LA BCE, OUTIL DE LA CROISSANCE !... SAUF POUR LA FRANCE ?
27 juin 2014
Chose promise, chose due. Je vous avais promis de revenir sur les principales mesures prises par Mario Draghi pour booster la zone euro, menacée par la déflation.
La politique menée par la banque centrale européenne s’est longtemps contentée d’une maîtrise de l’inflation comme objectif et ses dirigeants n’avaient qu’à monter les taux d’intérêt quand ils s’inquiétaient de la hausse des prix. Avec la crise de 2007-2008, le contexte s’est profondément modifié. Ce n’est pas à une menace inflationniste que la zone euro est confrontée, mais plutôt à une baisse des prix qui en perdurant pourrait déboucher sur la déflation et son corollaire, la « décroissance ». Un mal que le Japon connait bien et contre lequel il a tenté depuis plusieurs mois le remède des « Abenomics ».
La Banque centrale avait plutôt bien réussi dans sa principale mission : maintenir la hausse des prix dans un couloir étroit autour de 2 % l'an, en montant et baissant ses taux. Mais la crise a inversé la tendance. Avec des dettes devenues trop lourdes, les prix ont désormais tendance à ralentir - voir à baisser avec les politiques drastiques de rééquilibrage budgétaire adoptées dans plusieurs pays. Sur la dernière année écoulée, les prix n'ont augmenté que de 0,5 % et le proche avenir ne s'annonce guère mieux. La déflation se pointe. Au lieu de freiner les prix, la BCE cherche donc à les accélérer.
Mais le remède n’est pas simple. C’est qu’en même temps, il faut continuer de contraindre les pays dont les finances publiques restent en déficit, à tenir leurs objectifs d’assainissement budgétaire. Elle a donc recours à des outils de plus en plus complexes censés mettre fin à la crise… Elle baisse ses taux et offre 400 milliards de liquidités en plus aux banques qui prêteront au secteur privé et accès illimité à taux fixe aux liquidités jusqu’à fin 2016. La relance de la croissance passera par donc une relance des prêts bancaires des banques privées … aux entreprises privées. Car c’est là que le bât blesse. Les marchés ne s’y sont pas trompés qui ont plutôt bien réagi. Une position dynamique de la BCE dont le FMI s’est félicité.
La chancelière allemande, Angela Merkel, a fini par admettre que l’Italie, la France, l’Espagne et le Portugal ne pouvaient pas se contenter d’une cure d’austérité qui entame à peine les déficits tout en empêchant la croissance. Elle a évidemment refusé que les règles du jeu soient changées, c’est-à-dire qu’elle a rejeté toute idée de modification des principes régissant le fonctionnement de l’Union, mais elle a consenti à ce que soient davantage utilisés les mécanismes de relance prévus par les traités, ce qui avalise les dispositions extrêmement importantes que vient de prendre la Banque centrale européenne. Ces mesures devraient soulager quelques pays encore en proie aux déficits et au chômage, et donner un peu d’oxygène au président français qui est noyé dans le chômage de masse.
Ce qui a le plus favorablement surpris les investisseurs et les responsables politiques européens, ce sont les injonctions de liquidités en faveur des banques pour les encourager à prêter en priorité aux PME qui n’ont pas accès aux marchés financiers et aux ménages, à l’exception des crédits immobiliers. Il ne s’agit pas non plus d’encourager la création de « bulles » aux effets toujours néfastes. Reste à savoir si cet « arsenal » de mesures sera suffisant pour réveiller l’économie du vieux continent.
Souhaitons à la banque centrale qui s’aventure sur le terrain de la croissance et de l’emploi, le même succès dans cette nouvelle politique que dans celle de la maîtrise de l’inflation. On pourra alors dire merci à « Super Mario ». Car sa politique audacieuse s’inspire directement de celle de la fed, la banque centrale américaine. Il profite de l’indépendance de son institution prévue par les traités pour briser tous les tabous : taux directeur abaissé à presque zéro, taux de dépôts négatif, rachats illimités de dettes d’Etat, … Sa politique économique combine la baisse des dépenses publiques, la baisse des impôts, les réformes structurelles et une relance de l’investissement. Avec en prime une baisse du taux de change. On ne pouvait rêver mieux !
Une politique qui, avec l’union bancaire européenne et le renforcement de l’union budgétaire, donne enfin à l’Union européenne les moyens de rivaliser avec ses concurrents planétaires. En tout cas, c’est le pari de Mario Draghi.
Dans le même sillage, Madrid baisse les impôts pour les ménages et les entreprises, après avoir exécuté sans sourciller l’austérité imposée par Bruxelles et les marchés financiers. L’Espagne espère désormais atteindre ses objectifs de diminution de son déficit par une augmentation de la croissance. La France aimerait bien en faire autant, mais en mettant la charrue de la croissance avant les bœufs de l’austérité et des réformes…
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