« ROMANESQUE »
11 janvier 2019
Drôle de titre pour une histoire de la langue française ! Et pourtant, voilà un bouquin qui se déguste comme une véritable aventure. Le livre se veut pédagogique et nous fait découvrir l’origine des mots, mais présentée de telle façon que ça n’est jamais ennuyeux. Ce serait même plutôt passionnant. Enfin, pour peu qu’on aime le « Français ». Et comme le récit est savamment découpé, on peut savourer chaque tranche une par une, en prenant son temps.
Voilà donc « la folle aventure de la langue française » !
Elle nous entraîne des Gaulois à aujourd’hui. C’est un roman, et le personnage principal en est justement « le Français ». Lorànt a eu une intuition géniale, celle de raconter notre Histoire en la prenant par « le bout de la langue ». Et tout peut s’y retrouver : si ce qui nous fait Français, c’est le monde dans lequel on vit, c’est aussi ce qu’est notre langue à travers les mots de notre métissage. Alors, cette histoire, ce n’est plus le seul amour du passé, c’est une quête dynamique dont le passé est le passage obligé, parce qu’il explique notre présent et comment il s’est forgé. De quoi alimenter un récit captivant qui nous explique que « oui » vient du latin, et comment on est passé par « oc » et « oil », le « c’est cela » du « jumeau » de Pierre Richard.
L’enthousiasme du comédien.
Pour écrire un tel ouvrage, il faut avoir ancré au fond de soi un amour des mots quasi-passionnel. C’est que la langue fait partie du jeu au théâtre, sinon comment servir les grands auteurs tels que Molière, Racine ou Feydeau… La langue est un support extraordinaire, c’est elle qui donne la force au comédien quand il sait bien l’employer. Ici, on ne débat pas de la langue, de ce qu’elle doit être. On se contente de la prendre telle qu’elle est, en se jouant de ses inventions, de ses audaces. Oui, le troubadour a créé des mots, et en même temps, le savant a codifié la langue pour qu’elle soit plus facile à transmettre. Car le Français est aussi le fruit d’une conquête. Il a surmonté bien des concurrences avant de s’imposer. Vous apprendrez pourquoi on dit la « Saint Glinglin » et un « remède de bonne femme »… Sans citer Raymond Queneau qui ne se privait pas avec Zazie à qui il faisait dire « d’où qui pue donc tant ? » pour « d’où vient cette mauvaise odeur ? », certains n’hésitent pas à « tordre » la langue et Lorànt Deutsch nous montre ainsi que, parce qu’elle est accueillante, les « argots » nous ont aidés à remplacer le latin. Car c’est par ce chemin-là que la langue est magnifiée et prend son expressivité, quitte parfois à faire bondir « l’académie ». Ainsi Fabrice Luchini met en exergue « la tante à Bébert rentrait des commissions », c’est « énôôôrme »… pour souligner la force de l’oralité dans l’écrit de Louis-Ferdinand Céline. Le comédien n’est jamais loin.
Une langue vivante et de référence.
N’en déplaise aux déclinistes, la diffusion de notre langue est impressionnante et reste encore une référence. Elle a été longtemps la langue européenne, et l’auteur nous rappelle au passage que Marco Polo écrivait en Français. Les anglais considéraient la grammaire française plus noble que le latin. Les anglicismes ne doivent pas nous émouvoir, ils ne sont souvent que des mots français qui nous reviennent déformés. Elle n’est certes plus la première, mais elle n’est pas non plus devenue une langue morte. Elle est trop puissante pour disparaître. Qui plus est : elle est un bien précieux car c’est elle qui soude notre unité nationale. Comme l’affirme Laurànt Deutsch : « Aimer le français, c’est aimer la France ! », « Parler le français, c’est déjà s’emparer de cette identité ». Celui qui parle notre langue connaît souvent mieux que personne notre France. « Romanesque » nous fait découvrir tout ça. Avec un récit drôle et divertissant, souvent jubilatoire. Rafraîchissant aussi !
Pour les amoureux de la langue, mais pas que !
« Romanesque », la folle aventure de la langue française - Lorànt Deutsch - Chez Michel Lafon.
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