ET MAINTENANT, L’EUROPE !
06 avril 2014
Dans sept semaines exactement, nous serons appelés à voter pour élire nos représentants au Parlement Européen. Quoi qu’on en pense, c’est une élection plus importante qu’il n’y parait. D’abord parce que le Parlement européen voit ses prérogatives élargies, ensuite parce que, nous ne le savons pas toujours, l’Europe intervient plus qu’on ne l’imagine dans notre vie quotidienne.
Vaincre l’euroscepticisme
Il y a toujours eu parmi les Français un bon tiers d’europhobes ou d’eurosceptiques. Mais les études d’opinion montrent que deux sur trois, à gauche comme à droite sont attachés à la monnaie unique, même s’ils ont des griefs contre l’Europe. Ils sont donc convaincus qu’il nous faut vivre avec nos partenaires, ayant confusément conscience que l’Union est tout de même un bouclier qui nous protège de la mondialisation. Ce qu’ils perçoivent moins c’est que la solidité de l’Euro en fait aussi un glaive pour conquérir des marchés extérieurs, pour peu qu’on veuille s’en donner la peine, la preuve en est avec les 1503 Airbus vendus en 2013, deux fois plus que de Boeing !
L’Europe avance
Malgré son système imparfait et ses institutions critiquables, l’Europe finit toujours par résoudre ses problèmes. C’est ce qui s’est produit la semaine dernière. Trois bonnes nouvelles européennes d’un coup, ça s’arrose : la Grèce est parvenue à un accord avec ses créanciers de la troïka (Commission européenne, Banque centrale européenne et Fonds monétaire international) ; la Cour constitutionnelle allemande de Karlsruhe a donné son feu vert définitif à la création du mécanisme européen de sauvetage des pays de la zone euro en crise financière ; enfin, les Etats de l’Union et le Parlement européen se sont entendus sur les modalités de « l’union bancaire », ce nouvel organisme qui doit prévenir les crises bancaires et éviter qu’elles ne soient payées par les contribuables. Comme toujours depuis soixante ans, l’Europe avance dans des crises qui la forcent à passer une nouvelle étape de son intégration.
Et, cerise sur le gâteau, les incertitudes s’éloignent : après l’Irlande, les pays les plus en crise sortent maintenant de la récession. C’est ainsi que la Grèce devrait retrouver une croissance de son PIB de 0,6 % cette année, le Portugal de 0,8 %, l’Italie de 0,6 %, l’Espagne de 1 %. Au total, la zone euro atteindra une croissance de 1,2 %, certes fragile, souligne la Commission, mais qui est sur le chemin de la consolidation.
Combattre le dénigrement
La campagne des élections européennes va voir déferler les critiques de tous côtés, les déclarations les plus démagogiques, la plupart des partis politiques rivaliser dans les vociférations contre une Europe « en échec » et une Europe « qui se moque des citoyens ». Pourtant les faits disent l’inverse : les Européens s’entendent, l’euro n’est pas mort ; l’Europe est toujours là. Mieux, elle reste un idéal de démocratie pour d’autres peuples, regardez l’Ukraine, regardez la queue qui s’allonge pour y entrer. Enfin, aucun pays ne désire la quitter. Elle se construit difficilement, mais ce n’est pas nouveau et si elle a 12 % de chômeurs, un dynamisme insuffisant, elle réussit toujours par résoudre ses problèmes. Son système est imparfait, critiquable, mais lui permet quand même de trouver les moyens de sortir des ornières.
L’Europe fait mieux que les autres continents
Quand on regarde les crises des autres continents, on s’aperçoit que la vieille Europe réussit malgré tous les discours pessimistes, à faire mieux que l’Inde, que la Chine, que les Etats-Unis, que les grands émergents. Regardez l’Inde qui s’enferre dans ses archaïsmes, la Chine qui suit une ligne de crête de plus en plus périlleuse entre son despotisme politique et sa liberté économique, les Etats-Unis où la lutte politique républicains-démocrates est devenue sans issue entre une élite qui capte les richesses et une classe moyenne qui s’appauvrit et s’atrophie, les pays comme le Brésil qui se débattent avec une inflation galopante pourvoyeuse de tensions sociales intenses et d’inégalités sociales criantes. Le modèle européen n’est pas dépassé et apparaît alors comme le plus enviable.
L’Europe nous protège
Sa force est dans la nature même de sa construction : la négociation. Si l’Europe a aggravé ses blessures avec une politique d’austérité en pleine récession, dont les promoteurs avaient sous-estimé les effets fortement négatifs, elle accepte aujourd’hui d’affecter une partie du surplus « primaire » dégagé à des dépenses sociales. L’Europe a compris que la politique de rigueur n’est bonne que couplée à une politique de croissance, tous les efforts doivent maintenant porter sur cette dernière. L’Allemagne y est prête. Vertu de l’austérité : la Grèce, comme l’Irlande, l’Espagne, le Portugal ont été contraints de changer de modèle de croissance pour ne plus dépendre, comme hier, que des facilités de l’euro. Ça a été fait avec beaucoup de douleurs mais c’est fait : ces pays sont sur un chemin qui les conduira à trouver une place à la fois en Europe et dans la mondialisation. Il reste à l’Italie et à la France à construire la leur.
Un nouvel équilibre des pouvoirs
L’accord sur l’union bancaire dégage la route de la croissance ; la confiance dans des banques saines était un préalable. Mais au-delà, il est le fruit d’un engagement fort des parlementaires de Strasbourg sur le fond des textes. Ainsi se dessine sous nos yeux une nouvelle répartition des pouvoirs entre les trois autorités : le Conseil, la Commission et le Parlement. Cela démontre, s’il en était besoin, aux Européens tentés par l’abstention, l’importance du vote à venir. L’Europe sort bien vivante de sa première crise existentielle. Et elle repart de plus belle.
Une Europe qui avance, une Europe qui protège : voilà les deux axes sur lesquels nous devons faire campagne en fixant les nouvelles frontières des souverainetés partagées et en progressant dans les convergences nécessaires pour éviter à nos économies toutes les formes de concurrences déloyales d’origine intra ou extra européennes.
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