LE « BITCOIN » POUR LES NULS
06 janvier 2014
La planète financière est ainsi faite, que si vous voulez dompter les flux financiers, les endiguer, les contrôler ou leur barrer la route, comme les éléments déchaînés, une partie vous échappe toujours. L’imagination des hommes est toujours féconde quand il s’agit d’argent, surtout s’il est question d’échapper à l’impôt.
Ainsi est né le « bitcoin ». Le mot « coin », qui désigne une pièce de monnaie en anglais est associé à la racine « bit » qui appartient à l’univers informatique. Le bitcoin fédère une communauté d’internautes passionnés par les technologies numériques et sensibles aux théories libertariennes anti-Etat. Il repose sur une architecture décentralisée. En connectant leurs ordinateurs personnels au réseau, des particuliers participent, par la résolution d’équations mathématiques complexes à la création de monnaie qu’ils se partagent ensuite entre eux, en récompense pour s’être dévoués à la communauté. L’algorithme crée autour de 25 bitcoins toutes les dix minutes. Cette solution est réservée aux experts chevronnés.
Il est possible pour un particulier de se procurer des bitcoins : il lui suffit d’en acheter sur les plates-formes où ils s’échangent (Mt.Gox, Bitstamp, BT China) au prix qui évolue en fonction de l’offre et de la demande. Ils se paient en dollar, euro, livre ou yuan… Mais c’est un actif financier très instable dont la valeur a été multipliée par cent cette année, malgré cinq krachs. Hautement spéculatif, il garde un fort attrait auprès des spéculateurs qui espèrent toujours investir à meilleur compte sur l’actif le plus rentable du moment. Sa volatilité de 130% est six fois plus importante que celle de l’or et dix fois plus que celle d’une devise traditionnelle.
Le bitcoin concurrence à la fois les portefeuilles électroniques et les devises officielles. Son système de paiement ne reconnait qu’une seule devise : la sienne. Cette monnaie qui permet de se payer un café sur internet ou une année d’université à Nicosie, est fondée sur quelques principes simples : anonymat des transactions, décentralisation du contrôle, convertibilité dans les devises légales. A titre d’exemple, un bitcoin valait le 16 décembre 630 euros.
Le bitcoin n’a aucune valeur intrinsèque. C’est une monnaie virtuelle qui ne remplit qu’une des trois fonctions d’une devise : un moyen de paiement, et encore, partiellement. Mais il n’est ni une unité de compte, ni une réserve de valeur. Cet actif financier mutant résiste néanmoins à son instabilité chronique grâce à son programme de création régulée. Douze millions de bitcoins sont actuellement en circulation. La création journalière actuelle est d’environ 36 000 bitcoins. On estime qu’en 2040, il y aura 21 millions de bitcoins en circulation.
Dans la pratique, c’est une monnaie qui ne menace pas les monnaies fiduciaires. En clair, le bitcoin n’a pas d’avenir dans le monde physique. Son succès se jouera sur le commerce en ligne, qui comme chacun sait ne peut que croître et embellir. C’est pourquoi elle connait un engouement qui commence à inquiéter les banques centrales. C’est même l’alerte rouge sur la planète financière. Les autorités financières s’émeuvent des risques encourus par les particuliers qui changeraient leurs euros ou leurs dollars contre des bitcoins et rappellent aux apprentis traders que sa valeur n’est garantie par aucune banque centrale et peut à tout moment s’effondrer. Les institutions craignent aussi que l’anonymat des transactions profite aux trafics illégaux et au blanchiment de capitaux … D’ailleurs les autorités chinoises semblent bien décidées à contrôler la monnaie virtuelle en interdisant les transactions en bitcoins aux banques locales, interdiction valable pour Alipay, le service du géant du commerce électronique Alibaba. Du coup le bitcoin a perdu près de la moitié de sa valeur en quinze jours.
Il est bon de savoir que la monnaie virtuelle séduit aussi les hackers. Ainsi deux plates-formes d’échanges américaines ont été intégralement dévalisées en novembre dernier. Les particuliers ont tout perdu. Une clé numérique qui donne accès à un porte-monnaie se dérobe aussi facilement que des billets de banque. On cite aussi l’exemple de cette personne distraite qui a jeté à la poubelle son disque dur sur lequel se trouvaient les données numériques de son compte : il a tout perdu.
Cela n’empêche pas le « shadow banking » d’occuper la deuxième place dans la finance mondiale, avec près de 25% de la captation des actifs. De quoi inciter les autorités à empêcher ce secteur de se développer sans règle du jeu. Les conditions du financement de l’économie en dépendent, une des clefs de la croissance.
Voilà, vous savez à peu près tout. Je ne sais pas s’il y a beaucoup de Français qui ont investi dans cette sorte de loterie. Le pays le plus épargnant du monde lui préfère certainement la Caisse d’Epargne et son rendement de misère…
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