EDUCATION : LE COMPTE N’Y EST PAS
18 mai 2010
La Cour des comptes a scruté au microscope jusque dans ses
moindres recoins notre système scolaire, évalué ce qu'il coûte et examiné les
résultats qu'il obtient. Et ses conclusions ne sont pas réjouissantes. Au moins
les enseignants ne pourront-ils pas mettre en avant une quelconque volonté politicienne
de leur nuire de la part d’un organisme aussi incontestable et de surcroît
présidé par un Didier Migaud dont on sait de quel côté penchent les convictions.
Qu’en est-il ? Les chiffres sont alarmants : 20% des élèves quittent aujourd'hui le système scolaire à 16 ans, quasi illettrés, oui, illettrés. Pour ceux de 15 ans, la France est aussi le pays de l'OCDE qui accuse le retard scolaire le plus important. On est donc très loin des objectifs fixés à l'Education nationale par la loi : 100% de réussite dans le secondaire, 80% d'une classe d'âge au bac et 50% de diplômés dans le supérieur. Des taux aussi réalistes qu’une chemise bûcheron sur le dos d’un touareg.
La Cour met le doigt là où ça fait mal. Tout d'abord, le
système français serait profondément inégalitaire -dramatique- préférant les classes de
niveau, plus simples à gérer et plus rassurantes pour les parents, à une vraie
mixité, cela malgré la théorie du collège unique, contournée par « moult »
pratiques utilisant ici les options, là les stratégies pédagogies. Et seuls les meilleurs sont réellement
favorisés. « En France, on reste
intimement persuadé que la réussite scolaire se mérite et que, si un élève
échoue, c'est sa faute et non celle de l'école ou des profs », dénonce
la Cour. Pour ceux qui prônent l’égalitarisme pur et dur, c’est un constat
cinglant.
D'ailleurs, elle observe non sans malice, que les besoins de
l'élève passent trop systématiquement après ceux de l'institution et des profs -c'est un problème vieux comme Hérode, mais c'est audacieux de le dire publiquement-
qu'il s'agisse d'emploi du temps ou de l'argent investi dans des options coûteuses,
qui séduisent les parents, plutôt que dans l'aide aux élèves en difficulté. Seraient-ce
les fumeux « itinéraires de découvertes » chers à Jack qui sont visés ?
Faudrait-il donc que l’emploi du temps soit d’abord fait pour les classes et
non en fonction des demi-journées de confort que réclament les enseignants ?
Il y a de quoi faire une vraie révolution quand on connaît les pesanteurs et les
traditions de la « grande maison ».
Le rapport dénonce également une administration centralisée
qui, au nom du service public, propose des réformes qui s'appliquent à tous,
sans prendre en compte les besoins particuliers des établissements. Ainsi le
prestigieux lycée Henry IV bénéficie-t-il d'autant d'heures de soutien scolaire
qu'un établissement plus difficile. C’est difficile à croire, mais c’est
pourtant la vérité.
Enfin la Cour des comptes pointe une mauvaise gestion
financière. Les résultats des différentes politiques mises en place dans les
dernières années n'ont pas été évalués. Il est vrai qu’il n’y a que les élèves
qui sont évalués, dans le système, et rarement selon des techniques modernes. Ainsi
le budget de près de 53 milliards d'euros en 2010, est, selon la Cour, mal
réparti. Une part trop importante serait alloué au lycée et trop peu au
primaire, où se forgent pourtant les difficultés. Enfin, les redoublements,
finalement très peu utiles, coûteraient trop cher au système. Mais ces
redoublements ne sont que les bégaiements d’un système à bout de souffle, où le
conservatisme des enseignants n’est pas seul en cause, parce qu’il y a aussi
des trésors de dévouement. Il faut faire avec des enfants de plus en plus nombreux
que l’effort intellectuel rebute, des parents eux aussi de plus en plus
nombreux à s’impliquer insuffisamment…
Ce que la Cour des comptes ne dit pas, c’est que le système éducatif n’est que le reflet de la décadence de notre société qu’il nous renvoie comme un miroir.
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