PRIMAIRE DE LA DROITE ET DU CENTRE : COMBIEN D’IZNOGOUD ? (suite)
22 avril 2016
Dans le billet précédent, nous avons fait le point de situation sur la primaire et le démarrage des campagnes que constitue la « chasse » aux parrainages. Dans la foule qui se presse au portillon, on dénombre aujourd’hui une bonne douzaine de candidats déclarés sans compter ceux qui sont annoncés comme MAM et Gaino, on distingue les gros calibres et le menu fretin. Hier je vous ai proposé mon point de vue sur les campagnes d’Alain Juppé, de Bruno Le Maire et de François Fillon. A ceux que j’ai radiographiés hier, il faudra ajouter Nicolas Sarkozy dont nous allons examiner le cas aujourd’hui. Mon propos n’est pas de faire le tri ni de prendre parti. Ils sont tous bons et leurs programmes se ressemblent, même si on peut y trouver des nuances. Je souhaite simplement faire part du vécu de cette entreprise inédite à droite par un militant de base ayant quelque expérience pour en avoir beaucoup vu depuis quarante ans et des poussières.
Le « parrain » attend son heure.
C’est un secret de polichinelle. Nicolas Sarkozy sera candidat à la primaire. L’association « La France pour la vie » est en place et commence à collecter des fonds et les messages qu’elle envoie sont on ne peut plus explicites. S’il retarde son entrée dans l’arène c’est pour plusieurs raisons dont la présidence du parti qu’il ne quittera qu’après avoir mené à bien la tâche sur le « projet » et sa quête de notoriété avec son tour de France des « dédicaces ». Il est bien conscient que pour l’instant, le climat ne lui est pas favorable. Il sait qu’il avance à contre-courant.
Les sarkozystes purs et durs vont dire que je suis bien sévère avec l’ancien président en le dénommant le « parrain ». Loin de moi, l’idée de l’assimiler à un chef de mafia ou de clan comme le déclame fielleusement Jean-Louis Debré, ce chiraquien fossilisé et figé dans une adoration hors du temps. Il y a cependant dans le comportement de Nicolas Sarkozy quelque chose qui y fait penser : si on n’est pas avec lui, on est contre lui. Ayant été président de la République, il a du mal à se départir de cette superbe qui fait que l’allégeance devrait aller de soi. Et bien il se trompe. Il est redescendu de son piédestal et il doit comprendre qu’il s’est mis au niveau de tous ses concurrents. S’il y a bien une phrase qui m’a choqué, dans la prestation de Hollande la semaine dernière c’est celle au sujet de Macron : « Il sait ce qu’il me doit ». Grave erreur : en politique, on ne doit jamais rien. Quand on est appelé par le « prince », on est mis en lumière mais on peut être jeté à tout moment. Inversement, il n’est pas interdit de profiter de la lumière pour exister et prendre son envol. C’est vieux comme le monde. Avec Nicolas, c’est aussi un peu ça. Il vit comme une trahison l’émancipation de ses anciens ministres, à commencer par le premier d’entre eux. Mais en fait, il n’y a aucune trahison.
Par ailleurs, je ne vais pas m’attarder sur ses démêlés avec la justice. Simplement il faut savoir que l’accumulation des « affaires », qui sont à l’initiative du camp d’en face pour la plupart, même si personnellement je suis persuadé qu’elles sont orchestrées, nuit à son image d’intégrité. On peut le déplorer, mais c’est comme ça. On a observé que la sortie de son livre « La France pour la vie » lui avait permis de faire remonter sa cote mais que ce mouvement a été stoppé par sa mise en examen. C’est un boulet qu’il doit tirer et, n’en doutons pas, qui pèsera tout au long de la campagne.
