LA TENTATION DE LA BALKANISATION
17 septembre 2013
La vie politique est ainsi faite. Il faut des défaites pour se diviser et de nouvelles défaites pour se rassembler. Heureusement, nous avons un système électoral majoritaire qui limite les dégâts. Mais la tentation de la « balkanisation » qui est un trait permanent de notre vie politique est toujours bien réelle et touche toutes les familles politiques.
On appelle ainsi la tendance à se diviser en chapelles et groupuscules en référence à l’éclatement de l’Empire ottoman au XIXème siècle qui transforma la péninsule balkanique (la Grèce pour faire court) en une multitude de sous-états. Ce fut, et c’est encore, une poudrière permanente. Un seul exemple, et non des moindres, l’attentat de Sérajevo et ses conséquences funestes pour l’Europe de 1914.
L’épisode « Fillon » fait partie de ces épiphénomènes. Il met en action les forces centripètes toujours présentes au sein de l’UMP. Elles s’expliquent par le caractère composite de la formation, issue du regroupement du RPR et d’une grande partie de l’UDF de l’époque. Cela correspondait à ce que l’on appelait la nécessité de modernisation ! La fusion avait été voulue par Chirac, mise en oeuvre par Juppé, avec la bénédiction de centristes comme Douste-Blazy et de libéraux comme Raffarin. Depuis quelques temps, c’est le mouvement inverse qui se produit. Peut-être parce que l’UMP, confrontée à l’usure du pouvoir chiraquien, n’a jamais été en mesure d’atteindre les 50% d’électeurs au 1er tour exigés par le scrutin majoritaire. Le quinquennat de Sarkozy n’a rien arrangé, à cause des crises successives et du vote sanction des élections intermédiaires. Le Parti Radical l’a d’abord quittée, puis quelques centristes. Aujourd’hui, les ambitions personnelles fragmentent le discours du parti et le rend inaudible, mais espérons que le phénomène restera superficiel.
Le centre qui avait explosé tend maintenant à se regrouper. C’est pour lui une question de vie ou de mort, alors que se profile l’élection européenne sur laquelle il compte se refaire une santé. Un pari qui n’est pas gagné. Le glissement à droite de l’électorat a asséché les terres centristes et les palinodies de Bayrou avec le positionnement ambigu du Modem ont achevé de décourager les derniers fidèles pour qui le vote Hollande était une trahison. Survie oblige : Borloo et Bayrou se reparlent… Le rêve d’incarner à nouveau une grande force politique comme l’UDF en son temps est encore éloigné et ne sera réglé que lorsque le problème du leadership sera réglé. C’est pas gagné et ça reste illisible.
A gauche ce n’est guère mieux. Le panorama tripode avec un PS comme il se doit, des verts comme il en faut et un PC comme on en veut, est loin de correspondre à l’image qu’il donne. C’est un secret de polichinelle de constater que le PS est aussi divisé qu’une équipe de France de foot à l’attaque, avec une aile gauche tentée en permanence par la sécession, et une aile droite catalane vociférante, que les Verts sont traversés par des courants divers et variés au gauchisme éclectique, et que le Front de gauche a bien du mal à maîtriser son remuant et tonitruant Mélenchon au moment où le PC a besoin de calmer le jeu pour essayer de garder ses mairies avec l’aide du PS. Faisons l’impasse sur l’extrême gauche aussi fragmentée qu’une poterie grecque exposée dans un musée d’archéologie.
Ainsi va la France de 2013. Pendant que notre classe politique s’adonne au jeu du chamboule-tout comme dans les baraques foraines, la dette file bon train, les impôts galopent, l’insécurité s’en donne à cœur joie, et le chômage, cerise sur le gâteau, met chaque jour un peu plus de Français dans la difficulté.
Alors, évidemment, le parti qui émerge et qui ne semble pas connaître les mêmes turpitudes c’est le Front National. Il s’attache à capter toutes les déceptions et les colères des différents électorats sensibles aux thèmes qu’il développe sur l’immigration, l’insécurité et la misère sociale, parce qu’ils y sont confrontés. Mais c’est un trompe l’œil. S’il semble un bloc, il n’en connait pas moins des contradictions internes. Simplement, quand elles gênent, elles y sont écrasées ou sommées de rentrer dans le rang. C’est toute la différence. Ce n’est pas par hasard si la présidence du parti est abonnée à la famille Le Pen. Là est le danger, qu’il soit perçu par un nombre croissant de Français comme un recours grâce à son apparente solidité perçue comme rassurante.
Cela devrait instruire et rendre raisonnable aussi bien à l’UMP qu’au PS.
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