RANTANPLAN ET TRISTE SIRE
05 avril 2021
Avec son ami Gilles Boyer, Édouard Philippe publie un livre intitulé « Impressions et lignes claires » (1) qui offre un large horizon sur sa conception de la politique, sans toutefois apporter la moindre révélation sur les trois ans qu’il a passés à Matignon. A en croire la longue interview que Le Point accorde à l’ancien premier ministre, on n’apprendra rien sur les relations parfois tendues entre Matignon et l’Elysée. C’est selon le Rantanplan de la politique, qui s’est associé à son « Triste Sire* », pour commettre l’ouvrage, être au-dessus du « menu fretin » quand il s’agit de l’éthique et de la dignité. Deux qualités qui lui ont furieusement manqué quand il s’est agi de rallier la macronie, en loucedé, caché sous une couverture dans une voiture, pour ensuite renier tous ses engagements, y compris en soutenant aux législatives suivantes des candidats contre ceux dont il avait exigé l’investiture aux Républicains.
"Les manettes".
Ce livre n’est pas plus le signe avant-coureur d’une nouvelle trahison, une candidature à la présidence de la République en 2022, ce que confirme l’intéressé dans l’entretien. Mais alors à quoi bon écrire un livre, si c'est pour ne rien dire. Car ce n’est ni un programme politique, ni une profession de foi, ni l’esquisse de ce que serait une présidence sous son nom. On n’y apprend qu’une chose, peut-être pour se justifier, c’est qu’il continue de croire que le clivage gauche-droite est obsolète, alors que l’expérience et l’observation de tous les jours prouvent le contraire, mais l’homme est paraît-il têtu. On retiendra d’ailleurs de son passage à Matignon que sa politique a essentiellement consisté à prolonger celle de François Hollande, qu’il s’agisse de la dette ou des lois sociétales. Contrairement à ce qu’il affirme comme faisant partie de ses convictions, il a été surtout celui qui a consacré l’effondrement de l’autorité de l’Etat. Il est celui qui a abandonné le projet de Notre-Dame des Landes, cédant à quelques dizaines de zadistes ultra-violents, en piétinant le droit, tous les recours ayant échoué, et la démocratie avec le referendum. Il dit : « J’aime être aux manettes », un contrepoint de son incompétence. Où était l’homme qui « aime être aux manettes », quand il accourait affolé au Ministère de l’Intérieur pendant que les émeutiers mettaient à sac l’Arc de Triomphe, alors que les blindés de la gendarmerie cantonnés à Versailles attendaient des ordres pour intervenir ? Le même qui passait les forces de l’ordre en revue au bas des Champs-Elysées, image surréaliste, pendant que les black blocs déguisés en gilets jaunes, quelques centaines de mètres plus haut, mettaient le feu chez « Maxim’s » ? Aux manettes peut-être, mais il avait perdu les pédales !
De cela, on n’a rien à faire.
Il ne faut considérer le livre ni comme un coup d’envoi de sa candidature, ni comme un règlement de comptes avec Macron, il en est loin, ni même comme un ouvrage pour vous divertir en vous révélant les secrets de Matignon. « Le Point » publie quelques extraits de l’ouvrage. On y découvre les humbles origines de l’ex-locataire de Matignon, sa modestie qui va si bien à son air bonhomme et qui dit aux Français « ce qu’il savait et ce qu’il ne savait pas ». Un politicien qui reconnaît qu’il ne sait pas tout dans un monde où il est désormais possible de tout savoir : Rantanplan, quoi ! On se demande ce qui a tellement plu aux Français puisque dit-on, il serait le plus populaire de France. Qu’il se reconnaisse non seulement dans l’exercice du pouvoir, mais aussi dans le peuple qu’il a eu à gérer, en avouant publiquement les incertitudes liées à sa fonction, nous fait une belle jambe et cette manière de dire les choses sans jamais les affirmer complètement confine à "l’enculage de mouche", excusez la trivialité. En fait, cette tentative de nous expliquer son succès par ce qu’il est lui, personnellement, confirme s’il en était besoin que notre démocratie est tombée bien bas. Une preuve du nivellement par le bas qui est à l’œuvre depuis plus de trente ans et dont il serait la partie visible de l’iceberg.