Néanmoins, Nicolas Sarkozy reste un client sérieux. Son socle de supporters est intact et son expérience est irremplaçable tant l’évolution de la situation sous la gouvernance de son successeur peut faire regretter qu’il n’ait pas été réélu en 2012. Il avait annoncé tout ce qui est arrivé. Il a une expertise internationale inégalable. La preuve, quand il se déplace, il est reçu au plus haut niveau. Les grands de ce monde n’ont pas oublié qu’on lui doit le G20 et des initiatives fortes pour enrayer la crise financière mondiale. Sur le plan intérieur, il sait mieux que tout autre comment réformer. On l’accuse à tort de n’avoir rien fait entre 2007 et 2012. C’est tout le contraire : en cinq ans, la France a commencé de se moderniser comme jamais, dans tous les domaines. On sait qu’il a du courage, c’est même sa marque de fabrique, et de la détermination, mais en même temps, une grande capacité d’écoute et une force de négociation qui tient probablement à sa formation d’avocat. Il s’est entouré d’une « garde renouvelée » avec des compétences indiscutables comme celles d’Eric Woerth, d’Eric Ciotti ou d’Alain Wauquiez. On aurait donc grand tort de sous-estimer son tempérament de rassembleur et sa capacité à gagner. Retenons la phrase de Thierry Solère qui répondait à un proche d’Alain Juppé qui pensait que « Sarko était fini » : « Si tu considères que Nicolas est mort, je te conseille de couper les morceaux, de les enterrer bien profond dans chaque continent, parce qu’il va quand même revenir ! ». (Rapporté dans Le Figaro).
Les Iznogouds.
C’est Michel Poniatowski qui avait le premier utilisé ce héros de bande dessinée à des fins politiques. Iznogoud c’est ce mauvais vizir qui rêve d’être calife à la place du calife, et qui utilise les complots les plus absurdes pour parvenir à ses fins, sans jamais y arriver. Il est donc le symbole du « politique » à côté de la plaque. Et dans le catalogue des prétendants qui veulent concourir à la primaire, combien prennent leurs désirs pour la réalité. J’ai déjà dit ce que je pensais de toutes ces candidatures inopportunes, dont le but n’est pas d’être un jour président, mais d’exister ou de mesurer l’influence d’un courant. C’est se tromper d’élection. C’est déjà insupportable quand il s’agit du premier tour de l’élection présidentielle véritable, avec cette kyrielle de « petits candidats » qui viennent profiter de l’occasion pour faire de la télé à bon compte et gagner des points pour financer un micro parti. Insupportable mais incontournable au nom de la démocratie. On pourrait au moins pour une primaire interne de la droite et du centre, faire preuve d’un peu de civisme ou d’humilité. Pour moi, les Morano, Lefebvre, Myard, Didier, n’ont rien à faire dans cette course. J’ajouterai même à la liste NKM et Copé. Tout juste peut-on admettre le bien-fondé de la candidature d’Hervé Mariton qui s’était présenté à la présidence du parti et peut justifier d’un (petit socle) de supporters libéraux. Je serai déçu qu’une personnalité comme Michèle Alliot Marie se lance dans cette galère où elle n’a rien à gagner. Quant à Henri Gaino, espérons qu’il continuera de camper sur son Aventin. Cette abondance de candidats n’est pas anodine et elle peut avoir un effet démobilisateur sur l’électorat de la droite et du centre qui commence à y voir « une mascarade ». C’est ce que j’entends autour de moi. Il y aura bien suffisamment de candidats pour représenter la droite, le moment venu, en dehors de celui qui sera désigné par la primaire. On sait qu’il y aura des « grignoteurs de voix » comme Dupont-Aignan. Depuis hier, Rama Yade veut aussi « y aller ». Elle n’a aucun soutien ni fonds pour concourir…
Assurée de figure au second tour, la droite rêve d’alternance. C’est probablement ce qui suscite autant de convoitise et pousse toutes sortes d’ego à se croire en capacité de « faire le job ». Il ne faudrait tout de même pas que l’année 2017 soit celle de l’élection présidentielle qui frise le ridicule par le nombre des impétrants. Le monde va nous regarder : un peu de sérieux ! Car avec le Front National en embuscade, cette élection sera tout sauf une partie de plaisir.
Commentaires