UN FORMIDABLE EXEMPLE
17 novembre 2014
C’est celui que Loïc Peyron vient de nous donner en remportant la « route du rhum », et qui plus est, au pied levé, et en se payant le luxe supplémentaire de battre le record de la traversée. Le skipper de « Banque Populaire », un trimaran de près de 32 m, ne s’est pourtant pas fait prié quand on lui a demandé de remplacer Armel Le Cléach’ blessé à une main, lui qui avait prévu de se faire la course à la barre d’un petit bateau, façon débonnaire.
L’exploit mérite d’être cité en exemple parce que le marin, qui a mené la course de bout en bout, n’est pas le premier venu, mais ce n’est pas non plus un perdreau de l’année, comme le flamboyant Gabard qui s’est adjugé la première place en « Imoca ». Il a 54 ans ! Tout ça pour dire qu’en France on ne fait pas assez confiance à nos quinqua, surtout dans les entreprises. Loïc Peyron est là pour nous rappeler qu’après 50 ans, on est loin d’être fini !
Dans notre pays, le chômage des séniors est une plaie et pourtant ils représentent une vraie richesse inexploitée. Pourquoi Peyron a-t-il gagné ? Il avait certainement un excellent bateau. C’est un marin en bonne forme physique aussi. Mais enfin, les années comptent tout de même. Le petit plus n’est-il pas venu de son expérience ? C’était en effet sa septième route du rhum. Une coure où il aura tout connu, y compris l’humiliation comme en 2002 quand son bateau Fujifilm fut dispersé en miettes et lui récupéré par un cargo russe.
Et bien cette victoire, personne en lui en retirera le mérite, celui d’avoir relevé le défi, mais aussi c’est un signal envoyé à la face de tous nos compatriotes employeurs, investisseurs, responsables, pour qu’ils regardent un peu plus vers la « silver génération ».
Les plus de 60 ans sont déjà 15 millions. Ils seront 20 millions en 2030, soit près d’un Français sur trois. Il nait en France plus de séniors que de bébés. Malgré leur nombre, leur situation est pour le moins étrange : les entreprises ne misent plus sur les salariés qui atteignent 45 ans et les poussent vers la préretraite. C’est pourquoi notre pays est en Europe, l’un des pays où leur taux d’emploi est le plus faible avec 39% contre 70% en Suède et une moyenne de 48% dans l’Union.
Un véritable gâchis pour des hommes et des femmes qui entament une deuxième vie quand ce n’est pas une troisième. A 50 ans, on a encore devant soi plus de vingt ans en bonne santé, un temps largement suffisant pour mettre à profit et développer tout ce qu’on a appris. Car, en plus, l’un des secrets qui permette de garder la forme c’est de continuer à travailler, de rester dans le monde des actifs.
La France aurait-elle besoin d’une révolution culturelle ? Certainement, car nos mentalités sont trop façonnées par des concepts dépassés et encombrées de tabous. Celui de la retraite le plus tôt possible en est un, depuis qu’au début des années 80 on avait inventé un « ministère du temps libre ». Temps libre que les jeunes retraités occupent passionnément au service des autres, et souvent bénévolement. Mais cette richesse trop mal exploitée est pourtant un filon pour l’avenir. L’économie va avoir de’ plus en plus besoin des quinquas et des sexas. Il faudra bien reculer l’âge de départ à la retraite pour équilibrer les régimes ; surtout, l’économie du Papy-boom nécessite l’investissement des intéressés : la meilleure manière d’inventer les services et les produits adaptés aux besoins d’une population vieillissante est de les faire inventer et vendre par les séniors. Le Japon nous montre l’exemple. Là-bas, on a mis en place un système d’emploi continu qui permet de réemployer le collaborateur à l’âge de soixante ans jusqu’à soixante-cinq ans en mettant en place de nouveaux contrats modifiés raisonnablement par rapport aux conditions antérieures.
La vieillesse peut être une chance pour un pays. Merci, Loïc Peyron de nous avoir fait réfléchir à cette donnée si peu appréciée au pays de Descartes. Cette victoire à la valeur emblématique nous aidera peut-être à sortir du déni dans lequel nous sommes plongés. Mais c'est comme pour le gaz de schistes, on est foutu de dormir à côté du filon sans l'exploiter, en vertu des grands principes, sur lesquels campent nos "partenaires sociaux"...
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