L’EURO, CE BOUC EMISSAIRE COMMODE
27 janvier 2014
La crise aurait été bien plus dramatique sans l’Euro.
La monnaie unique a été un véritable bouclier pour les pays qui l’ont adoptée. L’euro a préservé le pouvoir d’achat des Européens depuis maintenant près de quinze ans. Cette stabilité de la valeur de la monnaie est une source de confiance pour tous les acteurs économiques. Elle permet aux ménages et aux entreprises de prendre des décisions d’épargne et d’investissements à long terme sans crainte d’être spoliés par l’inflation. Elle permet aux entreprises d’exporter et d’importer sans craindre des variations erratiques des taux de change. Et sur le plan symbolique, l’euro fait rayonner l’Europe à travers le monde, c’est la principale monnaie de réserve après le dollar et elle est un atout pour assurer la réussite des européens dans la mondialisation.
Ceux qui associent l’euro à une hausse des prix sont victimes d’un fantasme.
C’est une manière d’en faire un bouc émissaire. L’euro serait trop fort. Quand le Ministre du Redressement Productif déclare : « si l’euro baissait de 20% on comblerait le déficit extérieur, créerait 300 000 emplois et réduirait d’un tiers le déficit ». La dévaluation, cette vieille facilité dont la France a abusé et qui conduit à la ruine ! Il cède à un vieux tropisme de la gauche et se trompe lourdement en montrant son incompétence. Il cible évidemment l’Allemagne qui imposerait une politique de change en sa faveur. Les faits prouvent que c’est faux : par exemple, sur les huit premiers mois de 2013, l’Italie a dégagé, hors énergie, un excédent de 56 milliard d’euros. L’euro fort n’empêche pas l’Italie de réaliser des excédents. La bonne question à se poser serait : si l’euro ne gêne pas l’Italie, pourquoi gêne-t-il la France ? Les critiques oublient en fait que les exportations ont des contenus croissants en importations et il faut raisonner sur des échanges en valeur ajoutée, toute dévaluation pénalisant alors les prix de revient.
La deuxième devise mondiale est à la dimension de la mondialisation.
L’euro permet d’affronter les marchés financiers sur lesquels la marge de manœuvre de monnaies nationales serait très réduite, comme le franc suisse qui a dû s’arrimer à l’Euro. Quant à l’argument de la souveraineté monétaire, il est illusoire. La Banque d’Angleterre en septembre 92 avait épuisé en 24H ses réserves de change : aujourd’hui, ce serait en quelques minutes. Avec un taux de change fixe entre le dollar et le franc, s’il était ressuscité, les taux d’intérêt ne seraient plus fixés à Francfort, mais à Washington … La souveraineté partagée des pays de la zone euro donne bien plus de force sur les marchés. D’ailleurs, la monnaie unique déjoue régulièrement les anticipations des eurosceptiques. La deuxième devise mondiale fait preuve d’une inertie, d’une stabilité et d’une résistance qui ont par le passé joué des tours aux spéculateurs qui avaient parié à tort sur son effondrement. Ils oublient que l’euro est l’expression de la volonté des Européens de partager un destin commun. Il est devenu le symbole le plus visible de l’Union. Il est aujourd’hui renforcé avec l’union bancaire, l’union budgétaire et une union économique qui se traduit par les outils qui ont été mis en place, de stabilisation et de solidarité entre les partenaires.
La monnaie unique a besoin d’une union économique renforcée.
C’est en poursuivant sur la voie du renforcement de l’architecture de l’Union économique que nous partagerons les bénéfices de ce bien commun qu’est la monnaie unique. Et en faire un outil de prospérité retrouvée. Les efforts de rétablissement entamés par les états en difficulté vont bientôt permettre de nouvelles avancées décisives : après la mise en place de l’union bancaire et d’un mécanisme commun de résolution des crises, il faut que la banque centrale ne se préoccupe plus uniquement de brider l’inflation et elle doit aussi se préoccuper davantage de la croissance, il faut que l’Union mette en place une politique industrielle qui permette aux pays à la traine de rattraper leur retard, il faut enfin axer les décisions vers la croissance en encourageant l’investissement dans le capital humain, la technologie et les infrastructures. L’objectif est maintenant de relancer la machine pour éviter l’écueil de la déflation. Le ratio dette/PIB européen étant plus faible que celui des Etats-Unis, la zone euro peut emprunter à taux d’intérêt réel négatif, ainsi que le font les Américains. Des taux d’intérêt bas libéreraient des capitaux pour stimuler l’économie, ce qui allégerait le fardeau des pays plongés dans les politiques d’austérité. Mais pour cela, il faudrait une certaine mutualisation de la dette sous la forme d’euro-obligations.
L’euro doit s’appuyer sur le couple franco-allemand.
Enfin, le succès de l’Europe repose sur le couple franco-allemand. Il faut reprendre le train de la convergence entre les deux pays, abandonné depuis dix-huit mois. Sans ce rapprochement, c’est l’Allemagne toute puissante qui imposera ses vues. Ensemble, les deux pays peuvent tirer l’Europe sur la voie du redressement et impulser les réformes nécessaires. L’euro facilite cette convergence, c’est donc à la volonté politique de faire le chemin.
Le processus d’intégration est un processus graduel mais d’une grande résilience. Les avancées vers une véritable union économique et monétaire doivent maintenant s’appuyer sur un contrôle et une légitimité démocratiques. Ce sera le sens des prochaines élections européennes.
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