NOUS AVONS BESOIN DE L’EUROPE
12 janvier 2014
Au mois de mai prochain, nous voterons pour renouveler toutes les instances de l’Union européenne. Et on ne peut échapper à la question : « Que va-t-il arriver à l’Europe ? ». La question se pose d’autant plus qu’il faut bien se rendre à l’évidence : on n’entend pas le discours pro-européen. Par contre, les « anti » s’en donnent à cœur joie. Crise de l’Euro, taux directeurs, PAC, union bancaire, BCE, rôles du Parlement et de la Commission mécanismes de mutualisation de la dette, … il y a de quoi perdre son latin au quidam de base. L’Europe, c’est compliqué à expliquer et facile à dénigrer. Pourtant elle continue d’attirer à elle des peuples qui y fondent leurs espoirs : après la Slovénie, c’est la Lettonie qui vient de rejoindre l’Union. Mais pour ceux qui veulent la tourner en dérision, il suffira de préciser que c’est la Grèce qui vient de prendre la présidence pour six mois. Comment ne pas sourire ?
Certes, le marché européen n’est plus considéré comme dynamique mais il n’en demeure pas moins immense et il rassemble une population au pouvoir d’achat individuel élevé, notamment par rapport à d’autres pays dans le monde qui pourtant arborent des taux de croissance élevés tout en restant très loin derrière. Le continent européen est le premier investisseur étranger dans de nombreuses régions comme l’Asie du Sud Est, restant une référence par sa recherche de haut niveau et ses produits à haute valeur ajoutée. Cette réputation se traduit dans les nombreux transferts de compétence et de technologies opérés par les groupes industriels européens. Ceux qui le vivent comme une frustration ont tort. C’est quand l’inverse se produira qu’il faudra pleurer, car cela voudra dire que les Européens auront définitivement perdu la partie. Ces avantages comparatifs devraient au contraire nous dissuader de nous plaindre et encore plus, nous donner confiance dans l’avenir !
Le monde a besoin de l’Europe.
Les Européens doivent prendre conscience de la force de leur projet politique et se rendre compte qu’ils restent un modèle pour le monde depuis soixante ans.
N’est-ce pas la création de la Communauté économique européenne qui a inspiré dix ans plus tard la création de l’Asean, le marché commun de l’Asie du Sud-Est, qui a promu la prospérité économique et renforcé la stabilité politique de la région, comme c’est le cas pour notre continent ?
Et quand les Européens donnent naissance au projet industriel sans précédent qui permet de produire les avions Airbus, ce sont nos concurrents qui sont envieux et admiratifs !
Comme Luc Ferry, je tiens la civilisation européenne pour supérieure à toutes les autres, au moins en ce qu’elle est « la seule qui ait permis aux citoyens de sortir de l’enfance, d’accéder à l’âge adulte ». Il suffit de voir comment dans les « théocraties », les individus sont traités comme des mineurs, ces pays où des petites filles sont obligées de se marier avec des hommes mûrs qu’elles ne connaissent pas… L’Europe, c’est le contraire de cette horreur, c’est la civilisation de l’autonomie sur tous les plans, dans la vie politique, comme dans la vie culturelle ou affective.
Mais les civilisations sont mortelles, et l’Union européenne est l’infrastructure indispensable à la survie de la nôtre. Si nous en revenons à la logique mortifère des nations refermées sur elles-mêmes, ce « vieux continent » que pouvait citer Villepin, le seul qui ait réussi à allier liberté et protection sociale, sera balayé par les vents mauvais des extrémismes de tout poil. N’oublions jamais que cet espace unique de liberté, qui inspire encore d’autres nations comme on le constate avec ce qui vient de se passer en Tunisie, doit sa spécificité à la naissance de Parlements où l’on s’est résolu à faire des lois par et pour les êtres humains, sans les faire découler de textes sacrés.
La France a besoin de l’Europe.
Dans le contexte de mondialisation, les leviers des politiques traditionnelles ne lèvent plus rien parce que nos politiques sont restées encore trop nationales. Cet écart explique pour une grande part l’impuissance publique. Le marché est mondial. Le nier ne sert à rien. Si nous voulons reprendre la main, nous Français, sur un cours du monde qui nous échappe chaque jour davantage, le détour par l’Europe est le seul chemin qui puisse nous redonner des marges de manœuvre. C’est aussi le seul moyen qui nous est offert de défendre et si possible étendre au reste de la planète les valeurs d’autonomie morale, politique et culturelle, ces valeurs auxquelles nous sommes attachés et que nous partageons avec nos partenaires européens, parce que c’est l’histoire commune de notre continent. C’est en défendant l’Europe que nous redonnerons du pouvoir à l’Etat, grâce à une souveraineté, partagée mais réelle.
Toutes les productions sont aujourd’hui fragmentées. Les éléments d’un Airbus, par exemple, traversent plusieurs pays où ils sont progressivement transformés avant d’arriver au montage final. Cette économie intégrée concerne d’abord l’espace de l’Union, elle en dépasse souvent les limites. Ce qui veut dire que la sauvegarde de notre industrie passe par plus d’intégration dans la mondialisation et non le contraire. L’espace de l’Union européenne constitue alors la zone idéale pour faire tampon et faciliter l’ouverture au reste du monde. Sans lui, la tâche de nos entreprises serait infiniment plus difficile.
Comme pour la mondialisation, l’Union européenne pose des problèmes d’ajustements et d’adaptation, mais elles seules nous offriront l’opportunité de sauvegarder et de créer des emplois de haut niveau.
A l’heure où la crise finit d’impacter l’ensemble de l’économie mondiale, un besoin pressant de stabilité et de leadership se fait sentir. L’Europe doit y prendre part, pour elle-même mais aussi pour le monde. C’est dans ce contexte et seulement celui-là, que la France pourra faire entendre sa voix.
Le chemin peut paraître compliqué et malaisé. Tous les autres sont pires !
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