C’EST GRAVE, DOCTEUR ?
03 décembre 2010
Le Président de la République était avant-hier en Normandie pour se pencher sur le problème de la médecine en milieu rural. Au programme : visite d’une maison médicale regroupant plusieurs praticiens (C’est l’une des mesures préconisées par le rapport Hubert) et table ronde. Pourtant l'idée n'est pas toute neuve.
Effectivement, si vous interrogez un quidam dans la rue pour lui demander si la France a assez de médecins, il vous répondra que non et qu’on n’en forme pas assez… Voilà ce que produisent tous les reportages dont on nous abreuve à longueur de JT, sur les déserts médicaux de notre pauvre pays, sur ces malheureuses communes qui ont perdu leur généraliste malgré tous leurs efforts…
Et pourtant si on se documente un peu sérieusement, il est facile de connaître la réalité et elle est plutôt étonnante ! Non seulement le nombre des médecins en activité n’a pas baissé, mais il a progressé de près de 100% dans les trente dernières années (93% exactement). Ils sont plus de 215 000 au 1er janvier 2010 et dans les cinq dernières années, leur nombre n’a cessé de progresser. Comme la population a progressé beaucoup moins rapidement dans le même temps, il est facile de comprendre que la densité médicale a considérablement augmenté : elle est passée de 206 à 324 pour 100 000 hab. Aucun pays au monde ne connaît un tel confort. La densité médicale en France est la plus élevée du monde et c’est un rapport de l’ONU qui le dit. Il vaut mieux le préciser sinon les mauvais esprits m’accuseraient de propagande sarkozyste.
Cela ne veut pas dire qu’il n’y a pas de problème. L’atlas de l’ordre des médecins qui est capable de nous donner le nombre exact de praticiens est aussi capable de faire l’état des lieux de la densité médicale dans notre hexagone et de fait il existe un écart de 50% entre les régions les mieux dotées (Ile de France ou Paca) et les plus pauvrement pourvues (Picardie, Centre). Le souci majeur est donc celui de la répartition. Voilà pourquoi le « politique » est requis pour remédier à ce déséquilibre.
Comment en est-on arrivé là ? D’abord, les médecins sont vent debout pour défendre leur liberté d’installation. Et ils ont un lobby parfaitement bien relayé par les « députés docteurs » toutes tendances confondues qui veillent au grain législatif. C’est ainsi qu’on a vu leurs syndicats protester contre les mesures bien timides contenues dans la loi Bachelot pour tenter de corriger ces inégalités. Pour ménager un électorat, on préfère manier la carotte plutôt que le bâton. Il faudra bien pourtant en arriver à des pratiques plus coercitives car les « déserts médicaux », bien réels, eux, ne sont pas acceptables dès lors qu’on a un système de santé appuyé sur la solidarité nationale à travers la Sécurité Sociale. C’est une question de justice et d’accès égal aux soins.
Le travail est à faire aussi sur les esprits. Il est tout de même surprenant de constater que sur plus de 5 000 nouveaux médecins de 2010, plus de 1 000 choisissent le statut de remplaçants (près de 1 sur 5) parce qu’ils peuvent plus facilement échapper aux gardes de nuit et de week-end (50%) ou éviter la paperasse (70%). On veut bien le statut et la rémunération, mais mettre la main dans le cambouis, non, merci !
Le serment d’Hippocrate ne serait-il pas devenu un engagement d’hypocrites ? Ils ne savent pas ce qu’ils perdent, parce que, notre France profonde, elle vaut le détour, autant par ses habitants que par la qualité de vie qu’elle peut offrir.
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