CANARD BOITEUX
17 avril 2009
Voilà un pavé dans "la mare au Canard" ! C’est le livre minutieux et très documenté écrit par Karl Laske et Laurent Valdiguié sur le « Canard enchaîné ». Il est d’autant plus intéressant qu’il est rédigé sans acrimonie. Ce n’est ni un réquisitoire ni un encensoir : une enquête au scalpel avec la précision d’un chirurgien. Et on y apprend plein de choses. Tous ceux qui s’intéressent à la vie politique, tous ceux qui ont pu être influencés à un moment ou un autre par les « dossiers » du Canard, devraient le lire. Du passé collaborationniste de certains de ses journalistes, à l’affaire des « diamants » de Giscard, en passant par la contre enquête sur l’assassinat de Yann Pia, on découvre les « manipulations » et les « partis pris » d’un journal jamais innocent.
Que le Canard penche à gauche, ce n’est pas un secret. Mais quand il se dit lutter contre le bourrage de crâne, d’où qu’il vienne, là il faut être plus circonspect. On relèvera notamment sa grande mansuétude pour la « Mitterrandie » et certains de ses éléphants. L’origine et le parcours de ceux qui l’animent et le dirigent en dit long : transfuges du journal du PS « l’Unité », des journaux du parti communiste tel "l'Avant-Garde", entre autres. De fait, on ne peut pas attendre d’eux de pencher à droite dans le boitillement du Canard. Mais je ne vais pas tout vous révéler. La lecture finie, on se demande tout de même qui « manipule » qui… tant certaines sources politiques relèvent d’une sorte de complaisance (Le journal de Carla B). Journal satirique, il l’est toujours, mais il a perdu de son mordant, comme si l’irrévérence journalistique avait atteint son âge « classique » puis s’était amoindrie. Sur le plan interne, on est stupéfait de trouver une structuration parfaitement opaque et verrouillée, qui n’a rien à voir avec l’idéal de démocratie à laquelle on aurait pu s’attendre pour sa gestion.
« En crise, le Canard ? On n’hésite pas à l’écrire à la fin de cette enquête. Quoi ? Le Canard enchaîné ? Celui à la santé financière provocante ? Celui aux 90 millions d’euros de réserve ? Celui qui vend insolemment près de 500 000 exemplaires chaque semaine à ses lecteurs fidèles ? Menacé d’une crise ? Une crise de rire, peut-être… Non. Nous posons sérieusement le mot crise. Comme lecteurs du canard ; et comme journalistes aussi. C’est une crise de l’information marquée par des silences assourdissants, de graves dérives, une connivence affichée, des nouvelles sans lendemain, des fautes escamotées, des connivences plus souterraines… » J’arrête là la citation de la conclusion des auteurs. Tout y est dit.
Alors, le Canard s’est-il réduit à une secte ? Par beaucoup de traits, cela y ressemble beaucoup. Enfermée dans ses certitudes, la rédaction ne semble pas prête à se remettre en cause. Pour ceux qui lui vouent un quasi culte, la déception devrait être grande, mais sont-ils capables d’en avoir conscience, aveuglés qu’ils sont par le confort intellectuel soigneusement formaté que le journal leur livre toutes les semaines. Pour les autres, il leur suffira de savoir qu’au-delà du parti pris, il peut y avoir la mauvaise foi, voire le mensonge sinon direct au moins par omission, quand ce n'est pas la complaisance complice.
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