PRIMAIRE DE LA DROITE ET DU CENTRE : COMBIEN D’IZNOGOUD ?
21 avril 2016
On se presse au portillon !
La campagne officielle ne commencera qu’en septembre, mais elle est bien lancée pour un certain nombre de candidats. Les « poids lourds » parcourent la France de meetings en réunions, qu’ils soient déclarés ou non, et il y a tous les autres qui se sont fait connaitre et qui s’emploient à exister. Cette primaire devrait avoir le caractère solennel que devrait lui conférer la dimension nationale et internationale des prétendants. Si certains étaient un peu attendus, d’autres arrivent là un peu comme des cheveux sur la soupe. Bien peu ont pourtant le profil de « présidentiable ». Ils transforment la consultation en « concours de beauté » comme dit Laurent Wauquiez, et en dénaturent le but qui est de sélectionner le « champion » de la droite et du centre pour l’élection présidentielle, sachant que celui qui en sortira vainqueur a toutes les chances de se retrouver à l’Elysée. Le nombre des « prétentieux » qui se déclarent alors qu’ils n’ont aucune chance la transforment en foire d’empoigne. Et c’est d’autant plus regrettable que, sondages et audience de l’émission consacrée au Président de la semaine dernière à l’appui, la démonstration que les Français sont passés à « autre chose » est faite. Les sondages disent tous la même chose : ils éliminent la gauche d’autant plus sévèrement qu’elle est éclatée et mettent en avant Marine Le Pen au 1er tour et le candidat de la droite, quel qu’il soit, vainqueur au second. Or, face à la désillusion et au rejet, quel visage présente la droite : aujourd’hui ? Pour l’instant celui de la confusion et de l’émiettement.
Heureusement, les parrainages vont servir de filtre.
Le tri va commencer à se faire avec les parrainages. Leur publication constitue le véritable coup d’envoi de la campagne. Le calcul est simple. Les Républicains comptent 360 parlementaires, députés, eurodéputés et sénateurs. Chaque candidat doit présenter 20 signatures avant le 9 septembre pour valider sa démarche. Seul Jean-Frédéric Poisson peut s’affranchir de cette procédure puisqu’il appartient au parti Chrétien Démocrate. En théorie, il y a suffisamment de parlementaires pour cautionner jusqu’à 16 candidats, mais c’est compter sans la guerre que se livrent les gros « poissons » pour en afficher le plus grand nombre et marquer ainsi leur puissance. La collecte s’en trouve donc beaucoup plus compliquée pour ceux que l’on appelle déjà les petits candidats. Ainsi François Fillon tire le premier et affiche déjà 71 parlementaires, une manière de bloquer les soutiens. Naturellement Alain Juppé n’a pas d’inquiétude sur ce point-là mais il préfère s’afficher avec 1000 maires. On sait que Bruno Le Maire peut compter sur une trentaine de signatures. Quant à Nicolas Sarkozy, il compte de nombreux supporters dans le groupe Les Républicains, mais il ne peut en faire état puisqu’il n’est pas officiellement entré en lice. Jean-François Copé dispose avec son club d’une trentaine de parlementaires fidèles, par contre c’est plus incertain pour Hervé Mariton qui peut s’appuyer sur une grosse douzaine d’amis, et pour NKM qui n’a recueilli pour l’instant que 2 soutiens. Pour tous les autres, de Lefebvre à Morano en passant par Myard et Didier, la quête s’avère compliquée, sauf si des « grands » leur concèdent des « missionnés » avec des arrières pensées de tactique électorale : du billard à plusieurs bandes qui peut s’avérer dangereux.
Faisons le point. Il y a les candidats valables et les autres.
Alain Juppé continue sa course en tête.
