LECTURES D’ETE
20 juillet 2011
POPULISMES : LA PENTE FATALE
Dominique Reynié est professeur à Sciences Po et Directeur Général de la Fondation pour l’Innovation Politique. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’opinion publique, la vie politique française et européenne. Il analyse ici la montée en puissance, à l’ouest comme à l’est de l’Europe, des mouvements politiques populistes et xénophobes.
L’intérêt de cet ouvrage c’est de montrer comment, au-delà de la diversité des environnements politiques propres à chaque pays, ces partis, souvent protestataires, se nourrissent de réalités comparables : sentiment de déclassement vécu par les européens face aux nouvelles puissances émergentes, vieillissement démographique, crise de l’état protecteur et surtout, sentiment d’une perte d’identité face à l’afflux d’immigrés de confession musulmane.
Cet ouvrage se nourrit d’un relevé très nourri des résultats électoraux dans les différents pays du continent pour étayer son analyse de la transformation idéologique de partis appartenant au départ aux bords extrêmes de l’échiquier politique pour devenir peu à peu centrés sur les thèmes plus « convenables » du populisme patrimonial.
A l’aide de nombreux exemples, telle l’affaire des caricatures de Mahomet, il montre à quel point l’immigration et l’Islam peuvent se trouver liés à une menace pesant sur l’identité européenne, mettant en avant aussi, la multiplication des accommodements ethnoculturels. La réaction à ce multiculturalisme favorise l’émergence d’une défense conservatrice et virulente d’un patrimoine matériel qui est le niveau de vie, et d’un patrimoine immatériel qui est le style de vie. Ce populisme moderne se nourrit évidemment la défiance envers les élites (exemple l’UMPS) et l’antifiscalisme sans atteindre toutefois les délires du Tea Party américain, il cultive aussi l’euroscepticisme et l’islamophobie mais se différencie par sa nature avant tout « inquiète » et individualiste, des extrémismes traditionnels dont il tente de rejeter la dimension raciste.
Mais l’ouvrage analyse aussi en profondeur les tourments de l’Europe, confrontée à son vieillissement, qui a peur de l’immigration et pourtant ne pourra pas s’en passer, qui tremble devant la mondialisation vécue comme une menace alors qu’elle est la deuxième puissance du monde par son PIB cumulé. Il met en lumière le conflit des identités entre un contient chrétien devenu laïc et une immigration musulmane qui refuse d’en assimiler les valeurs au profit des siennes. Dès lors le populisme pourrait être une pente fatale car en venant troubler le jeu normal des alternances des partis de gouvernement, il conduirait au les pays européens au repli, à des politiques malthusiennes de l’immigration compromettant du même coup le bon fonctionnement des systèmes d’assurance sociale.
Dominique Reynié propose aussi une autre vision : celle d’un « vivre ensemble » fondé sur l’idée d’une diversité libérale et démocratique réaffirmant l’attachement aux droits de la personne. Il voit dans « l’Euroméditerranée » une région mondiale d’une puissance considérable avec un milliard d’habitants et le tiers du PIB mondial. Une manière de garantir notre avenir dans l’économie globalisée. Voilà une réponse d’envergure à la menace populiste. La réponse se trouve aussi dans l’européanisation des grandes politiques publiques qui permettrait des économies d’échelle.
Mais c’est clair, le multiculturalisme est un échec et le laisser faire ne fera qu’aggraver la pression populiste… et notre déclin avec. Un ouvrage qui éclaire singulièrement le débat sur l’identité nationale et le positionnement de l’UMP et de Nicolas Sarkozy, en lui donnant raison ; et tort au « vivre ensemble » préconisé par le PS et Martine Aubry qui n’est pas à l’abri de cette même pression.
A lire absolument.
« Populismes : la pente fatale », chez Plon, collection tribune libre.
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