L’EUROPE EXISTE, JE l’AI RENCONTREE ! (1)
06 juin 2020
Et si à la faveur de la crise, l’Union européenne avait décidé d’exister ?
Ce qui est certain, c’est que les peuples de l’Union auraient mauvaise grâce à ne pas se féliciter de la réaction des institutions communautaires pour faire face à la crise. Non seulement l’Union a répondu présente, mais elle fait le job au-delà de ce qu’on pouvait attendre. Du coup elle a contrecarré les actions de propagande chinoises ou russes menées sur son sol, plus scénarisées qu’effectives, et fait jeu égal, voire même pris de l’avance sur l’économie US encore plongée dans les limbes de la crise sanitaire. La dernière décision de la BCE de mettre 600 milliards d’euros de plus dans les circuits financiers pour soutenir la reprise économique, montre sa détermination, et ce n’est pas terminé…
Un trio redoutable.
Avec Christine, Ursula et Angela, l’Europe a pris la crise à bras-le-corps. Ces trois femmes de caractère impriment un mouvement inattendu, chacune dans leur rôle et leur fonction, et emportent l’adhésion des 27. C’est Boris qui doit regretter son Brexit, parce que le Royaume Uni ne participe pas à la fête et ne bénéficie pas des largesses de la Banque centrale, des plans élaborés par la commission et du redémarrage du moteur allemand. Pourtant, rien n’annonçait, fin février, un tel réveil de la première puissance économique du monde quand elle a décidé de tenir sa place.
Christine Lagarde. Christine is the queen. Elle a commencé par rater la marche et fait plonger les marchés par une déclaration intempestive, mais elle s’est aussitôt rattrapée. La patronne de la BCE a décidé de « faire le nécessaire autant qu’il faudra ». Et la banque a encore frappé fort cette semaine en décidant d’augmenter de 600 milliards son programme « d’achat d’urgence » lancé en mars, le portant à 1 350 milliards d’euros, de quoi absorber la quasi-totalité des 1 500 milliards d’euros de dettes souveraines, émises dans l’Union au titre du coronavirus. De toute évidence, une bonne nouvelle pour l’Italie dont le taux d’emprunt a chuté et l’euro dont la valeur connait un plus haut depuis trois mois. Je passe sur les détails techniques mais l’action de la BCE est difficilement attaquable, qu’il s’agisse de la stabilité des prix, de la croissance ou de la stabilité financière. Et son action va se prolonger pour soutenir la reprise.
Ursula von der Leyen. La « Lionne » de la Commission n’avait rien vu venir et a d’abord sous-estimé la crise sanitaire. Mais le temps de la mobilisation est rapidement venu et la « patronne » a montré son énergie inépuisable et son énorme capacité de travail. Il faut reconnaître que la Commission n’a pas la tâche facile. Coordonnatrice sur le papier, au début elle court après les capitales qui jouent chacune leur partition en solo. De fait l’exécutif communautaire est désarmé, la santé n’étant pas une compétence de l’UE. Tout va se jouer dans la deuxième quinzaine de mars. L’exécutif bruxellois se déploie et capte le besoin de coordination que ressentent les Etats eux-mêmes : circulation des travailleurs frontaliers, importation des matériels médicaux, règles pour le transport aérien. Dès le 20 mars, « la clause de sauvegarde » est activée. Cela veut dire que les ratios stricts qui encadrent les budgets des états sont abandonnés. Partout, l’Europe met de l’huile dans les rouages. Ursula von der Leyen s’impose par sa grande maîtrise organisationnelle, son approche structurée et humaine. Elle est aux manettes. Elle n’hésite pas à faire le tour des médias européens, enregistre des vidéos pour les réseaux sociaux… pour faire connaître dans le détail toutes les actions de la Commission. De fait elle a mis « le mastodonte » en branle et mis les commissaires au travail pour mettre en musique les sommes énormes débloquées pour faire face à la pandémie.
Angela Merkel. Angèle a encore la moelle ! A son habitude, elle a mis du temps à démarrer. C’est un diesel qui a besoin de chauffer. Ensuite on ne l’arrête plus. Comme en 2008, la chancelière a failli rater le coche. Elle ne s’était investie dans le « plan de sauvetage des banques » de Sarkozy que lorsqu’elle avait vu arriver la catastrophe pour HRE. Elle campait encore cette fois-ci sur la réticence germanique à « payer pour les autres ». Après l’arrêt de la cour de Karlsruhe le 5 mai, elle a compris que non seulement l’Allemagne pouvait être en danger, mais du coup faire exploser l’Union. Or, l’Allemagne qui dispose de moyens considérables, à la différence de la France, a besoin que l’Europe réussisse sa relance. Ses industries automobile, robotique, chimique, pharmaceutique, n’iront pas bien si ses voisins vont mal. C’est que le commerce intra-européen représente près de 60% des exportations allemandes et 66% des importations. Cela vaut bien un sacrifice. L’Allemagne va donc financer indirectement la relance européenne, parce que c’est son intérêt bien compris. Donc la proposition germano-française d’un plan de relance à 500 milliards dont on a déjà parlé. Et elle va tirer avec elle les nordiques « radins » réticents. Pur pragmatisme. Mais voilà, sa gestion habile de la crise sanitaire et maintenant son implication dans la relance, avec un accord historique de la coalition avec les sociaux-démocrates pour un plan de relance de l’économie allemande de 130 milliards d’euros, le plus complet de l’histoire de l’Allemagne, la rendent incontournable. Et sa popularité est au zénith !
A suivre : L’Europe et la guerre totale au Covid19 (2)
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