Largement plébiscité dans les sondages, même s ‘il faut rester prudent par rapport à ces études dont le pannel peut ne pas être bien représentatif, c’est une satisfaction pour le Maire de Bordeaux que de continuer à tenir le premier rang. Il est même le seul à pouvoir battre Marine Le Pen dès le 1er tour. Il doit sa cote à une campagne habile, qui lui permet d’avoir un bon soutien de l’électorat de droite tout en neutralisant les velléités du centre d’avoir un candidat. Et en menant une campagne sereine et méthodique, il mord même sur les déçus du hollandisme. Il vient de mettre en place son 1 000ème comité de soutien, ce qui lui permet de s’appuyer sur un maillage solide pour affronter le scrutin. « Qu’est-ce qui peut bien faire que les Français se tournent vers lui ? » me demandai-je. J’ai la réponse : les Français sont orphelins de leur président qu’ils ont massivement rejeté et ils se cherchent un « père » qu’ils trouvent dans l’image rassurante et mûre que leur présente Alain Juppé.
Bruno Le Maire, en embuscade.
Le « jeunot » de la bande, qui a fait de son âge l’argument principal de sa vitrine avec le slogan « le renouveau, c’est Bruno », marque incontestablement des points que l’on retrouve dans sa progression dans les sondages. Sa campagne est très active, très présente sur le terrain et sur internet avec des messages nombreux et bien faits. La mise en scène des réunions est soignée et étudiée avec une préférence pour la disposition forum dont il est le personnage central. Son discours et son éloquence sont désormais bien rôdés, quoique parfois un peu trop théâtralisé ou récitant. Mais la voix porte et le ton est spontané à souhait. Il a fait récemment de la lutte contre l’islamisme radical un cheval de bataille identitaire avec des arguments clairs et percutants. Mais pour l’instant, le reste du programme manque encore de consistance et quelques propositions comme de gouverner par ordonnances, reprenant une antienne de Copé, prêtent le flanc à la légèreté. Il ne gagnera pas que sur sa posture actuelle.
François Fillon, lui, n’arrive pas à percer.
Pour être le champion de la droite, il ne suffit pas d’avoir le programme le plus abouti, l’entourage le plus étoffé en experts, universitaires, élus de toutes sortes, il faut être le meilleur candidat. Comme pour les deux précédents, je ne rate jamais une émission où il vient s’expliquer. Il est bon dans son argumentation. Il n’est pas le meilleur. Son élocution manque de relief, la voix campe dans les tonalités graves, ce qui peut être rassurant mais ne déclenche pas l’enthousiasme, les intonations ne sont pas assez variées. On voudrait qu’il sorte ses tripes, mais ce n’est pas dans sa nature. En plus, comme il est foncièrement honnête, il a beaucoup de mal à lâcher des coups, voulant trop s’en remettre à la solidité de son projet et à l’évidence de ses idées. Il faut absolument qu’il transcende son image de « notaire de province policé », ce qu’il essaie de faire, sauf que lorsqu’on lui fait retirer la cravate, un futur président de la République doit avoir une chemise qui reste « classe ». Récemment il a enfin décidé de s’affirmer en tentant de se démarquer à la fois de Nicolas Sarkozy, dans l’ombre de qui il est resté pour nombre d’électeurs, d’Alain Juppé dont il dénonce le caractère illisible de certaines positions qui fluctuent, de Bruno Le Maire qu’il qualifie de « vieux routier de la politique », ce qui n’est pas faux. Il est le seul à proposer des mesures innovantes en matière d’emploi, notamment pour les jeunes, et en adéquation avec les bouleversements que commence à produire la révolution numérique. Ce point n’est pas assez mis en évidence : il ne dit pas assez que son projet vise le plein emploi et est destiné à donner un avenir à nos jeunes. Déterminé, il l’est. Soutenu, il l’est. Il suffit qu’il passe de « l’estime » à « l’adhésion » ! Mais qu’il sorte de cette posture de grand frère bienveillant !
Demain, la suite : « le parrain attend son heure et les Iznogouds »
Commentaires