L’EURO MAL NOTE
07 décembre 2011
Les agences de notation jouent-elles un rôle excessif et leurs avis sont-ils crédibles quand il s’agit des dettes souveraines ? On ne s’empêchera pas de penser que leur siège new-yorkais n’est pas pour rien dans les avis ciblés sur la zone euro alors que la dette américaine plonge les Etats-Unis dans une situation bien plus périlleuse, ce qu’elles semblent ignorer, tout comme elles avaient omis de dégrader Lehmann Brothers. On connait la suite.
Tentative de déstabilisation…
A quel jeu jouent-elles ? Il fallait en effet à Standard & Poor’s un sens particulier de la provocation pour annoncer lundi dernier en soirée la possible dégradation de la note de crédit des Etats AAA de la zone euro au motif que la gouvernance économique de leur club est défaillante, alors que Paris et Berlin venaient d'annoncer une initiative déterminante sur le renforcement de la discipline budgétaire au sein de la zone. L’agence américaine voudrait relancer la déstabilisation des marchés au moment où ceux-ci commençaient à se calmer, qu’elle ne s’y prendrait pas mieux. A croire que l’Euro gène et que les initiatives qui sont prises par le tandem germano-français pour renforcer le crédit de la monnaie unique la dérange. On connait le pouvoir prophétique autoréalisateur que ces agences ont sur les marchés : il leur suffit d’annoncer la catastrophe pour qu’elle se réalise. Cet avertissement ne peut qu'alimenter le procès en sorcellerie instruit depuis quatre ans maintenant à l'encontre des juges de paix du crédit.
… ou service rendu à la zone euro ?
C'est pourtant un service que Standard & Poor’ vient de rendre à la zone euro. A la veille d'un Conseil européen capital, cette alerte accroît en effet l'obligation de résultat des 27 dirigeants de l’Union. D'abord, en menaçant de dégradation, sans faire de détail, aussi bien des cancres que des Etats aussi vertueux que la Finlande et le Luxembourg ou aussi dynamique que l'Allemagne, l’agence américaine indique que le temps du chacun-pour-soi est passé, que la crise est devenue systémique et qu'il s'agit bien de sauver l'ensemble de la zone euro. Surtout, sa menace rappelle à la raison des états prêts à se méprendre sur le signal que leur envoient les marchés depuis quelques jours et qu'ils interprètent la détente actuelle comme la marque d'une confiance retrouvée, comme le résultat des initiatives déjà annoncées (plan de rigueur italien, gouvernance améliorée). Or il n'en est rien. Si les marchés montent depuis une semaine, s'ils ont à peine fléchi hier, c'est parce qu'ils anticipent des mesures historiques de la part de la BCE demain, et de la part des dirigeants européens lors du sommet qui suivra.
Vers un fédéralisme budgétaire redéfini.
Mis en avant récemment comme solution à la crise, le fédéralisme budgétaire a le vent en poupe. Mais la zone euro en est encore bien loin. Elle constitue un cas unique d'union monétaire sans véritable intégration budgétaire. Moins de 3 % des dépenses publiques y sont centralisées, alors qu'un Etat fédéral contrôle généralement plus de 40 % du budget de l'Union. Certes, déplacer quelques points de TVA vers une entité supra-européenne pourrait permettre de financer un programme d'émission obligataire, mais les Etats nationaux continueront à gérer l'essentiel des budgets. Il est cependant essentiel, si on veut redonner du crédit à la monnaie commune, de faire oublier un laxisme budgétaire en partie à la source de la perte de crédibilité du Pacte de stabilité européen. Il est peu aisé de mettre en place un système crédible d'incitations après avoir abandonné tout ce qui garantissait une discipline budgétaire, et difficile en effet pour la France et l'Allemagne de proposer un nouveau pacte de stabilité, après avoir montré leur capacité à contourner l'ancien. Ne cherchons pas plus loin la défiance des agences de notation. S'appuyer sur une administration extérieure qui a fait ses preuves (le FMI !) pour allouer des ressources de la BCE est sans doute la seule solution à court terme.
Il y a au moins une note positive à retirer de l'histoire : ces événements peuvent déboucher sur les réformes ambitieuses nécessaires à l’union monétaire ! Et pour le coup, on pourra dire merci à l’agence de notation qui aura mis la pression au bon moment.
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