HISTOIRE
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MERCI L’EUROPE !

PENDANT LA CRISE, LA CRISE CONTINUE…

Récession

 

« Le jour d’après »

Tout le monde nous parle du « jour d’après ».  C’est quand au fait ? Et chacun y va de son rêve selon son idéologie, ses convictions, son expérience ou son absence de repères.  Tout est permis. Déjà les  médias écrits ou télévisuels sont pleins de ces doux visionnaires.  On assiste,  comme  pour les impôts, à un véritable concours Lépine des utopies : un nouveau monde nous attend, en vert pour les écolos, en rose pour les socialos, en rouge pour les nostalgiques de la révolution,  et  ailleurs en plus ou moins bleu… A défaut de me faire rêver, ça me fait sourire ou ça me met en rogne, c’est selon, mais ça passe le temps.  En attendant, la France est frappée de plein fouet par la double crise  sanitaire et économique et elle n’en finit pas de plonger. Les déficits se creusent à une vitesse vertigineuse pour financer le plan de sauvetage. On en est au 2ème budget d’ajustement pour actualiser les enveloppes prévues. Ainsi il a fallu passer de 8,5 milliards d’euros à 24 milliards pour financer le chômage partiel. Le déficit de la sécu, en toute logique, grimpe à 41 milliards d’euros. Les amortisseurs sociaux jouent à plein et il ne faut  pas s’étonner des chiffres qui gonflent.

Coup d’œil sur le tableau de bord.

C’est la situation en ce début mai.  Elle va continuer d’évoluer. Le PIB va plonger de 10%, c’est-à-dire une perte de 200 milliards d’euros d’ici fin 2020.  La dette va monter à 115%  du PIB, voire plus, et le déficit de l’Etat augmente à -12%. En période de crise, les totaux se cumulent : aux aides que l’Etat décaisse en empruntant à tout va, il faut ajouter les moindres rentrées, moins de TVA, charges et cotisations reportées ou annulées, … avec un double effet négatif. Mais par rapport aux crises précédentes, notre activité a freiné beaucoup plus, alors qu’il n’y a pas de vraies raisons. La  diminution de l’activité n’est pas pire qu’en 2008 où  le choc des "subprimes" avait secoué la planète financière.  La  bourse a plutôt résisté et fait le yoyo autour des 4500 points, en 2009 elle avait plongé  à 2200  points. D’où vient alors que la croissance Française est à la traîne de la zone euro ? Notre PIB a reculé de 5,8% au 1er trimestre contre 3,8%  pour la zone euro. Le décrochage est même assez net par rapport à l’Allemagne où plusieurs indicateurs  permettent de voir que l’économie continue de tourner davantage qu’en France. On a vite fait de mettre la contre-performance de la France sur le dos de  la crise sanitaire. Vous voulez savoir pourquoi ? Eh bien je vais vous le dire  ! 

Détour par le PIB.

Car il y a aussi une explication structurelle qu’on ne vous dit pas. Elle nécessite un peu de technique mais tout le monde peut comprendre. Rappelons que le PIB se divise en deux grandes parties : d’un côté le « PIB marchand » regroupant l’ensemble des produits ou services vendus sur un marché (par des entreprises privées ou non) et qui sont valorisés à leur prix d’échange ;  de l’autre, le « PIB non marchand » rassemblant toutes les activités des administrations publiques. Leurs produits et services sont dans leur grande majorité gratuits. N’ayant pas de prix ils sont donc évalués à leur coût de production (principalement les traitements des fonctionnaires) selon une convention internationale des instituts de statistique. En France les services publics régaliens (police, défense, justice) ou pas (enseignement public, santé) occupent une place particulièrement importante. Le « PIB non marchand » représente 22% du PIB total, selon l’Insee, soit 4 à 5 points de plus que la moyenne de l’Union européenne (Ne pas confondre avec les «dépenses publiques» équivalentes à 56% du PIB et qui comprennent, outre la production de services, l’ensemble des revenus de redistribution sous la houlette de l’État). Cette répartition entre « pib marchand » et « pib non marchand » explique en grande partie que la France amortit davantage les effets en cas de crise mais redémarre toujours plus lentement. Ainsi en 2008-2009, la grande récession qui a suivi le krach financier s’est traduite en Allemagne par une chute de 5,1% du PIB 2009 alors que la France subissait un repli de 2,9%, presque deux fois moindre.

Le boulet du secteur public.

Or ce n’est pas le cas cette fois. Et pourtant les deux facteurs traditionnels de la résilience française sont toujours présents. C’est tout d’abord une moindre dépendance au commerce international, les exportations françaises étant deux fois et demie moins importantes que celles de l’Allemagne. Cette  fois encore, le commerce mondial est un amplificateur de crise : le FMI prévoit un effondrement des échanges de 12,8% qui devrait handicaper tout particulièrement le « made in Germany ». L’autre facteur de résilience c’est justement la « sphère publique », comme expliqué ci-dessus, qui forme normalement un pôle de stabilité appréciable malgré les déficits qui tendent alors à déraper puisque les dépenses, et notamment les prestations sociales, sans parler des traitements des 6 millions de fonctionnaires, continuent sur leur lancée « quoi qu’il en coûte ». Mais le fait tout simple que les services soient maintenus, indépendamment des crises qui affectent les marchés, constituent un soutien à la croissance ne serait-ce que par la consommation des salariés de la fonction publique et les services qu’ils continuent d’assurer. Le problème est qu’aujourd’hui les services publics ne sont plus assurés en totalité, et de très loin. D’après un décompte de la CPME, la Confédération des PME, 70% des agents de l’État ou des collectivités territoriales sont à l’arrêt. D’un point de vue comptable le « PIB non marchand » n’a pas diminué puisque ses coûts demeurent mais c’est une pure illusion. La chute effective du PIB total est donc supérieure à l’estimation de l’Insee (- 35% pendant le confinement). Cela  s’explique par la carence de services comme « La Poste » qui ont handicapé l’activité des entreprises qui continuaient de fonctionner et par ailleurs, avec le confinement, nombre de fonctionnaires n’ont pas utilisé leur « pouvoir d’achat » d’autant plus que la plupart des commerces étaient fermés. Non seulement, cette fois-ci, les services publics ne constituent pas un soutien, mais leur continuité très défaillante est un handicap pour l’économie privée. Sans parler de leur inefficacité, que les lacunes des services de santé ont remise cruellement en évidence dans l’éternelle comparaison France-Allemagne.

L’activité économique « marchande » s’est contractée plus que chez nos partenaires, notablement inférieure à ce qu’elle est en Allemagne, et le rôle de stabilisateur du secteur public n’a pas joué. La conjonction des deux phénomènes explique la brutale plongée, plus  forte qu’ailleurs, de notre taux de croissance.

 

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