LES DOSSIERS DE TRYPHON
14 novembre 2014
ROSETTA
Eloignons-nous un peu des miasmes de la vie politique pour célébrer ce grand événement à sa juste mesure : Philae s’est posé sur « Tchouri » comme prévu. Anodin ? Pas vraiment, quand on sait que l’astéroïde est à quelque 500 millions de km et quelques bricoles de notre vieille Terre et que le satellite « Rosetta » qui l’a véhiculé est parti il y a dix ans pour un vaste périple qui l’a fait rebondir de planète en planète pour arriver à bon port dans la proche banlieue de l’objet galactique visé !
L'exploit !
Et cet exploit, ce ne sont pas les Américains ni les Russes qui l’ont réalisé, mais l’Union Européenne avec son Agence Spatiale. Comme quoi, l’Europe peut être une grande puissance quand elle en décide. Nos savants, nos technologies n’ont rien à envier à leurs homologues des autres grandes puissances. Ce sont 450 ingénieurs, dont 150 Français qui sont à l’origine du programme et de sa réalisation. Près d’un milliard et demi d’euros dépensés dont 450 millions pour la France, soit 40 centimes de chaque Français par an pendant dix ans.
Et ce n’est pas tout. L’engin nous envoie des photos, fait des analyses et va nous apprendre, pendant la courte vie de sa pile, plein de choses sur l’histoire de l’univers, donc sur la Terre. Un grand pas pour l’humanité, aussi important que l’Homme qui a marché sur la Lune.
Elle est pas belle la science ?
Voilà un bon gros pied de nez à tous ces déclinologues et prophètes en tout genre sur l’Homme apprenti sorcier avec sa science néfaste pour notre planète.
Voilà de quoi redonner confiance dans l’importance du savoir, le progrès dont il est porteur, l’espoir qu’il devrait toujours susciter.
Voilà un pavé dans le jardin des eurosceptiques de tout poil, à commencer par celui de Marine Le Pen qui n’a jamais de mot assez méprisant à l’égard de l’Union européenne. Que ferait la France toute seule, je vous le demande. Comme pour l’Airbus, quand les européens conjuguent leurs forces, ils arrivent premiers ! Un bel exemple à rajouter au plaidoyer de Giscard.
Car ce qui vient d’être réalisé est un authentique exploit qui a mobilisé de nombreuses connaissances déjà acquises sur l’univers qui nous entoure. « L’acométissage » de Philae n’aurait pas été possible si les calculs qu’il a nécessité s’étaient révélés inexacts, à la fois sur le temps pour parcourir les distances et la mécanique qui réagit les mouvements célestes. Il n’aurait pas été possible sans l’extraordinaire apport de l’informatique et de la puissance de calcul des ordinateurs modernes.
Une prouesse technique.
Qu’on en juge. Philae est le premier engin spatial à se poser sur une comète. Les ingénieurs, au-delà du pilotage entièrement automatique dont les missions spatiales sont coutumières, ont relevé un véritable défi balistique pour établir la trajectoire de l’engin, guidé par le seul champ gravitationnel et très très faible de la comète. Pour donner une idée, le robot ne pèsera qu’un gramme une fois posé (100 kg sur Terre). En plus « Tchouri » a une forme très irrégulière et n’est pas homogène, elle tourne sur elle-même en 12H20 mn et file vers le soleil à 40 000 km/h. voilà qui donne une idée de la difficulté des calculs réalisés par les experts en mécanique spatiale. Les calculs au CNES de Toulouse ont commencé en 1995 et des milliards de trajectoires différentes ont été simulées sur ordinateur rien que pour évaluer le choc que devra absorber le train d’atterrissage. Déjà, parvenir dans la « banlieue » de l’astéroïde, c’était comme envoyer un microbe depuis Paris sur un grain de poussière à New-York. Et on y est parvenu… avec du matériel vieux de 10 ans à l’arrivée !
Mieux connaître la Terre.
L’intérêt que les astronomes portent aux comètes et aux astéroïdes vient de ce qu’ils constituent les ultimes vestiges de la formation du système solaire. D’autant plus précieux que les scientifiques tiennent ces astres errants pour les grands pourvoyeurs de la vie sur Terre en y apportant l’eau et le carbone. Aussi tous les prélèvements effectués par Philae apporteront-ils leur lot de confirmations très attendues.
Cette dimension archéologique lui a d’ailleurs valu son nom : un hommage à Champollion qui utilisa la pierre de Rosette (d’où Rosetta pour le véhicule) et l’obélisque Philae (pour le module) pour déchiffrer les hiéroglyphes égyptiens. De même la zone d’atterrissage a été nommée « Agilkia » en référence à l’ile égyptienne du Nil sur laquelle a été transporté le temple égyptien de Philae menacé par la submersion des eaux du barrage d’Assouan.
Nous attendons maintenant avec impatience le décryptage de toutes les données transmises par le petit Robot dont pratiquement tous les outils fonctionnent après 10 ans de sommeil !
VIVE LA SCIENCE !
Tryphon.
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