A BUDAPEST, LA SECESSION FAIT FUREUR …
01 août 2017
Certains pourraient y voir une allusion à la politique du maître de la Hongrie, Viktor Orban. Mais non, je veux parler du mouvement dissident de l’art nouveau à la fin du XIXème siècle et au début du XXème, qui a fait florès à Vienne et particulièrement à Budapest où de nombreux témoignages architecturaux continuent de donner à la ville son cachet si particulier. Pour notre troisième visite, après celle consacrée à la colline de Buda et ses palais et la suivante à la visite du Parlement (exceptionnel) et de la grande synagogue, nous avons choisi de faire le parcours de la « folie sécessionniste ».
Un peu d’histoire pour comprendre.
L’architecture « Art nouveau » et sa version viennoise qu’est la « Sécession » sont omniprésentes dans la capitale hongroise : c’est même son style emblématique. Comme à Vienne, Prague, Barcelone, les architectes s’en sont donné à cœur joie. Partout dans la ville, lignes sinueuses, formes asymétriques aussi gracieuses que déroutantes, céramiques colorées, ornements outrecuidants se distinguent dans un fourmillement de raffinement baroque qui n’a pas peur de côtoyer la géométrie néoclassique et la rigidité de l’Art moderne venu plus tard corriger les excès par un retour aux lignes sobres et plus rigides.
Le mouvement Art nouveau en architecture s’est épanoui en Europe à partir des années 1890 et a perduré jusqu’en 1910-1914. Il mettait l’accent sur les procédés manuels et voulait créer un style en réaction à l’uniformité répandue par la révolution industrielle, et disons-le aussi, briser la monotonie des immeubles haussmanniens trop dupliqués sur le même modèle dans toutes les grandes villes d’Europe à partir de la deuxième moitié du XIXème siècle. Il s’agissait d’élever les arts décoratifs au rang des beaux-arts en appliquant les critères les plus exigeants de l’artisanat. Le principe devait s’appliquer non seulement à l’architecture mais aussi au mobilier, aux bijoux, aux textiles… En France l’Art nouveau s’exprima dans le style « 1900 ». A Budapest, il se manifesta de façon plus éclectique, dans un style marqué par des façades ornées de figures allégoriques ou historiques, de motifs folkloriques, de céramiques Zsolnay locales. Inspiré du groupe d’artistes de Vienne, les « Sécessionnistes », un style typiquement hongrois apparut.
Heureusement pour nous, l’immobilisme de l’entre-deux-guerres puis les quarante ans de plomb qui suivirent la seconde guerre mondiale ont permis aux édifices Art nouveau de subsister. Le régime communiste hongrois n’avait pas les moyens de démolir ni d’entretenir ce que nous voyons aujourd’hui comme des trésors architecturaux. De nombreux bâtiments furent laissés à l’abandon et sont restaurés ou en cours de restauration aujourd’hui pour notre plus grand plaisir.
Ödön Lechner, le « Gaudi » de la Sécession hongroise.
Le maître de ce style fut Ödön Lechner (1845-1914). Comme le Catalan, il s’inspira de styles existants pour les revoir à sa manière ce qui accoucha d’un genre nouveau et unique pour l’époque. Il est donc à l’origine d’un style authentiquement hongrois, exploitant pour les décors de ses édifices des motifs de l’art traditionnel et des éléments de l’architecture orientale. Le style Lechner est devenu emblématique de Budapest.
La maison « Thonet » est un bon exemple de sa créativité avec une structure d’acier innovante qu’il recouvrit de céramiques de la manufacture Zsolnay de Pécs. Mais c’est surtout avec la construction du musée des Arts décoratifs et celle de la Caisse d’épargne de la poste royale, considérés comme ses chefs d’oeuvre, qu’il marqua les esprits et son époque. Cela lui valut une disgrâce, car l’exubérance de ses productions avait aussi ses détracteurs.
Ma chasse aux trésors.
C’est là que les guides sont bien utiles pour faire un tri dans la profusion, tant la ville offre l’embarras du choix. C’est qu’au détour d’une petite rue on peut découvrir un magnifique bâtiment non répertorié et pourtant valant … un cliché, et des créations Art nouveau et sécessionnistes jaillissent dans les endroits les plus inattendus. Petit résumé.
Commençons par deux incontournables d’Odon Lechner : le musée des arts décoratifs (cité plus haut) et la Caisse d’épargne de la poste royale. Le premier s’illustre par son toit et sa façade décorés de céramique colorée, ses dômes et figures ornementales, avec des airs de palais oriental. L’intérieur est typiquement d’inspiration mauresque.
La seconde est littéralement une « folie » sécessionniste avec ses mosaïques florales, ses motifs folkloriques, dont la tête de taureau qui surmonte la tour centrale symbolisant le passé nomade des Magyars. Les abeilles qui grimpent le long des colonnes vers leurs ruches représentent l’organisation, le labeur et l’économie.
Arrêtons-nous quelques instants sur deux palais devenus des hôtels de prestige. Le Danubius Gellèrt Hôtel achevé en 1918 avec ses bains est un témoignage de la fin de l’Art nouveau. Ses thermes avec le gigantesque hall voûté, ses fontaines de céramique et ses bassins décorés offrent un décor éblouissant. Le baroque perce déjà derrière l’influence de Lechner.
Le palais Gresham abrite aujourd’hui un hôtel cinq étoiles. Ce joyau est agrémenté de décorations exceptionnelles à l’extérieur comme à l’intérieur : sculptures et vitraux notamment.
Dans la vieille rue Vaci, la maison Thonet (déjà citée) côtoie le fleuriste Philanthia dont la boutique propose les fleurs dans un décor Art nouveau exquis.
A deux pas, l’ancienne banque Török présente sa façade vitrée surmontée d’un fronton arborant une mosaïque sublime de style Sécession qui représente une allégorie de la Hongrie et de ses grands personnages. Si on se déplace vers le quartier du Parlement, on tombe inévitablement sur la maison Bedö, immeuble dessiné par Emile Vidor, qui reste l’un des témoignages les mieux préservés du style Art nouveau dans la ville. Fleurs en majolique, visage, portail ont été bien rénovés.
L’école primaire d’Armin Hegedus conçue en 1906 montre sa façade décorée de sublimes mosaïques inspirées par les jeux d’enfants de l’époque.
Pour terminer quelques témoignages découverts sur notre chemin : la villa Vidor qui présente ses contours improbables, son étonnante tourelle et ses clochetons, le manoir Lederer orné de mosaïques et la maison Sonnenberg avec sa façade jaune pétant, et quelques autres moins connus mais tout aussi jolis.
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Le parlement hongrois, chef d'oeuvre néo gothique
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