LES SERIES CAUSALES DE HASARD.
On dit communément « qu’il n’y a que les montagnes qui
ne se rencontrent pas » ou encore que le « monde est petit ». Chacun
d’entre nous aura bien quelque anecdote qui illustre ces adages. Les séries
causales de hasard peuvent être à l’origine de rencontres fortuites, donner
réalité à ce qui était proprement imprévisible, tant l’accumulation de petites
causes qui s’enchaînent peut avoir de grands effets. Les climatologues parlent
de « l’effet papillon » que l’on exprime parfois à l'aide d'une
question : « Un simple battement d'ailes d'un papillon peut-il
déclencher une tornade à l'autre bout du monde ? ».
Ainsi, la tempête Xynthia n’aurait pu être qu’une grosse
tempête comme notre littoral en a rencontré souvent. Sauf qu’elle a coïncidé
avec une grande marée exceptionnelle. Sauf qu’elle a eu son maximum
dépressionnaire juste au moment de toucher le continent, gonflant par effet
mécanique la surface de l’océan de deux mètres supplémentaires. Sauf que son
parcours a abordé un littoral poldérisé protégé par des digues mal entretenues….
Plus au nord ou plus au sud il n’y aurait pas eu tous ces morts, on peut l’imaginer.
Voilà une série causale de hasards qui a débouché sur un drame dont on n’a pas encore
fini avec les conséquences humaines.
Sans atteindre cette intensité dramatique, il y en a d’autres
qui émaillent notre vie quotidienne et provoquent des événements heureusement aux
conséquences beaucoup plus souriantes.
Ainsi, il y a quelques années, je me trouvais à Grenade en
accompagnement d’un groupe d’élèves de mon collège. Un matin, nous devions visiter
l’Alhambra de bonne heure, mais au moment du départ, il nous manquait un élève.
Nos voilà bloqués sur le lieu du rendez-vous et à mettre tout en œuvre pour
nous renseigner sur son sort. Finalement il arriva au bout d’une heure et demie :
il s’était perdu en ville en venant au point de rendez-vous. Donc, nous
arrivons à l’entrée du célèbre château et de ses jardins, dans une queue qui,
vu l’heure, s’était copieusement allongée. Il fallut bien patienter. A un moment
donné, je vis un peu derrière nous, une tête qui ne m’était pas inconnue :
« tiens, me dis-je, voilà le sosie
de Mme Gilles », la femme du maire de Saint-Barthélemy. Quelques
minutes plus tard, les personnes s’étant déplacées, c’est la tête du maire qui m’apparut : « deux
sosies, ça fait beaucoup ! ». Bref, nous nous retrouvâmes à l’entrée
pour bavarder un instant. Eux non plus n’auraient pas dû être à l’entrée de l’Alhambra
à cette heure-là, mais n’ayant pas trouvé de chambres à Cordoue, ils avaient
poussé jusqu’à Grenade… Un pur hasard donc ! C’est là qu’on se dit
rétrospectivement qu’il vaut mieux avoir une vie bien réglée…
Plus récemment, le mois dernier, nous étions à un mariage
dans le Gers. Nous nous étions retrouvés avec plusieurs couples d’amis et nous
en étions venus à évoquer les richesses patrimoniales –entre autres- de la
région. J’expliquai à l’un de ces couples, Colette et Serge, qu’il existait une
toute petite ville fortifiée tout-à-fait étonnante réduite à un rempart un
donjon intérieur, une chapelle et quelques maisons : Larresingle. Le
lendemain, ils devaient raccompagner leur fils à Marmande pour prendre un train,
et ils s’éclipsèrent en début d’après-midi. De notre côté, avec le père de la
mariée, il fut décidé sur le coup de cinq heures de l’après-midi, sans que cela
ait été prévu, d’aller faire un tour dans les environs : il voulait montrer
quelques bastides aux amis qui ne connaissaient pas le coin. Nous voilà partis
à trois voitures, direction Fourcès, le village en rond, Montréal du Gers sur son promontoire et
finalement… Larresingle. Nous entrons dans la Carcassonne en minuscule et
commençons à visiter. Au moment d’entrer dans la chapelle pour admirer la
magnifique voûte, qui en sort ? Vous
l’avez deviné : Colette et Serge. Passant à proximité du village fortifié
sur le chemin du retour, excités par la description que j’en avais faite, ils
avaient décidé de faire le détour. C’est ainsi qu’à quelques minutes près, nous
étions arrivés sur place en même temps. Nous en rions encore. Comme on dit,
nous aurions voulu le faire exprès…
Cela donne à réfléchir sur la destinée humaine, pas vrai ?
Enfin, ne vous fatiguez pas trop, c’est encore les vacances.
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