On aurait aimé savoir…
Les raisons de sa rupture avec le président restent mystérieuses. On y a vu le jeu naturel du couple exécutif, mais alors, on peut légitimement se demander en quoi c’était nécessaire si les deux hommes partageaient autant d’idées. On ne saura jamais comment il aurait géré la suite de la crise sanitaire. On se souvient seulement des mensonges érigés en vérité sur les masques et sur les tests et des grandes mises en scènes de ses conférences de presse, assorties de son croque mort, Jérôme Salomon. De la com’ pour faire oublier le réel. Ce livre aurait pu être l’occasion de raconter pourquoi Alain Juppé a échoué et quelle part son acolyte et lui ont pris dans cet échec, puisqu’ils dirigeaient la campagne. Comment ils ont enfermé le candidat en le coupant d’un entourage qui aurait pu lui être utile. Comment ils l’ont fait aller sur les thèmes qui l’ont desservi en oubliant qu’il fallait avant tout parler à la droite dans la primaire qui s’adressait prioritairement à elle, alors que Juppé avait écrit un ouvrage remarquable sur l’autorité de l’Etat. D’ailleurs on apprend au détour d’une question, qu’avec Gilles Boyer, ils avaient évoqué avec Alain Juppé la possibilité de nommer Macron à Matignon en cas de succès à la présidentielle. Il y avait bien une préméditation à la trahison. C’est ce qui arrive quand on est profondément convaincu que le clivage gauche-droite n’est plus de ce temps et qu’il faut le transcender.
"Anti Jupiter".
Il joue le rôle de l’anti-héros, un Poulidor, l’image inversée de Macron. C’est peut-être là que se trouve la clé de l’énigme de sa popularité. Autant le Président montre chaque jour, par ses maladresses, son dédain du peuple, autant « Ed » a plu au peuple dans son passage à Matignon, par sa timidité apparente, sa manière de relativiser les choses, sa riposte éloquente bien que souvent de mauvaise foi aux élus de l’opposition qui lui rappelaient des vérités gênantes. Il fait découvrir par un long coup de projecteur ce qu’est l’exercice du pouvoir en France, qui apporte beaucoup plus d’inquiétude, et même de peur, que de bonheur. L’hyper technocratie incontrôlable y apparaît en filigrane. L’exécutif a d’immenses responsabilités et doit trancher chaque jour sur les événements les plus anodins. Matignon est un enfer. Mais on le savait déjà. ». On pourrait croire à l’absence « d’hubris ». En fait, c’est le point de vue d’un boxeur qui joue la modestie en prenant des coups, et qui aime ça. Voilà donc un livre qui voudrait combler le vide de l’absence, de l’éloignement du pouvoir. On n’y apprendra pas grand-chose sinon que l’auteur principal est un esprit « emberlificoté » comme le dit Bruno Jeudy. On y découvre surtout qu’Edouard Philippe est un quidam ordinaire.
Opportuniste.
Faire son retour médiatique sur la « 2 » le soir de Pâques, il faut le faire, surtout quand on n’a pas la foi. Est-ce pour autant une « résurrection » ? Pas vraiment. On peut pourtant être certain que cela a été pensé, longuement mûri, planifié. Il pensait occuper seul le devant de la « scène » (non, non, je ne l'ai pas fait) . Mais voilà, il a été précédé par Xavier Bertrand et le discours de Macron pour le reconfinement. De quoi occulter largement la manoeuvre. Nommé pour donner une caution de droite à Macron, après avoir été le principal soutien à Juppé, une nouvelle déloyauté ternirait définitivement son aura politique. Mais débarqué sans son consentement, il peut se croire libre de tout engagement. Là-dessus, il reste confus. Chez les macronistes on ne veut croire qu’à un engagement derrière le Président. D’autres, surtout ceux qui l’ont suivi en tant que « constructifs », le rêvent en réunificateur de la droite, ce qui les arrangerait bien, eux qui n’ont servi à rien. Lui se garde bien de dire ce qu’il pense. Tout sera affaire d’opportunité. Faute de pouvoir peser sur les évènements, ce sont eux qui décideront. Il lui faudra faire oublier le chaos des trois premières années du quinquennat, la limitation de vitesse à 80 km/h et la taxe carbone qui furent les éléments déclencheurs de la crise des Gilets Jaunes, le fiasco de la réforme des retraites après deux mois de blocage du pays, un bilan accablant en matière de maîtrise de l’immigration, de violence, d’ensauvagement de la société et de poussée de la misère. On peut espérer mieux comme « homme providentiel ».
Au fond, l’avenir politique proche d'Edouard Philippe dépend avant tout du niveau de la mémoire collective.
Il se veut en réserve de la République. Mais quand il sera candidat, si un jour il l’est, c’est certain, personne n’osera l’appeler Jupiter. Le Panda, comme sa fille ? Pas plus. Vous savez le surnom que je lui ai choisi.
Une question : fallait-il être deux pour écrire tout ça. Avait-il donc besoin d’un porte-plume (on ne peut plus dire « nègre ») de service ? « Impressions et lignes claires » ce serait plutôt « confusion et esprit torturé ».
*Conf. Robin des Bois.
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