LA GUERRE DES GAUCHES
01 juillet 2014
Une guerre meurtrière.
Elle était inévitable. Toute une partie de la gauche n’a pas fait sa révolution intellectuelle et en est restée à l’idéologie marxiste et ses vieilles lunes. Aussi le clash avec les réformistes était-il inévitable. Il est même classique. Il était inscrit dans la campagne de Mélenchon. Il est devenu une réalité.
Il touche aussi bien le monde syndical que la classe politique : les clivages éclatent au grand jour entre les anarchos de Sud et de FO, les néo-staliniens de la CGT et les « traitres » de la CFDT et autres syndicats autonomes ; on retrouve le même schéma entre le Front de Gauche, PC et Mélenchonistes, gauche du PS et les tenants de la sociale démocratie qui soutiennent le gouvernement de Valls.
Cela nous vaut de beaux débats. Et à l’assemblée, les récalcitrants de la gauche dure font dérailler la majorité sur le PLFSS (loi de financement de la sécu pour les béotiens). Le collectif budgétaire sur lequel a plané la menace des frondeurs a été adopté dans les grimaces et la douleur, sous la menace probable du 49-3 ou d’une dissolution. D’autant plus que la gauche « verte », les écolo-gauchos soixante-huitards, soutient le gouvernement comme la corde (pure chanvre indien) soutient le pendu. Ambiance !
Cela nous vaut surtout une belle pagaïe dans le pays, comme on le voit avec les excités du rail, de la SNCM ou du spectacle, partout où la CGT peut user de son pouvoir de nuisance.
Mais cette guerre meurtrière n’est pas perdue pour tout le monde.
Il faut dire que les atermoiements et le manque d’autorité du Président de la République n’aident pas un Premier Ministre plus velléitaire que volontaire. Avancées et reculades se succèdent auxquelles s’ajoutent un amateurisme déconcertant qui accélère la décomposition à la tête de l’Etat. Pour les contestataires, c’est du pain béni. Que les communistes et autres marxisants s’en prennent au « social-traitre » n’est pas nouveau. Ce qui rend la faiblesse du PS encore plus dramatique.
Car il y a un os supplémentaire dans la mécanique. Il s’appelle Front National. Il n’était pas prévu, en effet, que ce soit lui qui tire les marrons du feu de cette guerre fratricide. Après avoir vidé le Front de Gauche de ses électeurs, le discours de Marine Le Pen se fait sans ambiguïté : « à gauche toute ! ». On n’abandonne pas une stratégie qui marche et qui peut la conduire au deuxième tour de la présidentielle par élimination de la gauche comme en 2002, dont il semble que seul le parti populiste ait tiré une expérience utile.
De l’extrême droite à l’ultra gauche !
Il est difficile de classer aujourd’hui le parti lepéniste à droite, aussi bien sur son antienne laïcarde que sur son programme économique. Un programme très à gauche. Car en matière de surenchère, la Marine n’est pas à ça près. Qu’on en juge : tout ce qui touche à la libéralisation des services publics est condamné sans nuances, EDF, gaz, service public ferroviaire, avec une vision étatique que n’aurait pas reniée Georges Marchais. Antilibérale, elle se fait l’alliée objective des syndicats en attisant les colères catégorielles dont elle engrange les voix aux élections. Elle cible aussi bien les patrons du CAC 40 que les dirigeants de l’OMC, sans parler des instances européennes, sources de tous nos maux. Thierry Lepaon est un tiède à côté d’elle.
Avec ses promesses intenables d’augmentation de 200€ des salaires inférieurs à 1500€, la revalorisation des pensions de retraite et de réversion, le relèvement du point d’indice de la fonction publique, la baisse immédiate des tarifs du gaz, de l’électricité (infaisables), de la taxe sur les carburants, l’âge de la retraite ramené à 60 ans et la tranche supérieur de l’impôts sur le revenu portée à 46% (eh oui, elle aussi cible les riches), on se demande bien ce que la gauche pourrait proposer de plus et de mieux en mesures démagogiques ! Avec le rejet de la mondialisation « libérale » et le refus de l’austérité budgétaire « imposée par Bruxelles », le tableau est complet.
La guerre des gauches sert le populisme.
Et ça marche ! Le FN a fait une percée exceptionnelle dans l’électorat ouvrier, au grand dam des Mélenchon et Besancenot dont le discours rouge paraît désormais bien palôt et délavé. C’est que dans la bouche de Marine Le Pen, ces arguments éculés prennent un coup de neuf ! Les résultats sont éloquents : le parti frontiste progresse dans tous les bastions de gauche aux dernières élections et partout où la désindustrialisation sévit, dans les banlieues en proie à l’insécurité ou à l’emprise islamiste. Le FN a capté le vote ouvrier à près de 60% dans l’est et plus de 50% dans le nord et est désormais le premier parti de la « classe ouvrière ». Sauf que son programme est à usage exclusivement électoral. On peut être persuadé que sa patronne, qui n’a pas de leçon à recevoir en matière de cynisme, ne croit en rien à ce qu’elle propose et qu’elle sait très bien que c’est inapplicable. C’est un axe stratégique pour prendre le pouvoir. Faute de pouvoir prendre des électeurs à la droite, ce que son père s’est épuisé à faire, elle a trouvé le filon dans la faillite des idées marxistes.
La guerre des gauches alimente le populisme, comme les eaux chaudes de l’océan un cyclone. En précipitant la France dans le chaos économique, la gauche porte une lourde responsabilité. Elle alimente le désespoir des Français les plus fragiles, fait fuir à l’étranger les plus industrieux, et risque de plonger l’Europe dans une nouvelle crise. Un film d’épouvante qu’on a le sentiment d’avoir déjà vu.
Si l’histoire ne se répète jamais, il arrive qu’elle bégaie !
Il y a urgence pour la droite et le centre à proposer une alternative crédible. Mais là encore, ce n’est pas parce qu’on craint le pire qu’il ne se réalisera pas.
Commentaires