LE POINT SUR L’ECONOMIE
26 août 2021
Une reprise en trompe l’œil.
Cette rentrée s’ouvre sur une reprise de l'activité réjouissante. L’injection massive de fonds publics a sauvé l'économie du désastre, mais justement la gestion publique de la crise a masqué nos faiblesses sans les faire disparaître. La période que nous venons de vivre débouche sur des perspectives économiques positives avec une croissance qui devrait atteindre 6% et un chômage pour l’instant à son étiage de 2019. L'activité économique renouera d'ici à la fin de l'année avec le niveau d'avant-crise. Mais c’est un trompe l’œil. Il est grand temps de se préoccuper de ses faiblesses qui n’ont évidemment pas disparu, en portant sur elles un regard lucide.
Un regard lucide.
Un regard lucide consisterait, par exemple, à se demander pourquoi notre niveau de vie par habitant a dégringolé de plus de 20 places, du 5e au 26e rang mondial, depuis 1975, autrement dit depuis que nos finances publiques sont déficitaires, ainsi que l'a pointé l'ancien président du Fonds monétaire international Jacques de la Rosière. Ce serait admettre que le pays roi de la dépense publique est toujours aussi incapable d'en évaluer l'efficacité. Il serait temps de chercher à comprendre comment d'autres pays obtiennent de meilleurs résultats que nous en matière d'éducation tout en dépensant moins ; pourquoi, comme l'a révélé la crise du Covid, notre système de soins s'est trouvé si vite au bord de la rupture ; pourquoi notre recherche publique en matière de santé a paru stérile lorsqu'il y eut urgence à trouver des parades contre le virus. Ce serait enfin prendre conscience de la pente déclinante de notre industrie pour engager le rattrapage nécessaire. Nous sommes tombés à un niveau sous-critique dans de nombreuses branches du fait d'un manque d'investissement chronique.
La hausse des prix.
Le revers de la médaille, c’est que nous devons nous préparer à payer plus cher, tout ou presque. L'envolée du coût des matières premières et du coût du transport commencent à se répercuter sur les prix, et cela devrait s'accélérer. L'inflation est de retour, pour quelques mois seulement selon les banques centrales, mais rien n’est moins sûr. Les hausses concernent toutes les matières premières, les produits agricoles, les métaux ou encore le pétrole. Selon l'OCDE, le commerce mondial des marchandises a tout simplement explosé, avec un nouveau record au deuxième trimestre. Les taux de croissance de sortie de crise sanitaire sont spectaculaires et l'explosion de la consommation des ménages dans le monde ainsi que la reprise de l'activité des entreprises provoquent une surchauffe sans équivalent. Cette hypercroissance est alimentée par les torrents d'argent déversés par les banques centrales, par la multitude de plans de soutien et maintenant de plans de relance, par l'épargne pléthorique des ménages et par les trésoreries massives des entreprises. On assiste à une pression sans précédent sur les chaînes d'approvisionnement comme la pénurie des semi-conducteurs qui paralyse notamment l'industrie automobile, mais elles vont bien au-delà des semi-conducteurs. Elles se résorberont certes mais cela prendra du temps. Et il faut rajouter le coût du transport qui explose lui aussi du fait de l'absence de disponibilités, principalement dans le transport maritime. Les entreprises vont répercuter ces hausses sur les prix d'achat. Le réchauffement climatique et les accidents qu'il provoque, sécheresses, inondations, est un autre facteur de hausse des prix. Elles vont régulièrement faire flamber les cours des matières premières alimentaires. Nous entrons dans un cycle inflationniste.
La course d’obstacles des patrons.
Réunis à l’hippodrome de Longchamp pour l’université d’été du Medef, les patrons sont actuellement lancés dans une course d’obstacles pour bénéficier de la reprise économique, entre pénuries de recrutement, de matériaux et les contraintes sanitaires qui compliquent le retour des salariés. En toile de fond, la transition environnementale préoccupe également. En plus, Bruno Le Maire les a invités à mieux rémunérer les plus faibles pour protéger le pouvoir d’achat. L’annonce de la fin du « quoi qu’il en coûte » les inquiète également. La fête doit s'arrêter un jour, on ne peut indéfiniment continuer à créer du déficit, à aggraver le poids de la dette et à détériorer le bilan des banques centrales. Mais, contrairement à ce que dit Bruno Le Maire, le « quoi qu'il en coûte » n'est pas fini, en France où, pour des raisons électorales, on va continuer à raser gratis jusqu'en avril 2022. Il va simplement être atténué, certaines aides qui n'ont plus de raison d'être vont être progressivement diminuées. D’ailleurs, Bercy a annoncé, dans la foulée, que les titres-restaurants resteront finalement plafonnés à 38 euros jusqu’en février. Notre grand argentier parle de « sur mesure ».
On l’a compris, on est déjà dans la campagne présidentielle. Il serait bon que celles et ceux qui aspirent à diriger le pays s'interrogent pour éviter de continuer à se mentir année après année en compensant par des déficits publics un déficit de création de richesse. Il est urgent de porter un regard lucide sur les défis du pays plutôt que de bercer l'opinion de discours sur la grandeur de la France, que ce soit pour se vanter de l'avoir préservée ou pour promettre de la restaurer. Profitons plutôt du retour de la croissance pour traiter nos faiblesses !
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