LA FRANCE TOUJOURS DANS LE ROUGE
01 février 2016
Notre Sapin-les-bas-roses a beau se targuer d’un déficit de l’Etat meilleur que prévu pour 2015, ce qui reste encore à démontrer, notre pays ne fait pas beaucoup d’efforts pour réduire dette et fiscalité. Il a de moins bons résultats que la plupart de ses voisins européens. Pire, en ce début d’année on assisterait plutôt à une inflation de promesses coûteuses.
Déficit 2015 : amélioration en trompe l’œil.
Le déficit de l’Etat a atteint 70, 5 milliards d’euros, soit 4 milliards de moins que prévu initialement. Ce résultat s’explique en grande partie par une charge de la dette moins élevée que prévu en raison des taux bas et une baisse de la contribution française au budget de l’Union européenne. La lutte contre la fraude a contribué pour un peu plus d’1 milliard et le rabot des dépenses a apporté 1,4 milliard d’économies supplémentaires. Finalement, le gain est plus dû à des paramètres extérieurs qu’à une volonté politique, alors que le contexte hyper favorable aurait permis beaucoup plus. Rappelons que dans le même temps, l’Allemagne a réalisé 12 milliards d’euros d’excédents. Ce qui remet les pendules à l’heure.
Notre pays ne fait pas d’efforts.
En matière de dépenses publiques, la France reste un cancre si on prend comme paramètre la nécessité de les réduire. Notre déficit public est à 3,9% en 2014 contre 3% en moyenne dans l’Union européenne, nos dépenses publiques représentent 57,1% du PIB en 2015 contre 48,7% dans l’Union européenne et notre dette atteint 96, 9% contre 86,8% dans l’UE. Notre pays est celui où la dette publique a diminué le moins vite depuis 2010 à cause d’une croissance en berne principalement. C’est aussi dans l’hexagone que la dette publique a le plus progressé, bondissant de plus de 3% contre 1,3% dans l’UE. Le poids des dépenses publiques se traduit par un niveau trop élevé de prélèvements obligatoires dont elle est vice-championne du monde avec le Danemark. En cause une part prépondérante de nos cotisations sociales : une politique dont nous n’avons plus les moyens et qui a forcément recours à la dette pour son financement. Qui plus est, elles pèsent principalement sur les entreprises, faisant de la part des cotisations patronales, la plus élevée d’Europe. Et puis il y a la multitude de ces petites taxes (192 au rendement inférieur 150 à millions d’euros) qui rapportent quand même plus de 5 milliards. Une manie française que le gouvernement n’arrive pas à inverser. En 2016 on crée 5 taxes nouvelles pour une seule supprimée. En contre coup d’une politique fiscale désordonnée et de dépenses insuffisamment maîtrisées, la TVA rapporte moins qu’ailleurs de même que l’impôt sur le bénéfice des sociétés et l’impôt sur le revenu. Un cercle vicieux dont il est difficile de s’extraire.
L’inflation des promesses coûteuses.
Elles sont belles les promesses du budget 2016 : des impôts censés ne plus augmenter, 16 milliards d’économies, le tout reposant sur une croissance de 1,5%, avec une réduction du déficit à 3,3% du PIB. Seulement voilà, depuis le vote, il a fallu ouvrir le porte-monnaie des dépenses « imprévues ». Je veux bien pour celles concernant la sécurité après les attentats de novembre. Le « pacte de sécurité » l’emporte sur « le pacte de stabilité » s’est empressé d’affirmer le chef de l’Etat, beau prétexte pour se défiler d’engagements intenables. Après 800 millions supplémentaires pour les forces de l’ordre et la justice, le montant aurait été insignifiant s’il s’était arrêté là, le président a multiplié les vœux dépensiers sans préciser le coût de ce qu’il annonçait (généralisation du service civique, augmentation du nombre des réservistes, évolution du point d’indice des fonctionnaires…). La dépense la plus importante sera affectée à la lutte contre le chômage pour en améliorer les statistiques, près de 2 milliards quand même ! Une nécessité découverte bien tardivement alors que la montée continue du nombre des sans emploi n’est pas une nouveauté. L’équation budgétaire est donc loin d’être garantie au moment où Bruxelles rappelle que la France ne bénéficiera d’aucuns délais supplémentaire. Le vice-président de la commission européenne le constate : « la France ne délivre pas les efforts structurels qui lui avaient été réclamés par le Conseil ».
Rien n’a été fait pour freiner la dérive des déficits.
Pour Agnès Verdier-Molinié, de l’IFRAP, la France ne pourra pas respecter son engagement de ramener à 3% son déficit en 2017. C’est tout simplement impossible. Les calculs de son Institut prévoient un dérapage du budget à 80 milliards pour cette année, et il ne voit aucune raison pour que le solde des comptes publics s’améliore vraiment en 2017. La croissance prévue pour 2016 est déjà sérieusement revue à la baisse en raison du contexte international, ce serait 1,1% plutôt que 1,4 ou 1,5. Quoi qu’il en soit, on sera toujours dans une atonie qui ne permettra pas de créeer suffisamment d’emplois. Bref, l’IFRAP évalue à 3,5% le déficit pour 2017, loin des 1% prévus dans les accords avec l’Europe. Un motif d’inquiétude supplémentaire s’ajoute à ce constat austère : nous allons droit vers les 100% de dette publique. Or, la seule manière de redresser les comptes est de baisser les dépenses. Depuis le début du quinquennat elles sont passées de 1 150 milliards d’euros à 1 280 milliards par an, avec une inflation négligeable et une absence de croissance. La dérive continue donc. En France, que la conjoncture soit bonne ou mauvaise, les comptes sont toujours dans le rouge. Voilà un motif justifié de modification constitutionnelle : mettre dans l’article 34 que tout excédent budgétaire devra être intégralement affecté à la réduction de la dette. De nombreuses mesures techniques sont possibles pour enrayer les mauvaises habitudes et la tendance au laxisme budgétaire. La Cour des Comptes n’est pourtant pas avare de bonnes recommandations. Ainsi nous payons tous les ans 60 milliards de plus que nos voisins en couts de production de nos services publics. Les économies sont sous nos yeux, il suffirait de les ouvrir pour les voir. L’IFRAP fait même un catalogue de 10 propositions pour retourner à l’équilibre budgétaire sans affecter la qualité des services publics. Il suffit de volonté politique.
Difficile de sortir de l’économie « pouf ».
Cette image utilisée par une chroniqueuse en économie est très parlante. Le "pouf", c'est ce siège confortable dans lequel on s’enfonce mollement mais dont on a du mal à s’extraire ensuite, surtout quand on a un certain âge. C’est le cas de notre « vieille » économie. Notre modèle social et économique amortit les secousses des crises et nos chutes sont plus douces qu’ailleurs. En 2009 la récession en France a été de moins de 3% quand elle atteignait 6% outre-Rhin. Le poids de l’Etat en est la cause. Mais la contrepartie c’est la lourdeur au redémarrage quand la croissance repart. Ce qui était un amortisseur devient un boulet : les prélèvements obligatoires sont un frein à la création de richesse. Le « pouf » agit comme un piège !
En attendant, on n’est pas près de voir le bout du tunnel...
Gilles Carrez et Eric Woerth chiffrent à 4 milliards d’euros les dépenses nouvelles non financées. De quoi rendre la France encore plus vulnérable !
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