DROITE PROGRESSISTE : UN OXYMORE !
24 avril 2019
Il est temps que la politique reprenne ses droits. Commençons par remettre les pendules à l'heure. La droite et la gauche ça existe, et ça n'est pas la même chose. Tant pis pour ceux qui veulent nous faire prendre des vessies pour des lanternes.
Les transfuges de la droite et du centre qui ont rejoint Macron ou le soutiennent se proclament appartenir à une "droite progressiste". Un « oxymore » : c’est comme si on disait « droite de gauche ». Contradictoire et impossible. Pour bien comprendre et avoir les idées claires, pour appeler un chat « un chat », il est nécessaire de faire un peu d’histoire des idées. La confusion entretenue provient de ce que la frontière entre droite et gauche passe à l’intérieur du « libéralisme » dont Macron se réclame.
Le libéralisme sociétal.
En effet, celui dont Macron se réclame est le « libéralisme de gauche » qui prône la souveraineté absolue du moi. À l’état pur, quand il ne prend en compte que l’individu et l’humanité, ce libéralisme est une utopie de la liberté illimitée, un messianisme qui prétend faire naître un monde parfait au moyen d’un principe sacré. Cela devrait vous rappeler les discours enflammés de la campagne présidentielle, se terminant par les bras en croix : messianisme oblige ! Pour ce libéralisme qui, dans sa forme extrême, refuse les spécificités des peuples, des civilisations, des sexes mêmes, il n’y a que des individus interchangeables. Il constitue un système total. Macron met en oeuvre l’une des facettes majeures de ce libéralisme qui est ce que l’on appelle le « libéralisme sociétal » (ou encore libéralisme libertaire). « En Marche » s’inscrit dans cette filiation : le livre de l’ancien conseiller d’Emmanuel Macron, Ismaël Emelien, en témoigne.
Le progressisme n’est pas au centre, il est à gauche.
Pour le mettre en œuvre, il s’est attribué l’étiquette de « progressiste », vieille revendication remise au goût du jour. Elle permettait de distinguer autrefois les deux gauches : celle qui voulait transformer la société, les communistes marxistes, en s’affichant « progressistes », et celle qui voulait simplement réformer la société, dite gauche sociale, les socialistes. Cette dernière est tombée à peu de chose faute d’avoir renouvelé et adapté sa doctrine et de fait la « social-démocratie » est en panne partout en Europe, en même temps que les communistes s’effondraient. Profitant de l’espace, la gauche « sociétale » s’est énormément développée et a pris le pouvoir. Cette gauche-là a renoncé à la révolution sociale et l’a remplacée par « la révolution sociétale », au nom du « libéralisme libertaire », d’où les positions sur la GPA, par exemple, et le discours sur la « transformation » mis en scène par le macronisme. Elle trouve aujourd’hui ses marqueurs privilégiés dans la défense des droits illimités de l’individu et reprend à son compte le label « progressiste ». Elle s’accommode aussi du centralisme étatique et de la technocratie : ce libéralisme-là ne doit pas être confondu avec le « libéralisme économique ». Les progressistes ne sont pas au centre, mais bel et bien à gauche. C’est de cette gauche-là que le « macronisme » est le nom.
La droite peut-elle être de gauche ?
La gauche sociétale, incarnée par Edouard Philippe, les centristes d'Agir et les "Juppéistes", mord très loin au centre, et même sur une portion de l’électorat de ce qui fut la droite de gouvernement. La partie de l’électorat de Macron relevant de ce qu’on appelle improprement « la droite libérale » n’est tout simplement pas de droite, elle appartient consciemment ou non à la gauche sociétale. Car le libéralisme n’est de droite qu’à condition d’intégrer les autres dimensions de la droite : les impératifs de la durée du groupe, de justice et de sécurité, le refus de l’utopie. Ce libéralisme est respectueux de la cité, de la nation, de la famille, où il garde l’idée de la responsabilité de l’individu quant aux conséquences de ses actes. Il se conjugue souvent avec le « libéralisme économique » qui privilégie logiquement la libre entreprise et souhaite réduire l’état à ses fonctions régaliennes. La droite reste, sans en avoir conscience, l’héritière des valeurs de durée dont était porteuse la civilisation chrétienne avec laquelle s’est forgée l’Europe. L’antagonisme entre droite et gauche est irréductible car il est inscrit dans l’antagonisme de leurs racines religieuses. La gauche, en effet, provient de deux hérésie, comme l’explique Jean-Marie Harouel : l’une fut caractérisée par la divinisation de l’individualisme et l’apologie de la subversion, l’autre a été la croyance messianique dans la certitude de l’avenir radieux d’un paradis égalitaire et dans les vertus de la révolution ; deux grandes déviations du christianisme.
