FLEXIRIGIDITE
20 janvier 2013
Pour passer de la rigidité à la flexibilité du marché du travail, les Français viennent d’inventer la « flexirigidité ». L’accord pour « un-nouveau-modèle-économique-et-social-au-service-de-la-compétitivité-et-de-l’emploi » (désolé, c’est de la phraséologie socialiste), signé en fin de semaine dernière par le Medef et les syndicats, grâce à des concessions de dernière minute du patronat, est considéré comme « historique » par tous les laudateurs officiels et habituels.
Cet accord comporte des avancées non négligeables pour les entreprises, au moment où elles vont affronter une année très difficile. A commencer par les accords compétitivité-emploi dont l’idée revient à Xavier Bertrand et vivement souhaitée par Nicolas Sarkozy il y a un an. C’est une avancée considérable dans le droit social français, alors qu’en Allemagne on les pratique depuis longtemps. Avec la nouvelle réglementation des licenciements économiques les employeurs gagnent aussi en visibilité et en sécurité juridique et la gestion des ressources humaines est facilitée tout en accroissant la mobilité des salariés. L’exonération des cotisations d’assurance-chômage pendant trois mois (et quatre pour les petites entreprises de moins de 50 salariés) devrait faciliter l’embauche de jeunes en CDI.
De leur côté les salariés obtiennent la généralisation de la complémentaire santé, ce qui n’est pas rien, des droits « rechargeables » à l’assurance-chômage, la mobilité externe avec droit de retour, l’encadrement du temps partiel et la présence des salariés dans les conseils d’administration.
De belles avancées du dialogue social que la loi devra valider, et cela devrait être malgré la réticence de quelques dinosaures du PS restés figés à l’époque de Germinal. Espérons que cette expérience timide de flexisécurité présente suffisamment de vertus pour qu’on ait envie d’aller plus loin. Car ce qui est important, c’est la flexibilité interne des entreprises. Reste que surtaxer les contrats courts, qui peut paraître une bonne intention, reste un lourd contresens dans le contexte actuel parce que cela peut déboucher sur plus de chômage de ceux qui sont concernés, c’est-à-dire les jeunes. Quand 180 000 personnes sont allés s’inscrire à Pôle emploi depuis le printemps, il est clair que l’économie a en priorité besoin de libérer la création d’emplois souples et bon marché.
Reste qu’avec un code du travail de 3000 p ages et la culture de l’acquis social dont FO et la CGT font leur fonds de commerce, les entreprises françaises courent le marathon de la concurrence mondiale avec des semelles de plomb. La France reste pour longtemps le pays qui cultive le paradoxe d’être celui qui offre le plus grand nombre de droits aux salariés et celui dont ces derniers ont le plus grand sentiment d’insécurité !
On aurait pu permettre les contrats de mission sur des durées de deux ou trois ans, réclamés par quelques branches professionnelles ; on aurait pu abroger toute référence à une durée légale du travail, ou au moins revenir aux 39 heures par semaine ; on aurait pu faire quelque chose pour atténuer les effets négatifs pour l’emploi de ces « 34 seuils » auxquels les entreprises sont soumises et qui sont autant de freins à l’embauche.
Un accord historique. Admettons-en l’augure. Mais n’oublions pas que cet accord intervient après la mise en place d’un crédit d’impôt pour la compétitivité dont les entreprises pourront bénéficier dans la mesure où elles auront présenté au préalable aux représentants des salariés leurs perspectives d’investissement, où elles auront fait entrer dans leur conseil d’administration des représentants des salariés ( pour les plus importantes d’entre elles), où l’utilisation du crédit d’impôt aura été validée par le personnel…. Avec une telle usine à gaz, on peut encore espérer que ça marche. On est loin de la vraie flexibilité ! Il faudra, pour l’instant, se contenter d’un assouplissement de la rigidité. C’est mieux que rien. Cela ne sera pas suffisant.
Et puis, l’Etat serait bien venu de montrer l’exemple. Avec ses 880 000 contractuels, il abuse lui aussi des CDD. La première machine à fabriquer des précaires c’est la fonction publique, souvent au prix de « petits arrangements » avec les textes. Le fait que les socialistes soient aux commandes n’y a pas changé grand-chose pour l’instant. Il faut dire que les syndicats de fonctionnaires sont loin de faire de la lutte contre la précarité des agents une priorité de leur cahier de revendications. Curieusement, aucune donnée publique sur la durée moyenne de ces contrats n’est disponible : « Cachez ce sein que je ne saurais voir ». Et la taxation des contrats courts, prévue pour les entreprises, épargnera le public ! Ben voyons.
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