OTAGES EN TOUT GENRE …
13 juin 2014
A la veille de ce week-end, j’avais plutôt envie d’aborder avec vous un sujet plus riant : vous expliquer pourquoi, par exemple, la Banque Centrale Européenne a décidé la semaine dernière de prendre les mesures fortes qui devraient réveiller la croissance et l’emploi dans l’Union, avec la bénédiction d’Angela… Ce sera partie remise et pour plus tard. Le bloc-notes va en effet faire une pause jusqu’au moins au 25 juin. Nous aurons encore quelques sujets sérieux puis ce sera le régime estival avec des thèmes plus ensoleillés et souriants.
En attendant, c’est un coup de gueule que j’ai envie de vous faire partager.
Entre les intermittents et les cheminots, j’ai l’impression qu’il y a des coups de pieds au cul qui se perdent.
Ras-le-bol de ces prise d’otages qui sont toujours les mêmes : que ce soit le spectateur usager du spectacle, ou le voyageur usager des trains, c’est toujours le même cochon de payant que l’on emmerde. Car ces gens-là ne se rendent même pas compte que ce sont nos impôts qui font vivre leurs statuts largement déficitaires. Les uns contestent l’aménagement de leur régime d’indemnisation pourtant décidé par l’Unedic et les partenaires sociaux, les autres s’élèvent contre une réforme de la SNCF, voulue par un gouvernement de gauche, en bâtissant un argumentaire qui relève pour la plus grande part du procès d’intention.
Arrêtons-nous un instant sur cette dernière réforme, car la situation est complexe.
Le projet, qui sera discuté dès ce mois-ci à l’Assemblée, même s'il n'y a pas d'accord avec les syndicats, consiste à remplacer les deux entités actuelles, le SNCF et RFF (Réseau Ferré de France), nées sous Jospin, par trois établissements publics à caractère industriel, ou Epic, avec un Epic « mère », la SNCF, et deux Epic « filles », "SNCF mobilités" et "SNCF réseau". L’idée est de rationaliser le système ferroviaire pour faire des économies pourtant modestes (1,5 milliard d’euros par an), et de stabiliser la dette ferroviaire, qui atteint 44 milliards d'euros.
La CGT réclame évidemment un cadre social unique pour que les salariés de la SNCF continuent à bénéficier de leur statut particulier dont on sait qu’il est très avantageux, ce qui semble acquis. UNSA et Sud Rail demandent eux que la dette soit « reconnue comme dette publique », ce que le gouvernement, déjà accablé par un fardeau de près de 2 000 milliards ne veut pas. Cependant, celui-ci s’est employé à rassurer les syndicats sur le sort des cheminots. Le financement de la dette est un problème qui relève de la responsabilité nationale, et dans le contexte d’endettement que nous connaissons tous, il est impossible de laisser filer des dépenses qui ne sont pas compensées par des recettes.
La SNCF, à elle seule, illustre parfaitement notre mal français.
Nous avons un réseau ferroviaire performant, moderne, accessible à tous, mais nous ne nous sommes jamais vraiment posé la question de son coût. Pour le rail, comme ailleurs, nous avons vécu et vivons encore au-dessus de nos moyens : s’il fallait rembourser la dette de la SNCF en augmentant le prix des billets, les Français n'auraient plus les moyens de prendre le train. Au temps des 30 glorieuses la croissance autorisait toutes les revendications, celles-là d'ailleurs qui ont rendu prohibitive l’exploitation du réseau. Et comme les cheminots actifs ont diminué des deux tiers en 50 ans, leur nombre ne permet plus depuis longtemps de financer des retraites qui commencent à 55 ans. Ces syndicats qui prolongent une grève au sujet d’un endettement dont ils sont peu ou prou responsables ne se rendent pas compte de ce qu’il y a de choquant dans leur comportement.
Si l’on examine l’affaire de plus près, on s’aperçoit que cette réforme pourtant timide, sur laquelle le ministre a déjà lâché beaucoup de lest, a peu de chances d’assurer l’avenir de la SNCF. Elle donne pourtant lieu à un conflit social dans lequel deux syndicats jusqu’auboutistes défient le gouvernement et même le Président de la République dont l’appel à la raison a eu pour réponse mépris et surenchère ! La grève pure et dure reste la seule concption du dialogue social pour certains syndicats indifférents aux changements du monde.
Alors qu'est-ce que ce serait si on alignait les retraites des cheminots sur le régime général !
Pourtant, ce ne serait que justice.
En attendant, les perturbations vont durer et ce sera tant pis pour les lycéens qui rateront leur bac parce que des irresponsables ne leur auront pas permis d’arriver à l’heure pour passer leurs épreuves. Et je n’évoque pas la galère de tous ceux qui bossent…
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