LE MALAISE AZZOUZI
16 février 2015
Quelques réponses aux questions que pose Abdel –Rahmène Azzouzi dans la tribune qu'il a rendue publique (Le Monde des Religions) ?
J’ai été choqué par la déclaration de ce chef de service de l’Hôpital d’Angers, faite pour annoncer sa démission du conseil municipal, où il siégeait dans l’opposition de gauche. La violence du propos surprend de la part de quelqu’un dont on aurait pu penser que les responsabilités exercées allaient de pair avec la pondération.
D’abord, la lecture de son point de vue me laisse l’impression désagréable d’un relent de racisme anti –juif et anti-occidental. A travers son questionnement, je perçois en creux une insatisfaction de ce qu’il aimerait : une France communautaire où les musulmans pourraient en prendre à leur aise. Si en tant que musulman vivant en France il avait fait siens, comme il l’aurait dû, les acquis du « siècle des lumières » qui ont enfanté la « Déclaration des Droits de l’Homme » à laquelle il se réfère quand ça l’arrange, il n’aurait pas eu à étaler toutes ses questions sur la place publique. Et je lui reproche d’en avoir oublié une, qu’il s’est bien gardé de poser : « Est-ce que la loi de la République passe avant tout précepte religieux ? ». Un sondage vient de nous dire que pour les deux-tiers des musulmans, la réponse est non ! C’est ce ressenti qui crée un malaise.
Alors, oui, certaines lois, notamment sur les signes religieux, ont été prises pour rappeler l’obligation de laïcité et d’identité visible. Elles ne stigmatisent pas la religion musulmane, mais, dans les faits, c’est celle-ci qui pose le problème, la plupart du temps, comme avec le port du voile intégral.
Si Monsieur Azzouzi considère la laïcité comme une arme exclusive contre la religion musulmane, c’est qu’il connait bien mal l’Histoire de France. La séparation de l’Eglise et de l’Etat, en 1905, est le résultat d’une véritable guerre que la République a livré contre l’emprise de la religion catholique qui voulait garder un rôle politique et continuer à diriger les consciences. Elle livre aujourd’hui le même combat chaque fois qu’une religion veut substituer à ses lois et coutumes des règles et des codes inacceptables. Mais non, les musulmans ne sont pas persécutés !
S’il considère que l’école fait de la ségrégation à l’égard d’enfants musulmans, il se trompe. Au contraire, elle cherche à les protéger, comme tous les autres, en éveillant leur conscience. Mais que ne dénonce-t-il pas les exigences alimentaires communautaristes et autres restrictions qu’il faudrait accorder aux filles pour certaines disciplines enseignées. Le reproche de racisme fait à la police et à l’armée ne mérite même pas d’être relevé, tant il fait partie des arguments tout faits du prêt-à-porter anti-islamophobie. Je ne sais pas ce qu’en pensera la famille du policier abattu par les frères Kouachi.
Quant au rapport de l’Etat avec l’Islam en France, il serait plus facile s’il existait une organisation représentative et structurée comme le Clergé catholique ou le Conseil Représentatif des Institutions Juives. Pour les musulmans, chacun sait que le CFCM pose des problèmes de représentativité et qu’il n’existe localement que des organisations partielles, parfois sous l’influence d’Etats extérieurs, comme le Maroc ou la Turquie. On ne peut tout de même pas reprocher à l’Etat français de chercher des interlocuteurs crédibles dans une communauté religieuse sans clergé constitué, au sein de laquelle n’importe qui peut s’autoproclamer imam.
On a le droit de ne pas supporter Zemmour, Finfielkraut, Fourest et autre Pelloux et leur préférer Tariq Ramadan, mais si celui-ci est un intellectuel de haut vol parce qu’il manie à merveille le double-langage, ce n’est pas compatible avec l’esprit cartésien qui prévaut dans notre pays. Parler d’ostracisation médiatique à son égard c’est mal connaître le fonctionnement des médias en France.
Je concède à Monsieur Azzouzi qu’il peut exister une discrimination à l’emploi, qu’on ne peut pas généraliser mais qui sévit encore trop souvent à la porte de certaines entreprises. Pour le logement, son propos aura choqué plus d’un Français qui pensent exactement le contraire. Comme quoi… Il faut dire que SOS racisme et de nombreuses associations communautaires sont pour quelque chose dans la constitution des ghettos urbains par la pression qu’elles ont exercée dans le passé sur les bailleurs sociaux.
Enfin pour conclure, la référence à la terre d’Andalousie est un bon exemple de cohabitation heureuse entre juifs, chrétiens et musulmans, mais c’était l’Islam tolérant d’Averoes. Je ne pense pas que ce soit celui dont se réclame Tariq Ramadan !
Ce que je trouve de dramatique dans cet épisode, c’est l’amalgamme confus qui est fait entre l’Islam et l’islamisme. Je suis persuadé que la plupart des musulmans vivent paisiblement dans le cadre des lois républicaines et ne se reconnaissent pas dans ces propos outranciers, propres à alimenter le vote Front National. Que la religion musulmane ait besoin de clarifier certaines de ses attitudes par rapport à l’Institution républicaine, c’est souhaitable et c’est possible. Il existe en effet des voix comme celle de Malek Chebel, ou celle de l’Imam de Drancy, qui montrent le chemin.
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