LE PEUPLE DEPOSSEDE
12 avril 2019
On a beaucoup glosé sur les motivations des « Gilets jaunes », je parle des vrais, ceux de novembre. Si l’overdose fiscale, notamment sur les carburants, a été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres, cela n’a pu se faire que parce que le malaise était déjà profond et venait de bien plus loin. On peut le résumer en un mot : abandon. Une grande partie de la population de notre pays, celle que l’on situe communément dans la « France périphérique », celle qui va au travail chaque jour pour de maigres revenus et pour laquelle les services publics ont peu à peu disparu de son environnement, s’est progressivement sentie exclue. Exclue de la progression sociale, exclue de l’espoir d’un avenir meilleur, cantonnée à végéter. Mais d’où est venu ce phénomène et pourquoi s’est-il aggravé ? De multiples causes évidemment ont été identifiées. Mais il y en a trois que je voudrais mettre en exergue, dont le gouvernement actuel a aggravé l’impact conduisant à toujours plus d’assistanat et de déresponsabilisation… qu’on pourrait résumer avec la formule : « Dormez en paix, braves gens, l’Etat s’occupe de tout pour vous ».
L’impôt automatique et la fin du consentement.
Je ne dirai jamais assez combien le « prélèvement à la source » de l’impôt sur le revenu participe de cette déresponsabilisation collective. Ne plus être en mesure de contester son impôt en suspendant par exemple le paiement, est déjà grave en soi. Mais pour un grand nombre de contribuables, dès l’année prochaine, ce sera pire : ils n’auront plus besoin de faire de déclaration de revenus. Tout sera automatique. L’impôt disparait du paysage. Ce n’est bien sûr qu’une apparence. L’Etat est parvenu à ses fins : rendre l’opération indolore. Mais que restera-t-il de la conscience citoyenne, celle de l’acte volontaire pour participer au train de vie de la Nation ? Bercy nous transforme en un peuple de fourmis. Après le tiers payant généralisé, l’impôt aseptisé.
L’affaiblissement du système électif.
Les Français n’ont pas une grande estime déjà de leurs élus. Cela tient à l’impuissance politique à laquelle ceux-ci sont souvent confrontés : nous avons tellement rendu possibles toutes les formes de recours contre leurs décisions qu’il faut un temps fou entre une décision et sa réalisation, quand celle-ci a réussi à traverser le maquis juridique. L’exemple de Notre-Dame des Landes est à cet égard emblématique. Pourtant, nous avons une classe politique, malgré ce qu’on en dit, désintéressée et qui a à cœur d’être au service de tous. Le moins qu’on puisse dire est qu’elle est découragée : beaucoup de maires ne veulent plus se représenter, dans des proportions jamais vues, les parlementaires sont attaqués régulièrement sur leurs « privilèges » à tel point qu’on finira par n’avoir plus que « des fleurs de naves » comme candidats. Qui plus est, le pouvoir exécutif a transformé les députés de la majorité en godillots avec un conditionnement jamais atteint, et l’opposition n’a jamais été traitée comme quantité négligeable à un tel degré. Le pouvoir a multiplié les mises à l’écart des élus locaux, traités comme quantités négligeables, et mis sous tutelle les collectivités locales en supprimant la taxe d’habitation, entre autres. Affaiblissement du Parlement, mépris pour les élus des territoires, partenaires sociaux tenus comme des empêcheurs : c’est toute l’architecture démocratique qui est atteinte.
De la démocratie à la technocrature.
Le « nouveau monde » dans lequel veut nous faire entrer Emmanuel Macron souhaite se passer des élus et des corps intermédiaires. On n’a plus besoin de droite ni de gauche, puisque le « technicien » suffit à gérer les affaires communes. La fin du clivage fait le lit du technocrate. Plus besoin de penser. Le « progressisme » doit suffire. C’est en son nom que la « transformation » doit avoir lieu. Le progrès est la solution de tout : si c’est le cas, « big brother » n’est pas loin. Car le triomphe de la technocratie et le renforcement de l’étatisation conduisent tout droit à la dictature de la technocratie toute puissante et sans contre-pouvoirs : nous allons passer de la démocratie à la technocrature. Nous saurons bientôt de quel côté va pencher le quinquennat. Le Président nous promet des mesures fortes. S’il touche aux Institutions pour affaiblir la démocratie représentative, nous ne laisserons pas faire !
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