PEUT-ON ENCORE REUSSIR A L’ECOLE « REPUBLICAINE » ?
19 décembre 2012
Aujourd’hui environ 10% des professeurs d’école de la ville de Paris était en grève « contre la réforme des rythmes scolaires ». Motif : il ne s’agit pas de lâcher le mercredi matin sans compensation, vu que la journée raccourcie d’une demi-heure, ça compte pas ! Incurables, ils sont incurables ! Même quand c’est la gauche qui propose, ça ne va pas. C’est à ne plus rien comprendre. Ou plutôt si : notre corps enseignant est malade. Et si la maladie n’a pas de nom, elle présente de multiples symptômes.
Et d’abord, une pédagogite aigue qui conduit à des méthodes ineptes dont on voit bien les conséquences : le nombre élevé d’élèves qui n’apprennent pas et qui arrivent en 6ème sans savoir ni lire, ni compter, encore moins écrire. Sans parler des lacunes des enseignants eux-mêmes quand on voit le nombre de fautes qu’ils font. Ce n’est pas en recrutant 40 000 prof de plus par Pôle emploi qu’on va améliorer le rendement.
Mais surtout, ce grand corps est malade d’une « parentite » foudroyante. Les pressions religieuses venues des parents et souvent relayées par les élèves les empêchent de plus en plus d’enseigner correctement. On ne peut plus aborder les Croisades, la Shoah, la colonisation en histoire, la sexualité, la théorie de l’évolution, en sciences… alors ne parlons pas de la guerre d’Algérie, de l’histoire des religions, voire de l’histoire du Proche-Orient. Ces sujets provoquent même des bagarres entre élèves dans certains établissements. Telle élève annonce qu’elle n’a pas le droit d’écrire « Yahvé » et demande une solution pour répondre à la question de son contrôle. Un prof d’un établissement de Montargis explique qu’une élève noire a utilisé spontanément « nous » pour désigner les « esclaves » et « vous » pour les « esclavagistes » lors d’un cours sur l’esclavage. Certains parents refusent que leur enfant apprenne sa leçon sur l’Islam. C’est tout juste si on ne doit pas remplacer l’appellation « Mahomet » que nous utilisons historiquement depuis le Moyen-Age par Mohammed, nom arabe du prophète. Tout est prétexte pour créer des tensions. En svt, les questions de sexualité, de procréation, d’avortement, de contraception sont souvent difficiles à aborder, d’autant plus que certains garçons ont une vision de la femme qui n’est pas celle de la République.
La théorie de Darwin fait l’objet des contestations des fondamentalistes et des créationnistes. Au point que certains élèves rendent des copies blanches… C’est la science dans son ensemble qui est contestée. Pour certains mêmes, la théorie de l’évolution n’est ni plus ni moins que de la propagande antireligieuse. Il devient alors difficile d’enseigner que la Terre à 4,6 milliards d’années, d’expliquer qu’une roche a plus de 100 millions d’années. Alors que dire quand Hubble vient de découvrir des galaxies très proches du « big-bang ». De quoi faire faire trois tours dans ses godasses à Yves Coppens.
Comment enseigner dans ces conditions ? Car ces questions embarrassent les prof au quotidien et surtout perturbent le bon déroulement des cours et des programmes. De quelle autorité peut disposer un enseignant si son savoir n’est pas reconnu, qui plus est contesté ? Drapé de sa foi laïque, notre Ministre a dit qu’il ne tolérerait aucune entorse à la laïcité. Il parle, mais que fait-il concrètement ? les programmes des cours de morale laïque ne seront pas définis avant la rentrée 2015…. En attendant, faut-il pratiquer, comme le font certains une « autocensure » ou ne plus aborder certaines questions, baissant les bras devant l’obscurantisme, ce qui est un comble. Il existe des « héroïques » qui refusent de tomber dans la complaisance ou de céder à des opinions liberticides, d’autant plus qu’aucune discipline n’est à l’abri. Voltaire et madame Bovary sont en première ligne.
Aujourd’hui, l’école, quel que soit le degré d’enseignement, n’est plus ce temple du savoir unanimement respecté. L’institution perd en légitimité, est moins protégée, est soumise à l’intrusion des parents. Quand il n’est plus possible de transmettre le savoir, la simple connaissance, d’organiser un voyage pour cause de Shabbat, ou autre motif lié à la condition des filles musulmanes, alors l’école est gravement entravée dans ses missions. Si on ajoute à toutes ces difficultés, les incivilités auxquels les jeunes s’adonnent facilement, le manque de repères et d’éducation basique, il ne faut pas s’étonner que le métier n’attire plus les foules. Travailler dans ces conditions pour un salaire pas vraiment à la hauteur demande plus que de l’abnégation. Mais ne nous étonnons pas de voir notre pays reculer dans les classements internationaux. Et ce n’est pas demain la veille qu’on va redresser la situation.
Vous allez dire que je noircis le tableau. Malheureusement, non. Tous ces exemples ressortent d'un rapport de l'Inspection générale de l'éducation nationale de ... 2004. Depuis, ça s'est aggravé.
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