Progressisme et conservatisme.
Aurélien Taché et Jean-Pierre Mignard viennent d’annoncer la création d’un « laboratoire de gauche » au sein de LREM. La création de ce groupe, dont le nom « Hypérion » évoque le thème du retour de « l’homme-Dieu de l’âge d’or » chanté par Hölderlin, corrobore ce que je viens d’expliquer et ne peut s’être faite qu’avec l’aval de Macron. Il est destiné à envoyer un message clair aux électeurs de gauche pour les inciter à porter leurs voix, lors des élections européennes, sur la liste fourre-tout présentée par La République en Marche. En face, le choix d’un philosophe chrétien comme tête de liste LR accompagne la volonté de refondation doctrinale de la droite. La tâche paraît relativement plus aisée pour François-Xavier Bellamy, dès lors qu’il est assez facile de construire la droite autour des notions d’attachement aux valeurs de durée et de liberté dans la responsabilité. Car, bien que la déchristianisation soit à l’oeuvre en France où l’appartenance revendiquée à la religion chrétienne est devenue très minoritaire, pour les esprits qui ont été façonnés par un millénaire et demi de chrétienté, ce qui est le plus normal, c’est d’avoir une sensibilité de droite, souvent inconsciente d’elle-même, mais qui existe à l’état diffus dans le corps social.
Le conservatisme est un humanisme.
Alors, la vox médiatique acquise à la gauche sociétale taxe cette droite-là de « conservatrice », comme on jette l’anathème ! Mais le « conservatisme », ce n’est pas la frilosité, c’est la seule philosophie capable d’inspirer une politique à hauteur d’homme. Car, seul le conservateur, fort de sa connaissance et de son attachement à l’histoire dont il hérite, est capable de se lever et de s’opposer au monde comme il va, pour ne pas le subir. Le sens de l’histoire et l’adaptation au monde, vécus comme des fatalités, c’est bon pour les progressistes : à la question « tout ce qui est techniquement possible est-il souhaitable ? », le progressiste fonce, le conservateur s’interroge et sonde le passé, parce qu’il sait que celui-ci possède une puissance d’inspiration inégalée. L’histoire indique toujours une direction : quand on est redevable de son passé, on se sent comptable de l’avenir. Le clivage entre progressistes et conservateurs connait un regain d’actualité. Rien d’étonnant. Face à l’accélération et à la démesure des innovations technologiques et biotechnologiques, la question est bien de savoir sur quels types de dirigeants on doit compter. Feront-ils droit aux besoins fondamentaux de l’être humain et au droit des peuples à la continuité historique ou seront-ils enivrés par les nouveautés, quitte à rendre obsolète la France et ses singularités ? On comprend mieux ainsi, dans les discours de Macron, la négation de la culture française ou le besoin de fédéralisme qui dissoudrait la nation, et inversement, que le mouvement originel des Gilets jaunes, avant d’être phagocyté par l’ultra-gauche, se dressait contre la philosophie libérale-libertaire qui inspire le Président et son équipe, et contre les idoles du progressisme : ouverture, mondialisation, multiculturalisme, en réclamant pour la France périphérique, un monde humainement viable, traduisant ce besoin de stabilité, de continuité, de familiarité avec les lieux et des êtres qui sont indissociables de la condition humaine.
Nous saurons bientôt si le Président de la République infléchira sa politique, au-delà des manipulations politiciennes, pour tenir compte de ce clivage bien plus profond qu’il n’y parait. Personnellement, je pense qu’il n’a pas la culture pour y faire face. Depuis le début, il ne comprend pas le pays qu’il dirige et l’émiettement de mesures catégorielles en sera la preuve. J’espère seulement me tromper.
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