan d’austérité qui reste à appliquer. Tout le monde sait bien que l’austérité trop « austère » conduirait à une catastrophe, tout autant que la pente des promesses de Syriza, première version. D’ailleurs, s’il est réélu, il reste néanmoins comptable d’avoir annihilé le peu de résultats acquis sur les efforts de ses prédécesseurs, et d’avoir mis son pays dans une situation encore plus dramatique, qui rend le relèvement plus délicat.
Et d’abord, ne plus emprunter.
Les Grecs ne sont pas sortis de l’auberge dès lors que l’endettement de leur pays s’accroît au point que personne, parmi les créanciers, ne croit vraiment que la Grèce pourra rembourser tout ce qu’elle doit. Tout au plus peut-on caresser l’espoir que M. Tsipras, grâce à la confiance qu’il vient d’obtenir, saura rapidement mettre son pays sur les rails qui conduisent à l’équilibre des comptes. Car, le vrai problème, ce n’est pas de rembourser, c’est de ne plus emprunter. D’ailleurs, il est à peu près certain que le plan infligé à la Grèce produira des accès de fièvre et des désordres. Et donc il sera difficile de la maintenir durablement dans un régime sévère. C’est pourquoi il faut bien mesurer ce qui s’est passé : voilà un peuple ulcéré par les sacrifices qui sont exigés de lui, qui vote quand même pour la zone euro. Il maintient au pouvoir un homme qui a adopté la politique qu’il avait dénoncée en janvier dernier avec une telle virulence qu’il a été élu sur le principe d’une rupture, celle-là même qu’il n’a pas voulu consommer. Il n’est pas interdit de penser qu’un certain nombre d’électeurs ont cru que M. Tsipras, qui sait prendre des virages à 180°, va changer une fois de plus de position et tenter de revenir au bon vieux laxisme qui a permis aux Grecs de vivre à crédit pendant tant d’années. Ce serait un pari hasardeux, car le moindre manquement à ses engagements priverait aussitôt la Grèce de tout financement européen.
L’Europe reste la solution.
Le résultat des élections en Grèce est donc principalement européen. Il administre la preuve que l’abandon de l’euro n’est pas une issue crédible ; il indique aux autres pays européens qu’il y a davantage de réalisme dans la monnaie unique et dans la rigueur financière que dans les plans irresponsables que proposent l’extrême droite et l’extrême gauche en France. La victoire de Syriza expurgé de ses jusqu’au boutistes, c’est la défaite de Jean-Luc Mélenchon et de Marine Le Pen tout à la fois. Tous ceux qui prônent la dislocation de l’Europe et le repli national comme remèdes magiques sont disqualifiés. C’est une bonne leçon à rappeler, à quelques semaines des élections régionales, de montrer à l’électorat français que même un Tsipras n’a pas voulu aller jusqu’au bout de la logique qu’il préconisait, avec tous les risques inhérents, et que les Grecs n’ont pas cru qu’il y avait un avenir heureux dans le retour à la Drachme, que l’illusion et l’outrance sont possibles dans l’opposition, jamais quand on gouverne.
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