LE VERBE EN TEMPS COMPTE
16 avril 2009
Le Conseil d’Etat a ordonné au CSA de prendre en compte le temps de parole du chef de l’Etat et de ses collaborateurs dans la répartition du temps accordé à la majorité et à l’opposition. C’est la suite donnée à une requête de la gauche qui crie victoire. Ce pourrait bien être une victoire à la Pyrrhus.
Voilà un bon exemple qui montre bien que le beau principe d’égalité se trouve confronté à celui non moins plus beau de liberté. Ce type de débat n’existe dans aucun autre pays d’Europe. Il participe du génie de notre gauche viscéralement attachée à son idéologie égalitaire. Donc, on va minuter le temps de parole de chacun. Bon courage ! Pour la majorité, cela ne sera pas trop difficile. Encore que… sur un plateau de télé, faudra-t-il donner au représentant de l’UMP autant de temps qu’à tous les autres partis réunis ? Et comment se fera la répartition du temps entre le PS, le PC et le Vert ? On imagine déjà la vie de l’animateur. On pensait jusqu’à maintenant que le Président et le Gouvernement pouvaient s’exprimer selon les nécessités et les événements, laissant le soin aux journalistes de gérer le pluralisme, en sollicitant notamment l’avis des opposants : ce qu’il me semble n’a jamais manqué de se produire.
En voulant confiner la parole du chef de l’Etat, l’opposition fait un mauvais calcul, à moins qu’elle ne projette d’y rester pour l’éternité. Elle oublie tout simplement qu’elle pourrait reprendre un jour le pouvoir. Elle fait aussi un mauvais calcul, parce que le minutage strict, compte tenu du nombre de parti qui la composent, va fragmenter le temps de parole des uns et des autres. Et comment va-t-on décider de comptabiliser les inclassables comme le MPF, un jour avec, le lendemain sans. La gauche acceptera-t-elle de gaieté de cœur que son temps soit amputé par le FN ou le Modem ? Car en appliquant le 50/50, le CSA n’a pas reçu du Conseil d’Etat le mode d’emploi. Comme en démocratie, on ne peut pas censurer un parti ou un chef de gouvernement qui s’adresse à la nation, nous serons en présence d’un temps d’expression fluctuant en permanence.
Une autre question se pose pour les médias audiovisuels, qui ne se pose pas pour la presse écrite. On n’imagine pas en effet, qu’un journal d’opinion comme le Figaro, ou encore le Monde, soit obligé d’équilibrer ses colonnes en fonction des opinions qui y sont émises… à moins de vouloir leur mort certaine. Et internet : va-t-on comptabiliser les tendances des blogs ? Sur quelles bases ? Les médias tels que chaines de télé ou radios représentent un vrai pouvoir, mais si on n’a rie trouvé d’autre pour les « contrôler » que le minutage du temps de parole, c’est que quelque part on ne leur fait pas confiance sur les plans éthique et déontologie. Et là, j’ai du mal à comprendre la gauche, parce que les chaines publiques, pour ne parler que d’elles, dont les personnels ne cachent pas leurs opinions, lui sont diablement favorables. En fait, le comptage du temps de parole méprise la liberté d’expression et ceux qui ont en charge de la médiatiser, dont le plus grand nombre fait preuve de professionnalisme dans leur métier. Et puis, l’auditeur et le téléspectateur ne sont pas si bêtes.
Enfin, le talent entrera-t-il en ligne de compte ? Car les prestations devant les caméras, de ce point de vue ne seront jamais égales. Entre un SARKOZY qui excelle comme personne à s’approprier la caméra, un BESANCENOT à la gueule d’angelot dont la dialectique coule de la bouche comme du sirop de grenadine et une AUBRY laborieuse et péremptoire, il n’y aura jamais photo. Et le temps qui s’écoule n’y peut rien. Car le pouvoir du verbe n’est pas qu’une question de temps !
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