PAS DE REPIT POUR LE FRONT NATIONAL (2)
09 avril 2015
Il y a deux stratégies à développer face à la démagogie populiste :
Celle qui consiste à montrer que les solutions « marinistes » n’en sont pas, parce qu’il ne suffit pas de renvoyer chez eux les « monstres extérieurs » qui nous étouffent (Wall Street, Bruxelles, l’immigration) pour rétablir notre souveraineté et remettre nos finances d’aplomb.
Et celle, complémentaire, qui consiste à montrer que les « monstres extérieurs » sont pour peu dans nos malheurs nationaux qui plongent leur racine profondément à l’intérieur et semblent se nourrir d’une certaine impuissance politique.
« La France a perdu sa souveraineté et obéit à ses maitres de Bruxelles »
C’est la « philippique » habituelle de Florian Philippot dès qu’on lui passe la parole sur un plateau télé. Il faut y ajouter son mépris affiché pour les « européistes », ces naufrageurs de notre nation… Il est vrai que nos politiques se sont trop souvent servis des « technocrates de Bruxelles » pour se défausser de décisions qu’ils avaient eux-mêmes avalisés. Cela n’accrédite pas les solutions populistes pour autant. Les « contraintes extérieures » existent bel et bien et sont une réalité dont il sera difficile de s’abstraire : les pays développés sont étroitement insérés dans l’économie mondiale et ceux qui voudraient s’en défaire ne le pourraient qu’à un coût démesuré. Le gouvernement Tsipras nous en fait la cruelle démonstration sous nos yeux. Son « autre politique » ne fonctionne pas parce qu’elle repose sur une illusion et que tout simplement Syriza n’arrive pas à mettre en place une alternative réaliste. En attendant, les Grecs vont beaucoup plus mal. En moins de trois mois, il a annihilé tous les progrès réalisés depuis 2009, recréé une situation de défaut et provoqué un chaos politique qui menace la démocratie. Le pays a replongé dans la récession et réamorcé la spirale des suppressions d’emplois. La crise de la Grèce relève d’un problème de solvabilité qui nécessite de profondes réformes intérieures et celles-ci ont besoin du soutien européen et du FMI pour être réalisées. Le même raisonnement vaut pour la France. Qui peut croire, que face aux « états-continents » tels que la Chine, l’Inde, le Brésil ou les Etats-Unis, la France, repliée sur elle-même, pourrait faire face et retrouver la prospérité ? C’est au contraire en renforçant le partage de souveraineté avec nos partenaires européens que nous nous en sortirons. Au moment où la reprise se dessine dans la zone euro, grâce à la politique de la BCE, les partis populistes ne seront endigués qu’en proposant les réformes qui privilégient la compétitivité sur les habitudes clientélistes de redistribution qui nous enferment dans la récession et le chômage.
« l’UMPS est responsable de la situation de la France »
Si les « monstres extérieurs » comptent pour peu dans la dégradation de la situation de notre pays, les difficultés qu’il rencontre nécessitent avant tout des réponses intérieures. La France est victime du conformisme de sa classe politique et des syndicats qui congèlent toutes les velléités d’audace et d’inventivité dont elle aurait besoin pour se moderniser. Notre pays est typique des réformes en demi-mesure, toujours insuffisantes. On l’a vu sur les retraites, on le subit sur le marché du travail, on en paie le prix sur le coût du travail. Le recours à l’arme fiscale dans un pays à très haut niveau « d’acceptabilité » de l’impôt a été et est encore trop souvent le recours pour panser les plaies urgentes que sont nos déficits et notre dette. Pas étonnant alors que le discours populiste prospère sur un tel terrain, ou « l’impuissance » est facile à dénoncer quand le chômage et la précarité touchent six millions de personnes. Le slogan « UMPS » est trop facile pour être honnête, il ne rend pas compte de la réalité puisque le Front National prospère grâce à la gauche. Mais c’est vrai, la crise de 2008 a enrayé le redressement de notre pays qui était entamé avec énergie par Nicolas Sarkozy et l’alternance de 2012 nous a engagés sur un mauvais chemin, sous l’effet d’une idéologie archaïque et d’un pouvoir élyséen hésitant. Cependant, les solutions qu’il propose ne sont pas meilleures, elles sont bien pires. Même « intelligent », le protectionnisme, en ciblant les boucs émissaires chinois ou indiens, repose sur un constat erroné : les pays à bas coûts ne sont pas la cause principale de notre déficit commercial. Il suffit de constater que notre déficit cumulé avec la Belgique et l’Allemagne était, en 2013, supérieur à celui de la Chine. La plus grosse partie, 40 milliards d’euros, provient de nos échanges avec l’ensemble de l’Europe ! Et tout est à l’avenant dans son programme. Notre vrai problème c’est le retard pris dans le progrès technique et l’externalisation des services qui détruisent plus d’emplois que la concurrence internationale. De fait, aussi, les catégories modestes ne vivent plus là où se créent la richesse et l’emploi. La fracture territoriale, chère à Christophe Guilluy, entre les métropoles mondialisées et la « France périphérique » des villes modestes et des zones rurales, fonde le nouveau séisme que notre pays doit affronter. L’une des réponses tient dans la nécessité d’un réaménagement du territoire autrement plus audacieux que la réforme calamiteuse dont la gauche a accouché. Mais se figer sur le « département » à l’ancienne, comme le propose Marine Le Pen, n’est pas à la hauteur de l’enjeu.
« Le Front National, c’est le parti de la capitulation »
La formule est de Bruno Lemaire. Je partage ce point de vue. Ne nous laissons pas avoir par la mise en scène de la querelle familiale, exploitée à outrance par la patronne du parti, parce qu’elle tombe à pic pour servir sa stratégie. La rupture avec le père, jouée en tragi-comédie pagnolesque, constitue un pas supplémentaire sur la voie de la « normalisation » et la dispute va lui permettre d’atténuer de manière symbolique le vieux fond culturel d’extrême droite du parti. Elle veut à tout prix préserver les effets d’une stratégie de repositionnement réussie grâce à la mise en veilleuse de la thématique xénophobe et à un programme social censé répondre à la crise et parler aux laissés-pour-compte. Mais cette querelle père-fille, à laquelle pourrait se joindre Marion, la petite-fille, montre bien la vraie nature du Front National : une PME familiale tenue d’une main de fer, servant d’abord de moyen de subsistance à la famille, autrefois accessoirement outil de confrontation au pouvoir et devenu aujourd’hui instrument de sa conquête. Marine Le Pen peut désormais poursuivre son objectif. Mais la voie populiste qu’elle emprunte dans laquelle les déboires de la France ne peuvent qu’être dus à l’ennemi extérieur, c’est-à-dire l’étranger, la finance, Bruxelles, l’euro, les immigrés… est une impasse. L’isolement qui en découle est basé sur des mesures protectionnistes, nationalistes et étatistes aujourd’hui caduques. Il conduit tout droit à la faillite, c’est-à-dire à la capitulation. Comme avec Pétain, la référence de son père, dans un autre registre.
A suivre : la leçon des départementales.
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